L’Union Wallonne des Entreprises lançait un cri d’alarme dans son dernier point conjoncturel automnal. D’après un sondage réalisé par leurs services, le moral des entreprises est en berne notamment du fait des prix élevés de l’énergie (et l’inflation) qui entament leur compétitivité.
En tant qu’environnementalistes nous ne pouvons que partager les préoccupations affichées par les employeurs. Un scénario qui verrait des entreprises manufacturières quitter l’Europe pour rejoindre des régions plus attractives en termes de prix de l’énergie n’est évidemment pas souhaitable pour le climat. Mais si nous partageons pleinement la préoccupation, nous voulons questionner la réponse proposée par les patrons : “Réduire le coût du MWh est la priorité”… Ainsi parmi les 7 mesures de court terme proposées par la FEB en aout 22 pour « agir sur les prix de l’énergie », 6 visaient à réduire le coût du MWh (réduire le prix day ahead, réduire le prix CO2, plafonnement des prix du gaz et de l’électricité, baisses supplémentaires des surcharges, augmentation des compensations « carbon leakage ») …
Les patrons devraient pourtant porter davantage leur attention sur leur 7° mesure : investir massivement dans l’excellence énergétique des outils de production et dans les énergies renouvelables.
La Wallonie, et de manière plus large l’Europe, ne gagnera jamais la bataille des prix bas en tous cas tant que nos industries tourneront à l’énergie fossile importée… Mais surtout, gagner cette bataille n’est absolument pas souhaitable. Faut-il rappeler ici que pour garder une chance de limiter le réchauffement à 1,5 °C, et ainsi garder les conditions environnementales d’une société (et d’une économie) prospère, il faudrait laisser dans le sol près de 60 % des réserves de pétrole et de gaz ?
La crise actuelle nous appelle donc à investir dans un tissu productif. Pour le climat bien sûr, mais aussi pour nous positionner comme leader (en termes de R&D, de développement…) de LA principale source d’énergie de l’avenir : l’efficacité énergétique…
Où en sommes-nous en Belgique ? Dans son leaflet sur les pistes pour agir sur les prix de l’énergie, la Fédération des entreprises de Belgique (FEB) stipule que « les entreprises ont déjà déployé d’importants efforts pour réduire autant que possible leur consommation d’énergie ». C’est en partie vrai… Mais de manière générale, le potentiel d’amélioration de l’efficacité énergétique – y compris des gains d’efficacité économiquement attractifs – demeurent gigantesques en Belgique. La Commission européenne estime ainsi que, d’ici 2030, le potentiel de réduction des consommations d’énergie rentable économiquement est de 23% dans l’industrie et de 15% dans le commerce par rapport à un scénario tendanciel. Notre pays se classe depuis quelques années parmi les mauvais élèves de la classe européenne sur ce chantier fondamental . La Belgique était ainsi le seul pays de l’UE avec la Bulgarie et la Pologne à ne pas atteindre son objectif de réduction de consommation d’énergie primaire en 20201…
Investir dans l’efficacité énergétique devrait donc occuper toute leur (notre) attention. A ce titre les prévisions affichées par l’UWE sont très préoccupantes. Selon leur enquête, les entreprises prévoient une baisse des investissements (dont ceux dans l’outil de production) dans les prochains mois.
Quels enseignements tirer pour les autorités wallonnes ?
Primo, dans un contexte budgétaire plus que tendu, il faut prioritairement soutenir les entreprises qui s’engagent à investir ou qui disposent d’un outil performant énergétiquement. Ne commettons pas à nouveau les erreurs du passé consistant à renflouer à coup d’argent public des structures industrielles dans lesquelles les propriétaires n’investissent plus depuis des années. Nous n’avons plus les moyens pour des aides “pansement” appliquées sur des plaies qui continuent à saigner…
Secundo, la priorité des autorités régionales doit rester l’investissement public et le soutien à l’investissement privé pour améliorer notre tissu industriel. C’était la force du plan de relance de la Wallonie voté en 2021. Hélas, la crise budgétaire a refroidi cette dynamique vertueuse. Le récent concile budgétaire a ainsi décidé de réduire le plan de 500 millions€ principalement pour financer “les mesures pansements”.
Surtout, toutes ces politiques publiques industrielles doivent plus que jamais s’inscrire dans une stratégie bas carbone de long terme encore à définir. Quel est l’avenir du raffinage pétrolier, de la production d’intrant à base de fossile voire du secteur aérien ? Se poser honnêtement ces questions avec les travailleurs du secteur est plus que jamais une nécessité à court terme si nous ne voulons pas investir dans des secteurs qui n’auront plus de marché d’ici 2050.
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