Depuis quelques années, on assiste en Wallonie à l’émergence d’une opposition structurée à l’implantation d’éoliennes. Diffusion d’argumentaires sur Internet et dans les médias, appel et soutien à l’opposition lors de toute implantation, participation systématisée aux réunions d’information et enquêtes publiques : ce noyau dur s’active tous azimuts avec à la clé une visibilité médiatique inversement proportionnelle à sa représentativité[95 % des wallons sont favorable au développement à large échelle des énergies renouvelables, selon un [sondage réalisé par l’institut IPSOS pour le compte d’EDORA en octobre 2013. Plus spécifiquement sur l’énergie éolienne, 81 % des personnes interrogées s’y déclarent favorables, et 5 % défavorables, ce qui corrobore de précédents sondages sur cette question.]]. Nous avons souhaité savoir qui étaient ces activistes mobilisant le nymbisme contre une source d’énergie renouvelable, certes pas parfaite, mais loin de présenter toutes les tares dont on l’accable.
Mise en garde
Cet article établit une série de liens, qui concernent notamment des responsables de Vent de Raison et des « Collectifs du Condroz », mais ne prétend certainement pas que ces liens soient généralisables à l’ensemble des personnes qui sont sensibles à leurs arguments, qui émettent des objections à l’implantation de tel ou tel parc d’éoliennes ou qui émettent des réserves sur la politique menée en la matière. Il importe cependant de cerner le terrain sur lequel ces débats sont menés.
Campagne de communication professionnelle…
Vent de Raison se présente comme la fédération wallonne des mouvements anti-éoliens. Elle revendique l’adhésion de 60 groupes d’oppositions qui représenteraient 70.000 personnes. Aucune liste des groupes membres n’est donnée sur le site Internet de Vent de Raison, et il n’est donc pas possible de vérifier ces affirmations, mais le chiffre de 70.000 personnes représente un peu moins de 2 % de la population wallonne, ce qui n’est pas incompatible avec les résultats du sondage mentionné ci-dessus faisant état de 5 % d’opposants.
On peut néanmoins s’interroger sur la mobilisation réelle de 70.000 wallons contre l’éolien, notamment au vu du succès très relatif de la pétition « NON à l’éolien en Wallonie ! » promue par Vent de Raison : en deux semaines de mobilisation maximale des opposants[[Du 16 au 31 octobre, soit pendant la phase finale de l’enquête publique sur la cartographie éolienne wallonne.]] elle a récolté moins de 3.000 signatures…
Les responsables de Vent de Raison et leurs confrères des « Collectifs du Condroz » ont mis sur pied une campagne de communication d’une ampleur impressionnante : des centaines de tweets, des publications journalières sur Facebook, des brochures et emails types diffusés largement, des vidéos de qualité professionnelle avec prompteur , des bâches et des banderoles (de qualité, donc onéreuses) déployées le long des routes… Le magazine Marianne Belgique révélait fin novembre que l’agence de communication de crise Akkanto – « une des plus chères du Royaume » – avait été recrutée par Vent de Raison. Celle-ci a parmi ses références des clients comme Electrabel ou le Forum Nucléaire.
L’importance des moyens mis en œuvre (et leur coût estimé) détonne dans le cadre d’initiatives purement citoyennes, lesquelles peinent souvent à réunir suffisamment de fonds pour se faire entendre un minimum.
Crédit photo : © Christophe Leroy dans levif.be
Les résultats de ce battage médiatique paraissent bien faibles au vu des moyens mobilisés : environ 3000 signatures pour la pétition en ligne (dont une partie viennent de France et de Suisse) ; moins de 250 amis Facebook pour Vent de Raison et une bonne septantaine pour les Collectifs du Condroz qui n’ont par ailleurs attiré que 300 « followers » sur Twitter… On est vraiment très loin du mouvement de masse !
