Les supermarchés belges pourraient agir davantage qu’ils ne le font actuellement pour encourager une alimentation plus végétale et durable. Leurs actions contre la déforestation et le gaspillage alimentaire restent également trop limitées. Pour l’instant, les supermarchés font principalement porter la responsabilité des choix alimentaires durables par les citoyens, même si certaines initiatives vont dans la bonne direction. Telles sont les conclusions de l’enquête Superliste, menée par le think tank néerlandais Questionmark, avec le soutien de Rikolto et de Test Achats et en collaboration avec Bond Beter Leefmilieu, BOS+, Canopea, Écoconso et FoodWIN, auprès des cinq plus grandes chaînes de supermarchés en Belgique. “Les supermarchés ont fait un premier pas, mais ils sont encore loin d’en faire assez”, déclare Julie Frère, porte-parole de Test Achats. “Le mouvement vers un système alimentaire plus durable peut, et doit être plus rapide”, indique Charlotte Linnebank de Questionmark.
Enquête dans 5 supermarchés, 80 % du marché belge
Que font les supermarchés pour promouvoir une alimentation plus végétale et des aliments produits durablement ? Comment luttent-ils contre la déforestation et le gaspillage alimentaire ? C’est ce qu’a analysé l’enquête Superliste auprès de Colruyt, Delhaize, Carrefour, Aldi et Lidl, qui représentent ensemble plus de 80% du marché belge. Ces supermarchés ont donc un impact majeur sur ce que nous mangeons au quotidien. L’étude Superliste a vérifié l’assortiment, l’aménagement, les promotions et les politiques internes des magasins. Les résultats démontrent que les supermarchés ratent de nombreuses occasions de mettre leurs engagements en pratique.
Une trop faible incitation vers la transition protéique
Manger moins de viande et plus d’aliments à base de plantes est une étape cruciale pour réduire l’impact environnemental de notre alimentation. Mais les supermarchés font encore trop peu pour faciliter la tâche de leurs clients. Deux plats cuisinés sur trois contiennent de la viande ou du poisson, et seul 4% des plats cuisinés étudiés sont entièrement à base de plantes (vegan) (Fig. 1). Dans les dépliants promotionnels, 7 “offres riches en protéines” sur 10 ont pour ingrédient principal de la viande ou du poisson. Les produits à base de viande prêts à être consommés, comme les escalopes, les hamburgers et les saucisses, sont le plus souvent vendus en (extra) grandes portions, de plus de 100 (ou 150) grammes (Fig. 2). Il existe des initiatives et des politiques intéressantes pour encourager une alimentation plus végétale, mais les objectifs concrets font plutôt défaut. Les supermarchés ne se sont pas non plus fixés d’objectifs pour augmenter la vente des protéines d’origine végétale.
« Les supermarchés disposent de leviers cruciaux pour accélérer le passage à une alimentation plus végétale », déclare Heleen De Smet, de Bond Beter Leefmilieu. « Via l’aménagement du magasin, les recettes qu’ils recommandent et les promotions qu’ils organisent, les possibilités sont nombreuses, et les supermarchés doivent prendre leurs responsabilités. »
Le durable n’est pas la norme
Les supermarchés ne garantissent pas que l’ensemble de leur assortiment est produit de manière durable. Ils font peser le poids du choix durable sur les consommateurs qui doivent rechercher proactivement les produits durables au sein d’une gamme d’aliments (Fig. 3). Dans certains supermarchés, il n’y a même pas une seule option durable disponible dans la moitié des groupes de produits étudiés. De plus, les informations sur l’origine, le transport et les méthodes de culture des produits sont trop peu ou pas transparentes. Pour s’améliorer, ils pourraient s’inspirer de certains supermarchés, par exemple via la certification du poisson.
“Au niveau de l’offre, nous pensons qu’un grand potentiel d’amélioration consisterait en la généralisation d’un score environnemental (à l’image du Nutri-score) qui contribuerait à aider le consommateur”, déclare Corentin Roland de Canopea. “Si les supermarchés ont déjà fait un réel effort pour proposer des produits locaux, avoir un assortiment plus local et surtout, plus de transparence, par exemple sur l’origine des aliments, est très important”, ajoute Renaud De Bruyn d’Écoconso.
Une déforestation encore trop peu maitrisée
La production de soja pour l’alimentation animale, l’huile de palme et le cacao est responsable d’une grande partie de la déforestation mondiale. On constate aussi un manque de transparence sur l’origine de de ces ingrédients. Finalement, les supermarchés ont développé peu de plans d’action pour réduire le risque de déforestation et de conversion des terres dans la chaîne d’approvisionnement. Souvent, les plans d’action existants se concentrent uniquement sur les marques du supermarché et offrent rarement de meilleures garanties contre la déforestation.
