Depuis leur mise sur le marché, les néonicotinoïdes suscitent de nombreux débats quant à leur responsabilité dans les phénomènes de surmortalité des abeilles.
En 2013, des restrictions ont été imposées à l’utilisation de ces substances, et une analyse complémentaire a été initiée. Les résultats viennent enfin d’être publiés et ils confirment la certitude initiale des apiculteurs : l’imidacloprid, la clothianidin et le thiamethoxam n’auraient jamais dû obtenir d’autorisation de mise sur le marché…
Dès leur mise sur le marché, les néonicotinoïdes se sont rapidement imposés comme un des insecticides les plus utilisés à travers le monde. Introduits pour contrer la résistance des insectes ravageurs, ils présentaient l’ « avantage » d’une toxicité aigüe assez faible chez les vertébrés.
Leur persistance dans l’environnement, leur solubilité dans l’eau et leur toxicité élevée pour les pollinisateurs rapidement signalée par les apiculteurs, les ont amenés sur le devant des scènes publique et politique depuis de nombreuses années, et l’attention qui leur a été consacrée n’a cessé de croitre.
En 2013, suite à la publication d’une analyse inquiétante de l’EFSA, la Commission européenne a proposé de suspendre pendant 2 ans certains usages des matières actives incriminées sur les cultures attractives pour les abeilles. Furent finalement interdits les usages des substances incriminées (clothianidine, imidaclopride et thiamétoxam) pour le traitement des semences, l’application au sol (en granulés) et le traitement foliaire des végétaux, y compris les céréales (à l’exception des céréales d’hiver), lesquels usages attirant de fait les abeilles.
En mars 2017, la Commission Européenne a présenté un nouveau plan, visant à prolonger ces interdictions. Un nouveau rapport de l’EFSA, attendu pour cette date, a été reporté d’une année, pour aboutir début 2018 à la publication d’un document limpide : les trois molécules menacent les abeilles domestiques et sauvages, et les mesures adoptées en 2013 sont en fait totalement insuffisantes pour contrôler les risques que ces pesticides représentent pour les butineurs.
L’étape suivante devrait couler de source, et passer par un vote immédiat des Etats-Membres pour soutenir la proposition de la Commission Européenne d’interdire tous les usages extérieurs de néonicotinoïdes. Mais l’ordre du jour du prochain comité des experts des 22 et 23 mars signale un point de discussion sur le rapport de l’EFSA, mais ne prévoit pas d’échanges de vues sur la proposition de la Commission, ni de vote.
Or cette proposition, dont la validité scientifique a été confirmée par le nouveau rapport de l’EFSA, doit être adoptée sans tarder. Les associations de protection de l’environnement ont interpellé le Jean-Claude Juncker en ce sens, plaidant pour une interdiction rapide d’utilisation de ces molécules.
De leur côté, 87 eurodéputés – dont les belges Philippe Lamberts, Bart Staes, Marc Tarabella, Pascal Arimont, Kathleen Van Brempt et Frédérique Ries – ont également saisi leur plume pour interpeller le Président de la Commission Européenne, adressant copie de ce courrier aux ministres de l’environnement nationaux.
On ne peut que regretter l’attitude de certains secteurs professionnels qui annoncent la mort de leur profession si on retire ces produits du marché, et amènent nos politiques à se targuer de ne pas être « les fossoyeurs du secteur betteravier »… Mais réalisent-ils qu’ainsi, on pourrait leur prêter le rôle de fossoyeurs des butineurs ?
Ce dossier illustre à nouveau les failles du système d’évaluation des risques des pesticides, qui autorise sur le marché des molécules qui n’auraient jamais dû s’y trouver au vu des conséquences qu’elles génèrent sur la biodiversité ou la santé humaine…
Et le pire, c’est sans doute que certains arriveront encore à dire que tout va très bien dans le royaume de l’évaluation des risques des pesticides.