Ces moyens considérables déployés en matière de communication, tranchent avec le peu d’efforts réalisés en matière de structuration interne de ces associations. La « fédération » Vent de Raison conserve ainsi, à ce jour, un statut d’ « association de fait » bien moins transparent que celui d’asbl, généralement choisi quand un mouvement citoyen s’organise et se structure. Ainsi, contrairement à ce qui se passe avec les asbl, il n’y a pas de publication de statuts et du nom des administrateurs, il n’y a pas non plus d’assemblée générale souveraine débattant démocratiquement des orientations stratégiques, pas de comptes à faire approuver avant dépôt officiel ni d’obligation particulière en terme d’affectation des fonds…
Dès lors, quand Luc Rivet, porte-parole de Vent de Raison, indique sur le plateau de la RTBF que son mouvement est contre les éoliennes « partout à l’intérieur des Terre », il s’avère difficile de savoir si cette position sans nuance et sans compromis est issue d’un débat interne ou si l’homme parle au nom de quelque personnes qui souhaitent imposer leur ligne dure….
Plateforme européenne
Vent de Raison ainsi qu’une série de groupes anti-éoliens wallons sont affiliés à l’EPAW, « Plateforme européenne contre l’éolien industriel ». Cette fédération se donne pour objectifs, d’une part, de « dénoncer l’incapacité des éoliennes industrielles à résoudre – même partiellement – les problèmes de l’homme et de la planète » et, d’autre part, de combattre les projets éoliens spécifiques.
Le français Jean-Louis Butré, ex-cadre supérieur d’une société pharmaceutique et par ailleurs président de la Fédération Environnement Durable, est aux commandes de l’EPAW. La Fédération Environnement Durable vise à « plébisciter les technologies d’économies d’énergie, les énergies renouvelables efficaces pour un environnement durable ». Son site ne contient cependant rien d’autre que… de la littérature anti-éolienne. A côté de l’onglet « éolien » bien fourni en contenu, on en retrouve certes d’autres (« économies d’énergie », « solaire », « hydraulique », « biocarburants » et « biomasses ), mais qui se contentent de renvoyer vers les pages Wikipédia correspondantes…
Cela ne surprendra pas vraiment, mais être anti-éolien, ce n’est pas être pour le développement durable ou la protection de l’environnement, comme certains tentent de le faire croire, c’est avant tout être… contre les éoliennes.
Luc Rivet, porte-parole de Vent de Raison, est à ce titre également Délégué général de l’EPAW. C’est un professionnel des médias : ancien de la RTBF, il fut par ailleurs journaliste spécialisé dans le publi-reportage télévisuel pour les entreprises qui désirent soigner leur image.
Il fut cependant mis à pied en 1989 par la RTBF pour cause de conflit d’intérêt. Un des articles de presse consacré à cette affaire relate : « Réuni lundi, le comité permanent de la R.T.B.F. a décidé de retirer de l’antenne Luc Rivet, producteur magazine «Bizness Bizness». Robert Stéphane, administrateur général, a proposé un blâme pour le journaliste. (…) se posait un délicat problème de déontologie journalistique. Il n’est pas concevable d’être, à la fois, producteur d’un magazine économique sur une chaîne publique et de participer, même indirectement, à la vie d’une société susceptible de tirer profit d’une position professionnelle combien privilégiée sans risques de confusion d’intérêt. Sur le plan commercial, il s’agit là d’une concurrence déloyale. Sur le plan de la morale journalistique, c’est intolérable a estimé la direction de la R.T.B.F., parce que cette situation peut, à tout moment, déboucher sur des interférences nuisant à une règle essentielle de la profession: le souci d’objectivité. »
A ce jour, Luc Rivet reste impliqué dans différentes sociétés, dont Creative Bizness SA, spécialisée dans la communication d’entreprise.
Anti-éoliens et lobby nucléaire
Les affinités de différents meneurs de groupes anti-éoliens avec l’industrie nucléaire et ses partisans sautent rapidement aux yeux dès que l’on se penche sur le sujet. L’actuel président de Vent de Raison, Patrice d’Oultremont, n’est ainsi pas n’importe qui : avant de s’engager avec fougue dans le combat contre les éoliennes, il fut directeur de la SPAG, consortium rassemblant les plus grosses compagnies européennes de haute technologie et a travaillé plusieurs années dans le nucléaire. « Le Soir », qui lui a consacré un portrait en 1990, est sans équivoque sur les liens entre l’homme et l’atome : « Docteur en physique nucléaire, engagé en début de carrière par la Belgonucléaire, il est détaché en 1967 aux Etats-Unis dans le cadre d’un programme de recherche commun à l’Euratom et la Commission de l’énergie atomique américaine ».
