Le plastique est partout, il nous colle même à la peau puisque de nombreux vêtements sont faits de tissus synthétiques. Au-delà d’une usure « naturelle », le simple fait de laver certains vêtements relargue une quantité impressionnante de microplastiques dans les eaux. Une étude européenne s’est invitée dans notre buanderie.
Remonter aux sources des microplastiques
La chasse aux plastiques étant ouverte depuis quelques temps, plusieurs initiatives pour réduire les sources de microplastiques ont été lancées. L’Union européenne vient d’interdire la mise sur la marché une série de produits plastiques à usage unique et invite les Etats membres à prendre des mesures pour diminuer la consommation d’autres produits, singulièrement ceux les plus retrouvés en mer et sur les plages1. D’autres actions législatives ont été prises ou sont en cours pour lutter contre cette forme de pollution2.
Déterminer l’origine précise des microplastiques est une gageure mais des études estiment qu’entre 69% et 85% des microplastiques marins proviennent de la fragmentation de plus gros objets rejetés dans l’environnement (microplastiques secondaires) et qu’entre 15 et 31 % sont des microplastiques dits primaires, soit issus de microbilles, ajoutées volontairement aux produits, soit issus de l’abrasion d’objets ou issus de la perte de µpellets de l’industrie du plastique. Plus précisément, la majorité des microplastiques primaires proviennent de l’usure de vêtements (35%) et des pneus (28%) ainsi que de poussières d’origines diverses (24%). Ainsi, même si elle est tout à fait nécessaire, il faut relativiser l’impact de l’interdiction de certains produits cosmétiques et produits de nettoyage contenant des microbilles3, puisque ces produits ne compteraient que pour 2% des microplastiques primaires.
Figure 1: Source IUCN- ‘Primary microplastics in the oceans: a global evaluation of sources, 2017
Nos vêtements au labo : de la garde-robe aux océans
Une étude menée par le National Research Council (IPBC-CNR) d’Italie, LEITAT, Polysistec d’Espagne, et la Dutch Plastic Soup Foundation a voulu quantifier les pertes de fibres synthétiques (nylon, acrylique, polyester) durant le lavage. Ils ont testés plusieurs vêtements de différentes marques dans des conditions de lavage normales et les résultats sont édifiants !
Une veste en matière polaire de 680 gr perd des millions de fibres polyester en un seul lavage, des chaussettes en nylon de 55 gr libère 136 000 fibres par machine… Une blouse testée faite de 100% polyester sur le devant et d’un mélange de coton et de modal sur le dos – a perdu tellement de fibres par lavage qu’elle a commencé à se « désintégrer » après seulement quelques lavages. Elle a perdu en moyenne 307,6 mg de fibres par kg de linge. Des T-shirts de « grandes » marques (Adidas et Nike) 100% polyester ont perdu 124mg/kg et 125 mg/kg par cycle de lavage…
D’autres études avaient déjà estimé des pertes de fibres aussi conséquentes : 700 000 fibres plastique libérées par lavage de 6kg de linge.
Si cette quantification est choquante, les chercheurs n’en font pas une généralité car il reste de nombreux paramètres à investiguer pour comprendre ce qui rend un tissu synthétique plus ou moins résistant au lavage : la longueur des fibres, le mode de fabrication du fil (tissé ou tricoté), la composition du tissu avec ou sans mélange de matière…Mais une chose est claire : cette source de pollution constitue un menace majeure pour nos écosystèmes aquatiques.
Fast fashion, trop vite usée
Une fois érodées des vêtements, ces fibres sont libérées dans l’environnement car les lave-linge actuels ne sont pas capables de les filtrer et de les retenir. Nos stations d’épuration non plus ne sont pas équipées pour retenir ce type de polluants. Et s’il existe des innovations technologiques pour filtrer leurs eaux de lavages au niveau des lave-linge, c’est davantage en amont qu’il faut agir.
Les tissues synthétiques représentent 60% des matières utilisées par l’industrie textile mondiale et la demande mondiale pour le polyester est en forte croissance. La « fast fashion » où comment l’industrie du vêtement nous propose toujours plus de collections à des prix attractifs, n’est pas étrangère à l’utilisation croissante de tissus dont la qualité est au rabais. A quoi bon fabriquer des vêtements résistants puisque les enseignes vous incitent à renouveler constamment votre garde-robe ! Cette baisse de qualité des vêtements est également constatée par les entreprises actives dans la réutilisation. De plus en plus de vêtements sont collectés par les entreprises d’économie sociale mais la proportion de pièces de qualité, aptes à revenir dans le circuit de seconde main, diminue.
L’industrie du vêtement a souvent été pointée du doigt pour les mauvaises conditions imposées à ses travailleurs, mais l’impact environnemental de ses produits mérite aussi d’être dénoncé, en amont de la fabrication du vêtement et en aval. L’amélioration de la qualité des vêtements doit faire partie de la responsabilité sociétale des entreprises du textile et celles-ci devront proposer des solutions, de façon volontaire ou contraintes par des mécanismes normatifs ou financiers. Le consommateur aura également sa part de responsabilité : accepter d’avoir une garde-robe moins fournie et moins soumise aux caprices de la mode.
- Directive 2019/904 relative à la réduction de l’incidence de certains produits en plastique sur l’environnement, dite Single-use plastic
- Entre autres : Interdiction de mise sur le marché de sacs plastiques à usage unique, mécanismes de responsabilité élargie des producteurs pour les équipements de pêches industrielles, etc.
- La Belgique a préféré passé un accord sectoriel avec l’industrie cosmétique pour une substitution progressive, un accord a minima dénoncé en son temps par IEW pour sa portée limitée