…tenait en son bec une graine de tournesol. Ce printemps encore, les dégâts liés aux attaques d’oiseaux de la famille des corvidés comme la corneille noire, le corbeau freux ou encore le choucas des tours, sur les cultures agricoles ont pu s’avérer dévastateurs dans certaines parcelles. Ce sont surtout les cultures de tournesols, de maïs, de pois et légumineuses mais aussi les courges qui sont touchées, qu’elles soient en agriculture biologique ou non. Dans le contexte actuel, on entend alors une petite voix nous susurrer à l’oreille « Ben, en plus, avec la guerre en Ukraine, on a bien besoin de nos cultures de tournesols wallons ! » …
Il y a de ses débats étendards ignorés du grand public mais qui occupent pourtant l’administration wallonne et les parties prenantes du pôle ruralité du CESE de Wallonie1 de manière récurrente à tel point qu’il est nécessaire que les ministres compétents s’en mêlent. Dans le cas présent, c’est sous la dénomination du « tir des corvidés » que le dossier évoque d’emblée une problématique complexe pour les initiés.
Du tir !? Et oui, parce qu’il se fait que ces oiseaux chers à Hitchcock sont effectivement plutôt rusés. Les techniques d’effarouchement comme les déflagrations de canons ou les sortes de cerfs-volants imitant des rapaces prédateurs n’ont qu’une durée d’efficacité limitée. Car les oiseaux s’y habituent progressivement et comprennent qu’il n’y a pas vraiment de danger à s’aventurer dans les champs à portée de bec, regorgeant de graines savoureuses.
Il faut alors recourir à un moyen plus radical : celui du tir au fusil par une personne détenant un permis de chasse. Les volatiles dont on parle sont pourtant protégés par la Loi de la Conservation de la Nature (LCN). Il faut donc obtenir une dérogation pour avoir l’autorisation de recourir à l’arme de destruction. Il est évident que pour que cette technique ait une chance d’être efficace, il faut qu’elle puisse être mise en application de manière réactive. Or, le processus d’obtention de la dérogation passe par plusieurs étapes dont l’obtention de l’avis du pôle ruralité qui allonge considérablement le délai de réponse malgré une simplification de la procédure appliquée depuis plusieurs mois. Un mécanisme de simplification d’obtention d’autorisation fait partie des tractations du dossier « tir des corvidés » devenu politiquement sensible.
Selon un article de la LRBPO, 15.000 à 20.000 individus à plumes peuvent être tirés chaque année. Cela représente plus de 10% de la population wallonne de ces oiseaux. Or, les dégâts causés aux cultures restent insupportables pour celles et ceux qui en subissent les conséquences économiques.
D’un point de vue purement pragmatique, on peut alors décemment se poser la question de l’efficacité de cette technique de mise à mort sans même aborder celles de la protection des espèces et de l’éthique qu’elle soulève.
Les dégâts agricoles causés principalement par les corneilles noires, les choucas et dans une certaine mesure les corbeaux freux sont une vraie problématique. Ils ne justifient cependant pas une mesure bazouka simpliste et dont l’efficacité est loin d’être démontrée. Il est certainement nécessaire de simplifier la procédure de dérogation pour la rendre plus efficace dès que cela s’avère nécessaire. Mais cela ne peut être qu’une solution limitée dans le temps pour certaines espèces et pour les parcelles réellement problématiques. Et avec des conditions d’obtention strictes telles que e.a. la preuve que des techniques d’effarouchement ont été tentées et qu’elles ne fonctionnent pas/plus. Et finalement, avec une évaluation annuelle de la situation.
Sur le moyen et le long terme, il est indispensable de miser sur la nature pour restaurer un équilibre de cohabitation entre ces espèces d’oiseaux et les activités agricoles. Les plaines de cultures, dans certains cas, véritables pistes d’atterrissage pour les oiseaux friands de graines doivent se réaménager pour fournir une alternative en baies sauvages en dehors des parcelles. Les semis sous-couverts sont aussi certainement une pratique qui limite les dégâts. Et, plus généralement, toutes les pratiques qui ramènent de la vie dans le sol et donc des invertébrés dont les oiseaux raffolent, sont à favoriser.
Cette nécessité de repenser la cohabitation entre les corvidés et les activités agricoles est aussi valable pour un autre volet du dossier, non abordé dans cet article qui concerne l’impact de la prédation des corvidés sur d’autres espèces d’oiseaux et de petits gibiers. On l’aura compris le tir des corvidés risque encore de faire couler beaucoup d’encre…
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