Ce titre est un des messages que le docteur Guillaume Fond fait passer dans son livre au titre un brin accrocheur « Bien manger pour ne plus déprimer ».
Sur base d’une pléthore d’études, le médecin nous enjoint à prendre soin de notre intestin pour prendre soin de notre cerveau. Le lien entre celui que l’on a appelé le deuxième cerveau, l’intestin, et le premier est en effet mis en évidence depuis longtemps. Aujourd’hui, on a recourt au terme plus précis de microbiote qui désigne cette multitude de bactéries qui colonisent nos entrailles. On découvre dans le livre, qui se fait l’écho de nombreuses autres études de ces dix dernières années, que la responsabilité d’un déséquilibre au sein du microbiote dans des cas de cancer et de dépression peut être grande. Ces bactéries, lorsqu’elles atteignent un équilibre vertueux, sécrètent des signaux qui, arrivés au cerveau, peuvent moduler nos émotions, notre appétit, notre immunité… L’importance c’est la diversité. Au plus on est en contact avec des bactéries différentes, au mieux on se porte. Manger des aliments fermentés (levain plutôt que levure, choucroute, légumes lactofermentés, boissons de kefir, de kombucha…), est par exemple une manière d’enrichir notre « capital microbiote ».
Le présent article est largement rédigé sur base des éléments scientifiques vulgarisés dans l’ouvrage1. Il a été révisé et complété par ma collègue médecin Sarah De Munck.
Le deuxième cerveau
Lors de ma dernière visite chez un médecin généraliste, j’ai jeté un œil à un questionnaire qui trainait sur son bureau et qui avait pour objectif de déterminer si l’on souffrait éventuellement du syndrome de l’intestin irritable. En Europe, 10 à 15% de la population en est atteinte. Le syndrome de l’intestin irritable, vu sur : https://www.digestscience.com/fr/pathologies/syndrome-de-l-intestin-irritable-colopathie-fonctionnelle[/efn_note]. Une pathologie bénigne mais qui peut être chronique et assez handicapante voire carrément bloquante lors de crises aiguës. Or, il s’agit d’un signe indirect d’un microbiote dysfonctionnel, provoquant de l’inflammation au niveau des intestins.
Un dysfonctionnement qui peut avoir un impact sur la santé mentale. Des récentes études ont montré que le microbiote de personnes souffrant de dépression était globalement moins riche et moins diversifié, et que la sévérité de la dépression a aussi un lien avec la qualité du microbiote (voir note 1 et 3 ci-dessous). Certains nutritionnistes témoignent d’un vif succès des probiotiques pour aider des personnes souffrant de dépression comme un outils d’appui dans le cadre d’un traitement systémique. Des découvertes scientifiques aujourd’hui approuvées par la communauté médicale qui permettent de déculpabiliser et déconstruire des croyances encore bien présentes selon lesquelles l’anxiété, le burn-out ou la dépression ne serait qu’une question de volonté pour s’en sortir…
Il est généralement question d’inflammation, mais d’où peut-elle provenir ? L’inflammation peut être issue d’un stress oxydatif. Ces réactions biochimiques peuvent être enclenchées e. a. par l’alimentation ou encore des émotions. Avec ses aliments ultra-transformés, ses graisses saturées et son sucre raffiné, le régime alimentaire dit occidental (85% de la population humaine) est qualifié de pire par l’auteur et ses pairs d’un point de vue inflammatoire. Une telle alimentation va favoriser certaines populations de bactéries dans notre tube digestif, qui vont elles-mêmes sécréter des signaux qui peuvent être néfastes pour la santé. Pour s’en tenir à l’essentiel, Guillaume Fond préconise « une alimentation de saison, saine et locale ». Tiens, l’on se croirait dans un traité sur l’alimentation durable !
Bien se nourrir, un droit fondamental
La pauvreté est un facteur de risque d’une mauvaise alimentation. Risque d’autant plus accru dans le contexte actuel où la part du revenu des ménages consacré à l’alimentation entre en concurrence avec celles consacrées à l’énergie et au logement qui flambent. Or, à la lecture de ce qui précède on peut comprendre l’affirmation forte « La malnutrition, c’est la première violence faite au pauvre ».
« La bonne nouvelle, c’est que cela ne coûte pas forcément plus cher de se nourrir avec des aliments bons pour la santé mentale ! » Le régime flexitarien proche du régime dit méditerranéen est non seulement bon pour la santé mais aussi pour la planète. Les légumes de saison et de proximité sont également moins chers que fruits consommés en hiver dont le bilan carbone est mauvais et dont la conservation détériore le potentiel nutritionnel.
Microbiote intestinal, microbiote du sol, même combat !
Les paradigmes sont assez similaires en médecine et en agriculture. En médecine, par souci d’hygiénisme légitime au départ, le recours fréquent aux antibiotiques ces dernière décennies nous laisse avec un microbiote appauvri. En agriculture, ce sont des micro-organismes du sol qui ont été détruits par l’abus de pesticides, outil majeur de la Révolution Verte, nécessaire au sortir de la 2ème guerre mondiale. En tuant le micro-organique dans le sol ou l’intestin, on crée des déséquilibres qui peuvent être délétèrent pour les chaines biochimiques. L’effondrement de la biodiversité et l’effondrement du microbiote sont des enjeux similaires à la base d’une santé unique en équilibre : celles des êtres vivants dont l’humain, celle de la planète, et de ses ressources.
1. Li X, Jing K, Lu H, Li K, Zhang Y, Hasichaolu null. Exploring the Correlation between Changes in Gut Microbial Community Diversity and Depression in Human Populations. BioMed Res Int. 2022;2022:6334868.
2. Ling Z, Cheng Y, Chen F, Yan X, Liu X, Shao L, et al. Changes in fecal microbiota composition and the cytokine expression profile in school-aged children with depression: A case-control study. Front Immunol. 2022;13:964910.
3. Zhong Q, Chen JJ, Wang Y, Shao WH, Zhou CJ, Xie P. Differential Gut Microbiota Compositions Related With the Severity of Major Depressive Disorder. Front Cell Infect Microbiol. 2022;12:907239.
Aidez-nous à protéger l’environnement,
faites un don !
- Mise en garde importante de l’auteur : « Sélectionner ses aliments de façon drastique et rigide peut conduire, surtout pendant l’enfance et l’adolescence, à des troubles de comportement alimentaire et des carences parfois graves. Ce qui est écrit dans ce livre ne s’applique qu’à certaines pathologies chroniques. L’anxiété et la dépression ne sont pas que une question d’alimentation et je ne recommande pas l’arrêt des traitements dit conventionnel c’est-à-dire les psychotropes comme les anti-dépresseurs ou les anti-psychotiques dont j’enseigne la prescription aux étudiants de la faculté de médecine. »