Dès l’origine, Vent de Raison a repris sur son site Internet la littérature anti-éolienne des milieux pro-nucléaires français. Un communiqué de l’organisation « Sauvons le Climat » (que certains surnomment « Sauvons le nucléaire »[Voir [les critiques de cette organisation sur Wikipédia. Ou mieux, se faire une idée sois-même en allant compter le nombre de personnes liées à AREVA ou à EDF dans le Conseil scientifique de cette organisation.]]) figurait ainsi en page d’accueil du site de Vent de Raison en 2007 : « Qu’il n’y ait pas ici de malentendu : « Sauvons le Climat » n’est pas hostile à l’énergie éolienne, en particulier lorsque sa mise en œuvre permet de diminuer les émissions de gaz à effet de serre (par exemple dans les DOM-TOM et en Corse). Par contre, lorsque ce n’est pas le cas, comme en France continentale, nous ne saurions accepter que ses promoteurs trompent nos concitoyens (…) ». L’éolien, oui, mais outre-mer uniquement…
Sur une structure de communication qui était quasiment du copié-collé, Vent de Raison affirmait alors : « Non, nous ne sommes pas contre l’éolien industriel ! Dans l’indispensable tâche de libérer la planète au plus tôt des gaz à effet de serre (GES), les énergies renouvelables ont un rôle essentiel à jouer. Parmi celles-ci, l’éolien, à condition qu’il ne pollue pas plus qu’il n’aide à dépolluer. Car, c’est bien là le paradoxe. (…) A partir d’une certaine puissance installée, le bilan des GES devient défavorable. Pourquoi pas s’en tenir au seul off-shore ? ». L’éolien, oui, mais en mer uniquement…
Aujourd’hui, les Collectifs du Condroz reprennent assez régulièrement des discours pro-nucléaires dans leur publications, comme ici sur leur compte Twitter :
Les affinités particulières des anti-éoliens et des pro-nucléaire sont bien dépeintes par Guillaume Malaurie, journaliste environnement au « Nouvel Observateur », dans une analyse qu’il consacra à la mouvance anti-éolienne française : « Il serait cependant tout à fait erroné de voir derrière chaque manifestant anti-éolien la main du « lobby nucléaire » quand bien même celui-ci regarde avec délectation ces rebellions contre une énergie alternative jamais vraiment prise au sérieux. Il n’en est pas moins vrai que beaucoup de retraités d’Edf qui ont participé à l’aventure atomique française et qui en sont fiers, donnent très spontanément aux anti-éoliens des coups de main. Une assistance technique et des conseils qui contribuent à l’élaboration d’une doctrine que l’Institut Montaigne a gravée dans le marbre (Voir le rapport de l’Institut Montaigne et la réponse du Syndicat des Energies Renouvelables). La présence de Michel Boiteux, l’ancien patron d’Edf, au côté de Valéry Giscard d’Estaing dans la croisade anti-éolienne est à cet égard révélatrice. »
En contradiction avec ses messages qui minimisent l’apport énergétique des éoliennes, le lobby nucléaire voit dans le développement éolien et renouvelable une menace sérieuse pour son avenir. Voir l’article : Il faut vite abattre les énergies renouvelables.
Volontairement ou non, beaucoup d’anti-éoliens s’avèrent donc aujourd’hui les alliés objectifs des défenseurs de l’énergie nucléaire…
Propriétaires terriens à la manœuvre
Dans un article récent relatant une récente manifestation contre l’inauguration d’un parc éolien à Pessoux, le journal « L’Avenir » constate : « ces manifestants n’avaient rien de métallos mais consistaient surtout en gros propriétaires terriens et châtelains de la région, notamment. Prince, barons et comtes, tous sous la bannière de Vent de raison (…) ».
Nous faisons le choix de ne pas citer nommément ici tel ou tel représentant des associations anti-éoliennes. Il n’en demeure pas moins pertinent de chercher à comprendre le réseau activé par les anti-éoliens.
