A la demande du CFDD (Conseil fédéral du développement durable), les chercheurs de la KULeuven ont mené une recherche sur la manière dont les Objectifs de Développement Durable (SDGs) ont déjà mené à un changement institutionnel ou dans les pratiques de gouvernance : « The SDGs as a lever for change in policy practices[[L’étude est rédigée en anglais avec un résumé en anglais, français et néerlandais]] ». Différentes bonnes pratiques à l’étranger ont été étudiées, et les chercheurs ont à chaque fois analysé dans quelle mesure ces expériences pourraient être utiles pour notre pays. Le présent article s’articulera autour de deux questions qui formeront le fil rouge d’une intervention lors du séminaire du CFDD consacré à cette étude le 25 juin prochain.
1. Qu’avons-nous appris de cette étude ? Eclairage sur un point particulièrement instructif : l’étude de cas sur la participation des parties prenantes en Finlande
Parmi les nombreux enseignements de ce travail, l’étude du modèle participatif finlandais apparaît comme particulièrement instructive, bien que non directement transposable chez nous de par la complexité de notre structure fédérale. La participation de la société civile dans les processus décisionnels est un des principes fondateurs du développement durable et une demande récurrente de la Plateforme Perspective 2030, une coalition nationale pour l’atteinte des SDGs en Belgique. Face à des enjeux de plus en plus complexes et interdépendants, le partage des connaissances des acteurs permet d’améliorer la compréhension des problèmes et d’y apporter des réponses innovantes. La participation permet en outre d’informer et de former les citoyens aux enjeux du développement durable et au fonctionnement des institutions.
En Finlande, la Commission Nationale du Développement Durable (CNDD), créée dès 1993, a joué un rôle clé dans la large participation des parties prenantes dans la conception, la mise en œuvre et le suivi de l’Agenda 2030. Outre cette longue tradition participative, on peut retenir comme bonnes pratiques :
- le leadership assuré par le Premier Ministre qui préside cet organe ;
- l’intégration dans une même assemblée de représentants des différents groupes parlementaires, des ministères, du monde de l’entreprise (employeurs et syndicats), de la société civile et du monde académique ;
- la position centrale de la CNDD qui assure une bonne coordination;
- la volonté de collaborer entre le gouvernement et tous les acteurs sociétaux qui s’est traduite par l’introduction dès 2013 d’ « Engagements de la société pour le développement durable» avec plus de 700 organisations de tous bords qui ont pris un engagement concret pour mettre en œuvre un des huit objectifs de la vision « La Finlande que nous voulons en 2050 ».
La Finlande a donc pu s’appuyer sur des bases solides pour intégrer efficacement les SDGs dans sa politique nationale. Parmi les effets positifs, l’étude mentionne :
- la mise à jour des indicateurs nationaux de développement durable selon la liste d’indicateurs de l’ONU ;
- le recrutement de personnel pour réaliser un suivi annuel des SDGs ;
- l’élaboration d’un système pour lier les SDGs avec le budget annuel.
L’étude souligne aussi le rôle positif de la CNDD qui a poussé le gouvernement à faire évoluer le développement durable d’une politique sectorielle vers une stratégie globale. La CNDD a également permis des rapprochements graduels entre le secteur privé et la société civile, tant au niveau des représentations que sur le terrain, au-delà des divergences de point de vue et de culture.
2. Les SDGs peuvent-ils être un levier pour réellement changer les pratiques politiques en matière de développement durable ?
Le Programme 2030 de l’ONU pour un développement durable est un agenda international très large et non contraignant. Les Etats se sont engagés politiquement à atteindre les SDGs mais n’y sont pas tenus légalement. Les SDG’s créent néanmoins un regain d’attention politique pour le développement durable et offrent, de par leur transversalité, un cadre commun pour impliquer une variété d’acteurs dans une démarche de durabilité. Les SDGs sont donc une opportunité pour faire évoluer les modes d’action publique vers davantage de participation, de cohérence (aussi bien entre politiques sectorielles qu’entre niveaux de pouvoir) et d’équité (pour tous en Belgique et ailleurs et envers les générations futures). L’étude pointe plusieurs facteurs de succès, que l’on peut d’ailleurs retrouver dans l’exemple finlandais :
- Le temps : les bonnes pratiques de mise en œuvre des SDGs se retrouvent principalement dans les pays qui ont une longue tradition de gouvernance en matière de DD. Les changements de gouvernance prennent du temps.
- Le leadership politique, de préférence de la part du Premier Ministre. Les fonctionnaires ont aussi un rôle important à jouer pour faire évoluer les pratiques.
- L’intégration des ODD dans les processus décisionnels existants (accords de gouvernement, notes de politiques générales, exercices budgétaires, contrats d’administration, travail des commissions parlementaires, etc) pour qu’ils deviennent la « colonne vertébrale » qui structure l’ensemble des politiques.
- L’interaction entre les mesures « top down » et les initiatives « bottom up ». Une réelle transformation de la gouvernance publique nécessite des actions à tous les niveaux qui puissent se renforcer l’une l’autre.
La complexité de notre système institutionnel représente une difficulté supplémentaire pour notre pays, la coordination entre le Fédéral et les Régions étant souvent insuffisante.
Espérons que les enseignements de cette étude soient pris en compte dans le cadre des élections à venir et que les prochaines coalitions gouvernementales se saisissent davantage des SDGs comme d’un levier de changement vers une gouvernance plus à même de relever les multiples défis du développement durable.