« La déforestation continue de s’intensifier à l’échelle mondiale à un rythme effréné », souligne Pieter Van de Sype de BOS+. « Les supermarchés peuvent contribuer à mettre fin à cette situation, notamment avec une politique d’achat qui va au-delà des marques des distributeurs et de la certification. Une telle politique peut encourager les fournisseurs à s’assurer que TOUS les produits ne participent plus à la déforestation. »
Pas d’objectifs concrets pour lutter contre le gaspillage alimentaire
Les supermarchés commencent à prendre des mesures pour lutter contre le gaspillage et les pertes alimentaires, mais des définitions claires, des objectifs mesurables et des rapports sur ces objectifs font le plus souvent défaut. Un seul supermarché a publié un plan d’action comportant ces trois éléments. Avec une approche plus ambitieuse et des objectifs ciblés, les autres supermarchés pourraient mieux rendre compte de l’impact de leurs actions contre le gaspillage alimentaire.
« Ce n’est qu’à l’aide de chiffres concrets qu’un détaillant peut prendre des mesures ciblées pour réduire ses pertes et faire des choix financièrement judicieux », déclare Gil Op de Beeck de FoodWIN. « Lorsqu’il s’agit de cartographier les déchets alimentaires, les grands gagnants sont, en plus de notre planète, les détaillants eux-mêmes. Et cette prise de conscience semble se développer progressivement. »
S’inspirer des bonnes pratiques
L’analyse de l’impact sur l’environnement et l’alimentation durable des 5 chaînes de supermarchés belges étudiées, ont donné des scores très faibles et très proches (allant de 10% à 14,6%). Dans l’absolu, les supermarchés ont donc encore beaucoup de progrès à faire et ont une grande marge de progression !
Lorsqu’on regarde les score des différents supermarchés pour les différentes sous-thématiques, on remarque de grandes différences. S’inspirer des bonnes pratiques des uns des autres permettrait d’avancer rapidement vers une alimentation plus durable.
« Les supermarchés reconnaissent leur responsabilité dans le développement d’un système alimentaire durable, ce qui se traduit par des initiatives prometteuses », déclare Jelle Goossens, porte-parole de Rikolto. « Si nous combinions les bonnes pratiques de tous les supermarchés belges, nous ferions immédiatement un grand pas en avant. »
Ce constat est partagé par Julie Frère, porte-parole de Test Achats, pour qui « les supermarchés ont fait un premier pas, mais ils sont encore loin d’en faire assez pour inciter les consommateurs à faire des achats durables. Acheter de manière durable devrait devenir un choix logique. Et à cet égard, il y a encore beaucoup de place pour l’amélioration. »
Charlotte Linnebank, directrice de Questionmark, ne dit pas autre chose : « Le monde réclame à grands cris une production et une consommation alimentaires plus durables. Les supermarchés ont à la fois la possibilité et la responsabilité de jouer un rôle majeur dans ce domaine. L’enquête Superliste offre aux supermarchés un aperçu des meilleures pratiques dont ils peuvent s’inspirer les uns des autres, ainsi que des domaines dans lesquels ils sont à la traîne et doivent donc progresser. »
Contacts
À propos du rapport Superlist :
- Test Achats : Julie Frère, 0495 52 82 35
- Rikolto (NL) : Jelle Goossens, 0485 08 29 60
Pour les questions sur la méthodologie de recherche, la collecte et le traitement des données:
- Questionmark (NL) Charlotte Linnebank, +31(0)6-46381582
Sur les recommandations spécifiques à :
- L’agriculture durable :
- Canopea : Corentin Roland, 0472 73 53 56
- Écoconso : Renaud De Bruyn, 081 730 730
- Déforestation : BOS+ (NL) : Pieter Van de Sype, 0496 75 81 47
- Transition protéique : Bond Beter Leefmilieu (NL) : Heleen De Smet, 0489 39 62 90
- Gaspillage alimentaire FoodWIN (NL) : Gil Op de Beeck, 0478 22 53 03
Pour une interprétation supplémentaire de l’impact écologique du système alimentaire, et du rôle que les supermarchés peuvent jouer à cet égard :
- Prof. Philippe Baret (Faculty of bio-science engineering, University of Louvain): 0493/24 88 14
- Prof. Erik Mathijs (NL) (Faculty bio-science engineering, KU Leuven): 0476/85 74 48
A propos du conseil des scientifiques
Le Conseil des scientifiques a été consulté pour l’élaboration de la méthodologie et l’interprétation des résultats :
- Erik Mathijs (Faculty bio-science engineering, KU Leuven)
- Philippe Baret (Faculty of bio-science engineering, University of Louvain)
- Sybille Mertens (Management school of University of Liège)
- Valerie Swaen (Louvain School of Management, University of Louvain)
- Hendrik Slabbinck (Faculty of economics and business administration, University of Ghent)
A propos des partenaires
Superliste est un programme de recherche international de Questionmark. Cette Superliste Environnement pour la Belgique a été réalisée en collaboration avec Rikolto, Test Aankoop, BOS+, Bond Beter Leefmilieu (BBL), FoodWIN, écoconso et Canopea. Ils ont apporté leurs connaissances et leur expertise dans l’élaboration de la méthodologie de recherche, la conception de l’étude et la formulation des recommandations.
Plus d’informations sur les partenaires sur le site www.superliste.be.
Superliste est rendu possible grâce au soutien financier de Rikolto, Test Achats, DGD, et EU LIFE.
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