Le magazine Marianne Belgique affirmait en novembre dernier que parmi les anti-éoliens « on compterait de nombreux nobles et autres grands propriétaires terriens, qui joueraient les mécènes pour Vent de Raison ». Et de citer à l’appui le témoignage de la présentatrice Armelle, elle-même châtelaine dans le Condroz, une région où sont installées « de riches familles qui possèdent de vastes terrains » et qui protègent un patrimoine. « Il est donc normal qu’elles soutiennent financièrement la seule association prête à se battre (…) ».
On identifie donc au sein de ce noyau dur anti-éoliens des personnes qui possèdent un patrimoine à préserver de toutes atteintes, fussent-elles au service de projets d’intérêt collectif. On se gardera de décrédibiliser un discours sur cette seule base mais, mais comme bien souvent, il est utile de savoir d’où l’interlocuteur parle. En particulier dans ce cas-ci, où le mouvement anti-éolien prétend défendre l’intérêt de tous les Wallons.
Anti-éoliens et climatosceptiques
Alors qu’ils prétendent généralement être concernés par l’enjeu climatique, les anti-éoliens peuvent aussi avoir recours à des arguments climatosceptiques dans certaines situations.
Vent de Raison (souvenez-vous : « l’indispensable tâche de libérer la planète au plus tôt des gaz à effet de serre… ») reprend ainsi sur sa page Facebook un article d’Itsvan Marko, climatosceptique notoirePour une déconstruction du discours de Marko, voir notamment l’article « [Comment les climatosceptiques vous manipulent », qui clame : « l’Arrêt du réchauffement climatique, observé depuis plus de 15 ans, embarrasse au plus haut point les ténors du « barbecue mondial », une théorie aussi ruineuse que fumeuse ». Résultat : 4 likes et 2 partages parmi les militants anti-éoliens. Tout semble bon pour servir la cause.
Marko, qui est aussi un farouche anti-éolien, est à nouveau repris par Vent de Raison pour cet article où il tient un discours de belle apparence, mais qui n’est pas exempt de contradictions. Il y explique ainsi sans sourciller que :
1) « le CO2 est toujours produit après une hausse de la température. Il en est une conséquence et ne peut donc pas en être la cause ! »
2) « depuis plus de 15 ans, la température de notre planète n’a pas augmenté d’un iota »
3) « Chaque année, la concentration en CO2 augmente de 3 ppm environ (…) plus de 96% de ce CO2 est d’origine naturelle »
Ce qui est le plus remarquable, ce n’est pas que ces trois affirmations soient fausses individuellement, mais c’est que ces mensonges pris ensembles se contredisent entre eux : comment le CO2 peut-il augmenter naturellement en conséquence d’une hausse de température si la hausse de température est nulle ?
La suite de l’article est du même tonneau, Marko reprochant aux éoliennes de faire « exploser » les émissions de CO2, et de produire de grande quantité de déchets radioactifs pour leur construction. Cela peut avoir l’air ridicule résumé de la sorte mais l’auteur est suffisamment habile pour induire en erreur un non spécialiste. Ainsi, il est exact que l’extraction des terres rares pose de sérieux problèmes environnementaux et sociaux, notamment en Chine. Cependant, ces problèmes ne sont pas spécifiques aux éoliennes : ils concernent toutes les machines qui effectuent une transformation entre énergie mécanique et énergie électrique au moyen d’aimants permanents modernes. Se baser sur ces problèmes pour affirmer que les éoliennes sont « responsables de la maladie et de la mort de dizaines de personnes » est malhonnête. Le bilan sanitaire des éoliennes en Chine mériterait assurément d’être évalué méthodiquement : selon toute vraisemblance, il devrait être largement positif au vu des quantité de charbon que l’éolien permet d’économiser, et des impacts sanitaires désastreux du charbon en Chine, que ce soit au moment de l’extraction ou lors de la combustion pour produire de l’électricité[[Ceci n’enlève rien à l’urgence d’œuvrer à l’amélioration des conditions sociales et environnementales lors de l’extraction des terres rares utilisées par les turbines électriques, notamment dans les éoliennes, ou par les moteurs électriques, notamment dans les voitures électriques. Il s’agit d’une réflexion large qui s’applique à une partie croissante des ressources nécessaires à la fabrication des appareils intégrants les nouvelles technologies.]].
