Line François est chargée de mission chez Espace Environnement, la Maison de l’Urbanisme du Hainaut-Charleroi, qui est aussi une association membre d’IEW. Line est bien connue des membres des CCATM du Hainaut, qu’elle rencontre régulièrement lors d’animations et de formations. Echelle Humaine l’a invitée à témoigner de son expérience.
Échelle Humaine : Le CoDT avait eu la drôle d’idée d’interdire aux membres effectifs et suppléants d’assister ensemble aux réunions, mais cela vient de changer cet été, heureusement ! Crois-tu que cette nouvelle disposition aura des conséquences positives sur les CCATM, en termes de quorum ?
Line François : Empêcher les membres effectif et suppléant d’un même binôme de siéger ensemble, c’était une disposition très contraignante, inadaptée aux contingences de la participation citoyenne. Je pense que c’est une bonne chose de revenir à la règle qui prévalait sous le CWATUP. L’interdiction n’était de toute façon pas encore d’application, puisqu’il fallait attendre que les nouvelles CCATM soient lancées. Par contre, il me semble que peu de gens sont au courant de cette avancée.
Échelle Humaine : Oui, il manque encore une dernière étape dans la procédure de modification du CoDT. Il faut que l’arrêté modificatif du CoDT soit publié au Moniteur Belge, comme le rappelle d’ailleurs cet article de l’Union des Villes et Communes de Wallonie. Est-ce que cette disposition peut, selon toi, diminuer l’absentéisme dans les CCATM ?
Line François : Je voudrais aborder cette question par le biais de l’« abandon de poste ». Au cours des six années d’une mandature, de nombreuses CCATM connaissent une baisse de fréquentation. Il y a des membres qui se rendent très rapidement compte qu’ils ne sont pas intéressés par les matières traitées et d’autres, pourtant investis, qui se découragent sur le long terme. Les raisons que je distingue :
- Pour certains membres, c’est un nombre de réunions jugé trop important, des réunions consacrées à des sujets répétitifs et peu intéressants dans la perspective d’un aménagement communal durable et de qualité.
- A l’inverse, pour d’autres, c’est parce qu’il y a trop peu de réunions ; ils ont le sentiment que l’ordre du jour est composé de façon à atteindre le nombre de réunions imposé par la législation.
- L’opinion assez répandue est que les avis de la CCATM ne sont pas suffisamment pris en considération, mais c’est surtout l’absence de retour sur les motivations des décisions prises qui dérange la plupart des membres. C’est pour les élus que les avis sont établis, il n’y a donc rien de plus décourageants que de voir qu’ils ne s’en servent pas.
Cette désaffection témoigne de l’impression de perdre l’essence même du rôle des CCATM, à savoir, rendre un avis citoyen sur des projets susceptibles d’impacter la qualité urbanistique et l’aménagement durable de son territoire.
Les solutions ?
- Plus de proactivité des communes dans les demandes d’avis, en collaboration avec le/la président.e.
- Constituer un petit groupe de membres qui approfondit les dossiers, cela pourrait être des solutions plus concrètes et efficaces que des impositions via la législation. Cela (r)établirait aussi plus de confiance entre les membres et les élus.
Réduire le nombre de dossiers imposés par la réglementation n’est pas une réponse à la problématique de l’absentéisme, puisque les communes peuvent consulter les CCATM pour des dossiers qu’elles jugent importants et les CCATM peuvent aussi demander à remettre des avis d’initiative.
Échelle Humaine : Pour les nouvelles CCATM en Hainaut, comment est-ce que cela se passe ? Te demande-t-on des renseignements pour y voir clair dans la procédure de renouvellement ?
Line François : Non je n’ai eu aucune demande. Je suppose que les communes sont bien informées à ce sujet, ou s’informent par ailleurs, auprès de la Direction générale opérationnelle de l’Aménagement du territoire, du Logement, du Patrimoine et de l’Énergie (ex-DGO4) du Service Public de Wallonie.
Échelle Humaine : Le montant dont dispose la CCATM pour effectuer des sorties ou d’autres actions, te paraît-il suffisant ?
