La FEB et FEBIAC ont uni « leurs efforts pour lancer le Belgian Mobility Dashboard (BMD). Cette plateforme digitale de données scientifiques met à la disposition de tout un chacun un large éventail d’indicateurs clés sur la mobilité. » Nous vous en proposons une petite – et critique – visite guidée.
Selon la présentation publiée le 25 janvier par Peter Timmermans, administrateur délégué de la FEB, le but de la plate-forme digitale BMD est de « Rassembler toutes les données pertinentes et factuelles sur un site unique, pour tout le territoire belge. Les dimensions qui seront couvertes à terme sont aussi diverses que possible : congestions pour tous les modes de transport, infrastructures disponibles, multimodalité, déplacements des personnes et des marchandises, émissions de CO2 et de polluants atmosphériques, sécurité ou encore composition du parc de véhicules. » Par ailleurs, « Un objectif primordial de cette plateforme est en effet de pouvoir cartographier et évaluer d’année en année, de mois en mois et même de jour en jour les changements opérés en matière de mobilité. »
Un large éventail assez… étroit
Les indicateurs actuellement présentés sur le site sont :
- Congestion
- longueur des congestions
- coûts des congestions
- Trains
- ponctualité des trains
- Multimodalité
- carte des noeuds multimodaux
- Parc des véhicules
- immatriculation – tous véhicules
- voitures
- utilitaires légers
- poids lourds
- motocycles
- Emissions
- émissions de CO2 des véhicules
Au vu de cette liste assez réduite et ciblée, l’affirmation de Monsieur Timmermans dans la présentation précitée (« Notre pays ne disposait jusqu’ici d’aucune plateforme regroupant un aussi large éventail d’indicateurs de mobilité, à différents niveaux géographiques. ») paraît quelque peu exagérée. Notamment pour les nombreuses personnes qui utilisent la banque de données « Indicateurs de mobilité et de transport » développée par le Bureau Fédéral du Plan à la demande du SPF Mobilité et Transports et qui présente de très nombreux indicateurs répartis selon 6 thèmes :
- La branche transport
- Les ménages et le transport
- Les infrastructures de transport
- Le parc de véhicules et le matériel de transport
- Le trafic et le transport
- Les impacts de l’activité de transport
Une approche scientifique peu perceptible
On s’attendrait, pour une « plateforme digitale de données scientifiques », à avoir directement accès à une description détaillée des indicateurs présentés, en ce compris la méthodologie de mesure et/ou de calcul. Ces informations ne sont pas (ou alors nous avons très mal cherché) directement accessibles et sont donc sans doute uniquement disponibles sur demande. Ceci est d’autant plus regrettable que les descriptions succinctes présentées sur le BMD ne permettent pas de se faire une idée claire de l’indicateur – et donc de sa possible comparaison avec des indicateurs de même nature développés dans d’autres pays par exemple.
Ainsi, en matière de congestion, il est dit qu’il s’agit du « nombre total de kilomètres de routes encombrées (congestion), mesuré à différents moments de la journée. Ceci comprend tous les segments de route où la congestion a entraîné une réduction significative de la vitesse des véhicules et donc une augmentation significative des temps de parcours. » Que signifie ici le terme significatif ? De quel pourcentage de réduction de la vitesse parle-t-on ? Et de quelle vitesse ? La vitesse moyenne sur le segment considéré ? La V85 (vitesse au-dessus de laquelle roulent 15% des véhicules) ?
Concernant la congestion toujours, son coût est évalué « sur la base d’une méthodologie complexe qui mesure en permanence les principales externalités causées par la congestion et leur coût équivalent en valeur monétaire ». Aucune indication n’étant disponible quant à ladite méthodologie, on peut supposer (et espérer) que celle-ci suit celle développée dans le handbbok sur les coûts externes des transports publié par la Commission européenne. Quoique… Selon le handbook, le coût de la congestion routière en Belgique (delay cost) s’élevait en 2018 à 9,27 milliards d’euros, soit 2,4% du PIB du pays ; le BMD mentionne « plus de 4,5 milliards d’euros sur base annuelle, ce qui représente un peu plus de 1% du PIB ». Il est vrai que le handbook européen évalue à 26,4 milliards d’euros les coûts externes du trafic routier (congestion incluse) en Belgique, ce qui met à mal le message récurrent de la FEBIAC selon lequel la « productivité fiscale » des véhicules à moteur ((sur)estimée par la FEBIAC à 20,6 milliards d’euros pour l’année 2018) dépasse leurs coûts externes.
Du choix des indicateurs
Si IEW mettait en ligne une base de données de mobilité, les indicateurs choisis refléteraient inévitablement l’objet social de notre fédération d’environnement. De même, l’objet social de la FEB et celui de la FEBIAC transparaissent – et c’est logique – dans le choix des indicateurs dont bon nombre concernent la fluidité des déplacements (congestion, ponctualité des trains) et le marché des véhicules neufs (immatriculations).
La focalisation sur la fluidité semble avoir mené les porteurs du BMD au choix d’indicateurs dont la pertinence est questionnable. Ainsi du coût mensuel de la congestion. Sachant que les coûts externes sont classiquement évalués sur base annuelle, une évaluation mensuelle a-t-elle une utilité autre que communicationnelle ?
Pour conclure
Les statistiques publiées sur le site de la FEBIAC (vente de véhicules, parc automobile, …) et librement accessibles constituent une source d’information très riche et largement utilisée par les acteurs de la mobilité dans notre pays. Le BMD ne reprend qu’une petite partie de ces données et y ajoute quelques indicateurs, le tout formant un ensemble assez peu homogène dont la plus-value par rapport à la base de données du bureau fédéral du plan n’est guère perceptible. Dès lors, l’objectif premier du BMD ne serait-il pas simplement d’appuyer le plaidoyer de la FEB et de la FEBIAC en matière de mobilité ? La question mérite d’être posée.
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