Anne Paye, secrétaire générale de Vent de Raison, reprend quant à elle sur sa page Facebook (voir ci-dessous), une tarte à la crème climatosceptique. Insistons sur le fait que si la banquise arctique a moins diminué l’été 2013 que l’été 2012, cela est du à une variabilité annuelle qui ne remet nullement en cause la tendance globale de diminution de la couverture de glace : 2013 vient ainsi en sixième position des années où la banquise a le plus reculé, 2012 étant l’année de tous les records.
Les Collectifs du Condroz ne sont pas en reste dans la promotion active des climatosceptiques, comme en témoigne plusieurs tweets parus ces derniers jours sur leur compte qui recommandent aux internautes les discours de Marko.
La lutte contre les changements climatiques est l’une des principales motivations au développement de l’énergie éolienne. La question du bilan CO2 des éoliennes est donc centrale. L’ICEDD (Institut de conseil et d’études en développement durable) a réalisé une intéressante revue de la littérature et donne une estimation dans le cas wallon[[Cette analyse, disponible dans le cadre de l’enquête publique, se penche aussi sur les références utilisées par Vent de Raison pour affirmer qu’il n’y a pas ou peu d’économies de CO2.]] : « Pour une production éolienne de 4500 GWh/an en 2020 et suivant l’hypothèse de l’analogie avec la situation espagnole, on peut raisonnablement penser que le facteur d’économie de CO2 induit par les éoliennes sera au moins compris entre 80 et 95% de l’émission de GES d’un MWh produit par une TGV en Wallonie (456 kg CO2 / MWh) auxquels il convient de retirer 10 g CO2 / MWh pour tenir compte des émissions indirectes. Dès lors, l’économie globale de CO2 liée à la production éolienne serait comprise entre 355 et 423 kg CO2/MWh. »
Au niveau mondial, l’Agence Internationale à l’Énergie – difficilement assimilable à un lobby vert – a publié récemment une feuille de route prévoyant que l’énergie éolienne permettra à elle seule d’économiser 4,8 GtCO2/an en 2050, soit 15 % des émissions mondiales actuelles.
Anti-éoliens et anti-écolos
L’écolo-bashing, le dénigrement caricatural et collectif des écologistes, est un sport tentant pour les anti-éoliens. Il n’est pas surprenant qu’un Claude Eerdekens, bourgmestre d’Andenne (PS) et farouche anti-écolo[Pour un aperçu de ses fait d’armes, voir par exemple [ici, ici ou ici. Il faut souligner qu’il n’est pas représentatif de son parti sur ce point.]], ait rejoint les rangs des anti-éoliens, milite avec eux et les finance.
Sur les réseaux sociaux, les porte-voix de Vent de Raison et des Collectifs du Condroz reprennent de temps à autres des éléments d’écolo-bashing. Ainsi l’article recommandé ci-dessous par Stéphan van der Stegen (porte-parole des Collectifs du Condroz) se conclu par : « les écolos belges ont-ils fait des études de rentabilité sur leurs élucubrations (…) peut-être que les écolos en Belgique, enfermés dans leur bulles ne sont pas à l’écoute des autres, imbibés de leurs dogmes et pénétrés de leur intégrisme. Ou peut-être, les ondes hertziennes ne traversent pas les parois des cavernes où ils vivent ! »
Publié dans le journal en ligne « Le Peuple » de Mischaël Modrikamen (PP), le message principal de cet article, « 14.000 éoliennes abandonnées aux Etats-Unis », relève du canular du web. Une petite recherche montre que cette histoire se propage sur Internet en différentes variantes depuis 2010, mais n’en est pas moins fausse pour autant.
Les questions que les anti-éoliens ne posent pas
Bien outillés et déterminés, disposant de réseaux efficaces, les anti-éoliens de Vent de Raison, ainsi que des « Collectifs du vrai Condroz », imposent une ligne radicale de refus total des éoliennes terrestres. Ils ne plaident pas pour un meilleur cadre ou une régulation mieux équilibrée, mais veulent littéralement abattre une filière majeure des énergies renouvelables en Wallonie.
