Si 80% des déplacements sont encore réalisés en voiture, de plus en plus de citoyens expérimentent chaque jour d’autres façons de se mouvoir[[Rappelons que 17% des ménages wallons ne disposent pas de voiture privée (35% à Bruxelles) (Etude Beldam, 2012).]]. Tantôt par choix, tantôt par contrainte mais toujours avec beaucoup d’imagination !
La capacité – physique, cognitive et financière – à être mobile (la «motilité»[[Voir les travaux de Vincent Kaufmann sur ce concept de «motilité».]]) n’est pas distribuée de manière égale dans la population. Cet état de fait, accentué par la pression sociale actuelle au mouvement perpétuel[[La mobilité est devenue synonyme de liberté et de réussite sociale, l’«activation» le maître- mot des politiques publiques. Toute immobilité est désormais suspecte, qu’elle soit physique, professionnelle ou sociale.]], aboutit à une véritable discrimination sociale par la mobilité. C’est d’autant plus vrai que l’accès au marché du travail, aux services de base, à la culture ou aux loisirs sont encore trop souvent dépendants de la possession d’une automobile.
À côté des transports publics bien connus (SNCB, TEC, STIB, De Lijn) et de la mobilité dite douce ou active (vélo, marche à pied) que chacun peut déjà pratiquer au quotidien, des initiatives locales se multiplient, en particulier en zone rurale, pour permettre une accessibilité spatiale équitable à l’emploi, la culture, aux soins, à l’éducation, aux biens et services… en attendant qu’une véritable révolution culturelle s’engage en matière d’aménagement du territoire !
Ces Initiatives de Mobilité Rurale Alternative (IMRA) ont fait l’objet, en 2011, d’un travail approfondi de l’asbl SAW-B (Solidarité des Alternatives Wallonnes et Bruxelloises), soutenu par le Ministre wallon de la Mobilité. Il visait tant à réaliser un état des lieux de l’offre en Wallonie qu’a formuler des recommandations pour intégrer, développer et pérenniser ces initiatives. Celles-ci remplissent en effet un rôle social majeur à l’heure où l’offre de transport public «classique» tend à se détricoter, où le pétrole bon marché se raréfie et où les enjeux environnementaux exigent de repenser le modèle de mobilité actuel. Les territoires, a fortiori ruraux[[Voir l’intéressant travail de la CPDT à ce su- jet : CPDT, «Anticipation des effets du pic pétrolier sur le territoire wallon», Territoire(s) wallon(s), Actes colloque 2010, avril 2011.]], doivent donc inventer de nouvelles façons d’organiser leur mobilité.
Quelles sont ces initiatives, qui les organise et à qui s’adressent-elles ? Les IMRA peuvent être rassemblées en six catégories[[Pour plus de détails, nous vous renvoyons à la synthèse de SAW-B, La mobilité rurale alternative en Wallonie. Etat des lieux de l’offre et propositions pour la développer et la soutenir, 2011, disponible en ligne : http://www.saw-b.be/Publi- cations/Rapport_IMRA_Final.pdf]].
Transport sur demande individuelle
Vous avez quelque difficulté à vous déplacer seul(e) (personne âgée, à mobilité réduite, enfant de parents détenus, demandeur d’asile, personne en situation de précarité) ? Vous avez besoin d’être accompagné(e) pour vous rendre à l’hôpital ou à un autre rendez- vous important ? Pensez aux services d’accompagnement personnalisé (proposés par la Croix Rouge, le service Altéo de la Mutualité chrétienne, l’asbl Asta ou les TEC) ou à la centaine de «taxis sociaux» qui s’organisent sur le territoire wallon. Le plus souvent à l’initiative des CPAS ou des communes, mais aussi d’asbl («Centrale des moins mobiles» de Taxistop) ou de coopératives («Locomobile» en province du Luxembourg), ces services permettent de mouvoir ou de se mouvoir en toute solidarité. La demande est énorme, n’hésitez pas à vous porter bénévole pour soutenir l’initiative !
Initiatives liées à la recherche d’emploi et à la réinsertion
A côté du transport individuel organisé pour se rendre en formation ou en rendez-vous d’embauche (ALE Mobil de Tournai ou différents services précisés ci-dessus), des perspectives plus structurelles sont proposées aux demandeurs d’emploi afin d’accroître leur «motilité». Si des formations théoriques et pratiques au permis de conduire voiture se multiplient un peu partout en Wallonie, d’autres initiatives élargissent la vision de la mobilité et permettent d’accroître l’autonomie des participants. C’est le cas, par exemple, de formations à la mobilité («Petit parcours», coaching mobilité ou «Plan d’action mobilité» de l’asbl Damier en province du Luxembourg ; «Mobil’coach» en zone de Namur) qui proposent de décrypter les sites internet relatifs à la mobilité ou d’apprendre à se situer et s’orienter sur une carte, à lire un horaire, qui invitent à réfléchir à l’accessibilité d’un futur emploi potentiel, à apprendre à gérer le coût, l’espace et le temps de sa mobilité, à organiser un itinéraire, etc.Enfin, de nombreuses asbl (les «Compagnons de la Maison» à Marche-en-Famenne, «Multimob» en Hainaut occidental, «Envie d’avenir» en région liégeoise, ALE de Tournai, EFT à Florennes) proposent aussi scooters et vélos électriques à la location ou à la vente voire en vélo-partage!