Line François : Question délicate… Cela varie selon les CCATM. Il y en a où l’argent est utilisé en jetons de présence (ou autre mais je ne sais bien entendu pas à quoi) et où il ne reste rien pour des sorties « pédagogiques ». D’autres, au contraire, privilégient ce type d’activités. Ce serait sans doute intéressant d’augmenter la dotation mais c’est surtout la manière d’utiliser l’argent qui est à réguler. Je pense que la commune devrait être capable de le faire.
Échelle Humaine : Quelles sont les activités hors Ordre du Jour ordinaire auxquelles tu as eu l’occasion de participer, et quel serait ton commentaire ?
Line François : J’ai essentiellement participé aux moments de sensibilisation/formation proposés par notre Maison de l’Urbanisme, à d’autres que j’ai organisés en réponse à la demande et enfin à des séquences menées, soit sous forme de conférence/débat, soit sous forme d’ateliers participatifs :
- Formations sur la réglementation : sur le CWATUP, j’ai formé chaque fois des communes prises isolément ; sur le CoDT, plusieurs communes regroupées, ce qui a donné un autre relief à la formation.
- Densification en milieu rural : j’ai organisé des ateliers participatifs sur base de cas concrets pour plusieurs communes regroupées, en réponse à une première demande. Nous avons proposé la formule à d’autres communes regroupées. Le but est d’arriver à créer ensemble un tableau d’évaluation objective de ce type de projets.
- Mobilité en milieu rural : j’ai animé une formation/débat suite à la demande d’une commune et j’estime qu’on pourrait réitérer cette expérience, mais nous n’avons pas encore eu le temps !
- Visite de cas concrets d’urbanisation en milieu rural, périurbain et urbain : plusieurs communes regroupées, en réponse à une demande.
Les activités les plus intéressantes? Regrouper plusieurs CCATM ayant des points communs, faire travailler les membres en ateliers inter-CCATM, circuler sur le terrain
Les activités les plus intéressantes, à mon sens, sont celles qui répondent à ces trois critères :
- Regrouper plusieurs CCATM ayant des points communs (proximité, milieu urbanisé relativement semblable) pour favoriser les échanges concrets.
- Faire travailler les membres en ateliers inter-CCATM est beaucoup plus productif et mieux apprécié qu’une conférence/débat.
- Circuler sur le terrain : les visites surtout quand le temps est au beau fixe sont de réels moments d’apprentissage, d’échange et de convivialité.
Échelle Humaine : Aimerais-tu que soit organisée une journée des CCATM ? Avec quel type de contenu ?
Line François : Tout ce qui rassemble des membres de CCATM me paraît bénéfique. Je dirais que le réseautage et donc les échanges est ce qu’il y a de plus intéressant pour les membres. Dès que nous organisons une activité regroupant quelques CCATM géographiquement proches, on sent bien l’intérêt du dialogue. Les visites de cas concrets sont aussi vraiment des moments d’échanges importants.
Échelle Humaine : Enfin, la question cruciale, comment faire vivre la/les CCATM ?
Line François : Ce qui me semble capital :
- Proposer des activités les plus concrètes possibles regroupant plusieurs CCATM pour sensibiliser et « former » (pas en faire des experts !). Ateliers, visites, rencontres.
- Rappeler les règles de base de la participation. Il faudrait, mais nous ne le faisons pas, ou pas suffisamment faute de temps, leur offrir les moyens de débattre entre eux de la représentativité, de leur rôle d’experts citoyens. Mais aussi, pourquoi pas, leur donner l’occasion de débattre de cela avec les mandataires ? Ce serait très utile de former certains membres (je pense à la présidence, au minimum) à la gestion de groupes et à la distribution de parole. Tout cela permettrait un meilleur fonctionnement du groupe.
Échelle Humaine : Estimes-tu que la CCATM gagnerait à être plus connue dans la commune en général ?
Line François : Oui, sûrement, mais la plupart des membres ont déjà de telles difficultés de reconnaissance par les élus communaux et même parfois entre membres, que ces problèmes sont probablement à régler en priorité. Je constate parfois des attitudes de supériorité affirmée à titre personnel, du corporatisme, voire de la discrimination politique.
Pour terminer sur une note positive, je te remercie pour ces questions précises qui correspondent bien à notre approche du travail avec les CCATM. Nous avons souvent des échos en provenance des présidents ou des membres, c’est donc d’autant plus de facile de formuler des réponses concrètes.