La nouvelle gamme tarifaire de la SNCB pourrait attirer de nouveaux voyageurs, mais devra être accompagnée de meilleurs services et d’offres combinées plus attractives avec les opérateurs régionaux.
Une Carte Blanche parue sur le site du journal L’Echo le 21 février 2025.
Vendredi dernier, la SNCB a annoncé les dernières inconnues de sa nouvelle gamme tarifaire. Une déclaration d’amour à ses voyageurs? Cette réforme tarifaire (qui ne concerne pas les abonnements) fera des gagnants… mais aussi des perdants.
Elle s’annonce avantageuse pour les trajets courts, particulièrement pour les jeunes, et plutôt défavorable pour les longs trajets, notamment pour les seniors voyageant en heures creuses. Heureusement, l’impact négatif pour les longs trajets a été limité grâce à un prix plafond réduit, tant pour les billets avec que sans « carte avantage ».
La « carte avantage », c’est LA grande modification de cette réforme, avec l’objectif annoncé d’attirer de nouveaux voyageurs sur le rail et de les fidéliser. Son introduction, en remplacement des billets « Multi », change complètement la philosophie tarifaire via l’introduction d’une modulation tarifaire en fonction de l’heure de voyage.
L’avantage aussi de la simplicité
Le but de cette modulation est clair: lisser la demande en heure de pointe en la reportant sur les heures creuses, et ainsi homogénéiser le taux de remplissage des trains. Cette approche, utilisée depuis de nombreuses années chez certains de nos voisins, notamment en France, permet effectivement de lisser la demande dans une certaine mesure (de l’ordre de 1 à 10%). Toutefois, elle induit également un élargissement des heures de pointe en reportant le trafic sur les périodes juste avant ou juste après les heures de pointe officielles.
De plus, elle peut s’avérer complexe pour les voyageurs, en particulier dans le cas de variations importantes de ces périodes en fonction du jour de la semaine, de l’existence de certains « jours particuliers », et d’un manque de clarté sur la validité horaire des billets. Il semble heureusement que la SNCB ait opté pour un système assez simple: heures de pointe de 6h à 9h et de 16h à 18h la semaine, pas d’heure de pointe le week-end, tarif valable selon l’heure de départ.
Attendre une évaluation avant de supprimer des trains
Cette modulation de la demande ne doit toutefois pas être considérée comme un substitut, mais plutôt comme un complément, une adaptation de l’offre. En effet, il n’est pas certain que la réduction de la fréquentation en heures de pointe induite par la réforme suffise à supprimer le besoin d’augmenter la capacité en voyageurs à ces heures. Il est donc nécessaire d’attendre les premières évaluations du système avant toute modification du plan de transport en heures de pointe, et en particulier toute suppression de trains de pointe (trains P).
Malgré les limites des avantages qu’elle procure, il n’est pas impossible que cette nouvelle « carte avantage » pousse certains voyageurs à utiliser davantage le train. En cause: le biais cognitif des coûts irrécupérables, qui nous pousse à continuer un effort une fois un investissement (ici l’achat de la « carte avantage ») réalisé. Si tel est le cas, et que cela se traduit en parallèle par une augmentation du nombre de voyageurs laissant leur voiture au garage ou au parking, le pari de la SNCB sera gagné et la réforme pourra être considérée comme un succès.
D’autres facteurs que le prix, tout aussi importants
Il est toutefois important de souligner que, quoi qu’il arrive, une modification tarifaire n’est pas la panacée pour pousser les Belges vers le train. Si le prix influe fortement sur l’intention de prendre de train, ce sont d’autres facteurs, principalement liés à la qualité de l’offre (fréquence, ponctualité, accessibilité, etc.) qui permettent de passer de l’intention à l’acte. La fidélité ne s’obtient donc pas que par le prix, mais surtout par le service.
Afin de retenir les voyageurs sur le rail, il sera donc nécessaire que la SNCB:
- augmente la fréquence et l’amplitude de ses trains en respectant les promesses d’élargissements de son plan de transport;
- continue, en collaboration avec Infrabel, ses efforts en faveur d’une meilleure ponctualité;
- s’assure d’un accès aisé à ses services via une bonne couverture territoriale et une bonne desserte de ses points d’arrêt.
Cette amélioration de la qualité de l’offre ferroviaire doit être assurée sur l’ensemble du réseau, et pas uniquement sur les grandes lignes.
Des offres combinées vraiment attractives
La réforme, annoncée par la SNCB comme à coût neutre, ne permettra pas de débloquer de nouvelles recettes. Le financement public promis à la SNCB devra donc être assuré pour permettre de telles améliorations de la qualité de service.
La nouvelle gamme tarifaire de la SNCB ne doit pas non plus occulter le besoin de créer des offres combinées avec les opérateurs de transport régionaux (Stib, TEC et De Lijn) qui soient réellement attractives financièrement, non seulement pour les urbains, mais aussi pour les ruraux. Or, cette nouvelle gamme tarifaire accentue les différences entre la politique tarifaire de la SNCB et celles des autres opérateurs, rendant la création de telles offres combinées plus complexe.
Si l’on peut se réjouir de l’engagement de l’Arizona et du ministre Crucke en faveur du dialogue entre le Fédéral et les Régions, force est de constater que la tâche sera loin d’être facile.
En conclusion, la nouvelle gamme tarifaire possède, a priori, la capacité d’attirer de nouveaux voyageurs sur le rail et de fidéliser les voyageurs existants. Elle ne se suffit toutefois pas à elle-même et devra être absolument accompagnée d’un travail pour assurer une bonne qualité de service sur l’ensemble des lignes et d’une plus grande intégration de l’offre ferroviaire avec les offres des opérateurs régionaux. Seul un respect de ces deux conditions pourra permettre d’extraire tout le potentiel de cette nouvelle gamme tarifaire.