Projets favorisant la mobilité douce
Le vélo, il en est justement question dans plusieurs initiatives. L’asbl Pro-Velo a mis les deux-roues au cœur de son action en proposant divers services dont un accompagnement et une sensibilisation au vélo avec des projets de formation dans les écoles, vis-à-vis du grand public (c’est aussi le cas du GRACQ), l’organisation du Brevet cycliste, de randonnées accompagnées, etc. L’asbl met également à disposition des services pratiques et des conseils au sein des Maisons des cyclistes et des Points vélo (Mons, Liège, Namur, Ottignies) avec location, entretien et petites réparations mais aussi de nombreuses infos pour arpenter au mieux les chemins à bicyclette. Ces Points vélo bénéficient d’un soutien de la Wallonie, du Gouvernement fédéral et de la SNCB-Holding.
Car les opérateurs de transport public tentent aussi de mettre en pratique l’intermodalité. A côté du service «Blue bike», qui propose la location de vélos (maintenant aussi électriques) dans les plus grandes gares belges (SNCB-Holding), les TEC offrent aussi la possibilité de se munir d’un CycloTEC (vélo pliable) en complément de l’abonnement annuel traditionnel.
Enfin, l’asbl Sentiers.be travaille d’arrache-pied à promouvoir, maintenir et développer le réseau wallon de chemins et sentiers… Nous l’oublions en effet parfois mais nous sommes avant tout bipèdes et donc aussi capables d’utiliser nos deux pieds pour nous déplacer (et conduire nos enfants à l’école !). Quand on sait que 20% de nos déplacements de moins d’un kilomètre sont encore effectués en voiture, on se dit qu’il y a là encore un fameux potentiel pour la marche !
Covoiturage et autostop organisés
Si toutefois la voiture s’avère nécessaire, pensez à partager un véhicule ! Plusieurs possibilités s’offrent à vous : carsharing (centralisé ou entre particuliers), covoiturage ou autostop (organisé ou non).
Dans un système de carsharing classique (centralisé, type Cambio), un organisme met un parc de véhicules à disposition de ses abonnés, véhicules utilisés successivement par des utilisateurs différents. Les frais sont payés par l’utilisateur à l’organisme et les véhicules répartis en stations décentralisées. Le carsharing entre particuliers procède du principe identique de partage d’un même parc de véhicules mais sans recours à un organisme centralisateur. Ici, le système se met en place entre voisins qui se répartissent ainsi les coûts relatifs à l’usage de la voiture (assurances, carburant, etc.), celle-ci restant la propriété de l’un des membres du groupe («Autopia» de Taxistop).
Le covoiturage est l’utilisation conjointe d’un véhicule particulier par un conducteur non professionnel et un ou des passagers. Les «covoitureurs» se sont arrangés pour organiser leur trajet commun permettant de se répartir les coûts entre utilisateurs. A ce jour, le covoiturage est surtout utilisé pour des trajets réguliers (du type «domicile-travail» ou «domicile-école») de moyenne ou longue distance, ou dans le cadre d’événements (festivals, etc.). Des bases de données existent d’ailleurs (54.000 covoitureurs vous attendent sur le site Carpoolplaza géré par l’asbl Taxistop ! Voir aussi Luxcovoiturage ou Tousmobil) pour faciliter la rencontre entre «covoitureurs».
En pratiquant l’autostop, enfin, un piéton cherche à se faire transporter gratuitement par un automobiliste de passage, habituellement sans arrangement préalable. Dans le cadre de l’autostop encadré (Voitures A Plusieurs), piétons et automobilistes se sont préalablement inscrits dans un réseau d’utilisateurs et se présentent mutuellement un signe de reconnaissance. L’autostop est souvent utilisé pour des trajets ponctuels vers des destinations variées.
Transport collectif de proximité
A côté de ces possibilités de transport individuel, du transport collectif de proximité existe. Proposant un matériel roulant adapté à des flux de trafic moins denses, ces initiatives ont toute leur place en zone rurale, en complément des lignes régulières. Centrés sur la desserte interne à une commune ou celle de pôles d’intérêt immédiatement adjacents, les «Proxibus» fonctionnent grâce à une collaboration entre les TEC et la commune concernée qui se partagent les coûts de mise en œuvre d’un tel service. Plusieurs communes, réparties sur l’ensemble du territoire wallon, ont décidé de se lancer dans l’aventure. En Province du Luxembourg, c’est un «Telbus» qui est proposé aux habitants. Objectif : se déplacer entre deux villages ou vers le pôle urbain le plus proche. Ce service à la demande nécessite une réservation mais c’est à domicile que vous êtes pris en charge !
Acteurs « en réseau »
Enfin, pour organiser toute cette offre de mobilité alternative, réaliser des économies d’échelle et, surtout, informer la population de ces possibilités de déplacement, des acteurs de terrain sont nécessaires ! Les TEC et la SRWT ont été désignés «managers de la mobilité» par la Wallonie et tentent de développer, peu à peu, une offre multimodale plus diversifiée. Mais des acteurs plus locaux peuvent aussi organiser ces initiatives en réseau. C’est le cas d’un service comme «Damier», souvent cité en exemple qui, en Province de Luxembourg, rassemble les informations relatives à l’offre de mobilité sur un site internet et via un call-center. Les GAL Condruses et Culturalité (Brabant wallon Est), actifs à une échelle supracommunale, tentent aussi de mettre en œuvre une réflexion et surtout des pratiques concrètes en matière de mobilité rurale alternative. Des centrales de mobilité bien nécessaires et qui, espérons-le, pourront à l’avenir se déployer sur l’ensemble du territoire wallon !
Extrait du n°72, août-septembre 2013, de La Lettre des CCATM. Pour lire les autres articles, cliquez ici.