Pour ce faire, tous les arguments semblent bons : arguments économiques de dénonciation du coût de l’énergie éolienne et des subsides qu’elle reçoit (alors que les énergies renouvelables restent en Europe moins subsidiées que le nucléaire et que les énergies fossiles), arguments environnementaux douteux : tantôt les éoliennes produiraient plus de CO2 qu’elle en économisent, tantôt les changements climatiques ne seraient qu’une théorie fumeuse, arguments qui touchent la personne enfin : déclarations alarmistes sur des dévaluations immobilières, des atteintes à la santé, etc.
Par cette large gamme d’arguments, ils touchent des profils très différents : du citadin qui s’est installé en campagne « pour avoir la paix » et est poussé à voir d’un œil nymbiste l’implantation d’éoliennes, à l’anticapitaliste à qui l’on agite le drapeau d’une industrie monopolistique qui s’étend sans partage, en passant par l’anti-écolo, toujours friand de sucre à casser sur le dos des « khmers verts ».
Jusque là minoritaires, les anti-éoliens tentent ainsi de grossir leurs rangs.
Il faut cependant s’affliger que cette ligne, loin de permettre le débat, le pourrit et le confine dans ses extrêmes. Car le nouveau cadre éolien ouvre des questions essentielles, au premier rang desquelles la propriété des moyens de production énergétiques : en imposant l’ouverture du capital des futurs projets éoliens aux citoyens et aux communes à hauteur de minimum 24,99 % pour chaque, il introduit une petite révolution dans un paysage énergétique jusque-là dominé par des multinationales. Quelle est la place des mouvements coopératifs et des pouvoirs locaux dans la production énergétique de demain ? Cette question semble évitée par les anti-éoliens.
Car il ne s’agit pas de nier que certains débats fondamentaux méritent d’être menés publiquement. Quelle place accorder aux différentes sources d’énergie ? Comment répondre au défi d’un approvisionnement énergétique compatible avec l’enjeu climatique ? Veut-on continuer à avoir recours aux importations pour la majorité de l’énergie que nous utilisons ? Quelle quantité d’énergie peut-on et veut-on produire sur le territoire wallon ? Quel mécanisme de soutien pour les différentes filières et pendant combien de temps ? Comment gère-t-on les éventuels impacts locaux de cette production locale ? Que fait-on vis-à-vis des éventuels impacts sur les lieux de production de l’énergie que nous importons ?
Un minimum d’honnêteté est nécessaire dans l’échange d’idée.
Le fait que les anti-éoliens s’opposent aux éoliennes terrestres et non aux éoliennes en mer est révélateur de contradictions dans l’argumentation. Plus chères, plus subsidiées et réservées à de gros acteurs industriels, les éoliennes offshore ne devraient pas trouver grâce aux yeux de ceux qui dénoncent ces mêmes défauts dans le cas des éoliennes terrestres. Ces dernières produisent pourtant une électricité moins coûteuse et ont l’appréciable avantage d’être accessibles à la propriété citoyenne via le modèle coopératif.
Il ressort de tout cela que ces arguments ne sont pas fondamentaux dans la motivation des anti-éoliens mais servent avant tout à « ratisser large ». Leurs motivations résident bel et bien ailleurs : impact sur l’immobilier, sacralisation paysagère locale, parti-pris pro-nucléaire, résistance idéologique ou intéressée à l’indispensable transition vers un autre modèle énergétique pour faire face aux changements climatiques. Comme on dit : « Autant savoir… »
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M. van der Stegen, président de la Fédération des Collectifs du Condroz, nous a fait parvenir une réaction à cet article. Dans un souci de transparence, nous en publions ici l’intégralité. Il nous importe toutefois de préciser que l’essentiel de ce courrier constitue un développement des arguments de cette fédération qui
1. ne répond en rien aux éléments avancés dans notre article ;
2. ne concerne nullement Inter-Environnement Wallonie qui, pour rappel, est une association sans but lucratif indépendante de tout pouvoir public et de toute administration.
Finalement, nous invitons les Collectifs du Condroz, et toute personne intéressée par le débat éolien, à considérer la réflexion suivante.