A l’aube de la dernière année complète de cette législature, l’expectative semble de mise. Parmi les nombreuses actions attendues, lesquelles aboutiront sur la table du Gouvernement et y seront soutenues. Les enjeux sont connus, reconnus, et rappelés sans cesse par les médias. En matière de mobilité, la presse a pris le relais des alertes lancées depuis des décennies par le mouvement environnemental, en relatant simplement les réalités vécues quotidiennement par nos citoyens : congestion, accidents de route, pollution de l’air, perte d’attractivité des villes, dérèglement climatique, pointant à juste titre le rôle majeur des transports, et de la voiture individuelle en particulier, dans ces nombreuses incidences négatives.
Schéma régional de mobilité, révision du décret de 1989, contrat de service public du Groupe TEC, centrales de mobilité, Plan Wallonie Cyclable 2.0, actualisation des atlas de la voirie communale,… l’agenda est chargé. Gageons que les 3 années qui viennent de s’écouler ont servi à nourrir et mûrir les réflexions afin que ces dossiers aboutissent enfin avec des propositions à la hauteur des enjeux cités plus hauts. A la lecture de la note d’orientation politique du Ministre de la Mobilité, Monsieur Carlo Di Antonio, et en regard du budget 2018 voté par le Parlement wallon, quels seraient les dossiers élus en 2018 ?
Les favoris sont : la réforme du Groupe TEC et le contrat de service public.
Un (seul) dossier semble connaître un coup d’accélération : la réforme du Groupe TEC, annoncée d’abord de manière progressive, se concrétisera finalement par une fusion plus rapide des sociétés TEC, semble-t-il. Était-ce vraiment la priorité ? Il était certainement indispensable de prendre des mesures fortes pour améliorer la gouvernance de la mobilité en Wallonie. L’offre des solutions alternatives à la voiture particulière, et en particulier le réseau TEC, n’a pas évolué suffisamment ces dernières décennies pour s’adapter aux besoins et répondre aux enjeux actuels. Cet immobilisme tient en grande partie à un problème de pilotage : sans boussole ni capitaine, un tel navire s’égare. Nous nourrissons donc l’espoir que la réforme entamée du décret de 1989 réponde au moins à cette première priorité : redistribuer correctement et efficacement les rôles. C’est-à-dire que l’autorité organisatrice de transport (AOT) définit l’offre de services publics souhaitée et que l’opérateur l’exploite. Alors, peut-être, le Plan Réseau qui devait être finalisé en 2014, pourra exister et être validé par ceux dont c’est la responsabilité, et enfin servir de guide à l’évolution de l’offre TEC. Mais le risque majeur, avec les décisions politiques récentes, est que l’opérateur, secoué par une réforme profonde (fusion), ne puisse s’atteler à cette tâche pourtant cruciale. En regardant dans le rétroviseur, la comparaison est aisée avec la réforme du Groupe SNCB qui a occupé toutes les attentions et les énergies pendant de très longs mois, empêchant durant ce temps d’engranger des gains significatifs en termes de qualité de service aux voyageurs. Pourtant n’est-ce pas la finalité poursuivie ? La révision du décret est passée en première lecture au Gouvernement. Les grandes lignes y figurent, reste au Gouvernement et au Parlement à porter toute l’attention nécessaire pour que le texte final soit un vrai outil de meilleure gouvernance permettant une évolution rapide de l’offre TEC. La réduction du nombre d’administrateurs comme seule finalité serait un échec déplorable.
Avec un décret revu offrant un cadre légal clair précisant les rôles et missions de chacun, et en particulier du TEC, du Gouvernement wallon et de son administration, la rédaction d’un contrat de service public (CSP) devient plus aisée. Encore faut-il qu’entre temps, débat public et décision politique aient permis d’aboutir à une vision précise de l’offre de transports publics que l’on veut proposer aux citoyens wallons dans les 10 années à venir et qu’on soit prêt à financer. La vision FAST, première belle plume au chapeau du Ministre et du gouvernement – on attend les autres-, montre la voie. En rassemblant les acteurs pertinents, et les bons travaux déjà réalisés en la matière, un Plan Réseau pourra très vite arriver sur la table du Gouvernement et être la référence clé pour le contrat de service public du Groupe TEC. Le souhait annoncé du Ministre d’orienter ce CSP vers une culture « résultats » avec des objectifs clairs et chiffrés est une excellente chose. Le contrat de service public actuel vient d’être prolongé automatiquement d’une année supplémentaire. Il y a donc du pain sur la planche durant l’année à venir pour créer les conditions indispensables à la rédaction d’un nouveau contrat efficace, comprenant de réels objectifs d’amélioration de l’offre. Et de notre point de vue, à défaut d’avoir rempli ces conditions, il serait préférable de jouer les prolongations une année supplémentaire plutôt que de bâcler un CSP qui ne permettrait aucune amélioration significative de l’offre pendant 5 ans.
Les autres nominés sont :
La révision du Schéma régional de mobilité, la présentation du Plan Wallonie Cyclable 2.0 et la mise en place d’un service de Mobilité Rurale en Wallonie : ces dossiers sont cités dans la note du Ministre sans plus d’explication. Sans doute, toutes les orientations concernant ces dossiers n’ont pas encore été arrêtées. Cela ne devrait pas empêcher de les voir rapidement aboutir. Effectivement, pour chacun d’eux, on ne part pas de rien, loin de là. Le premier Plan Wallonie Cyclable a été mis en place en 2010, son évaluation a été réalisée l’an dernier et a donné des pistes claires sur la meilleure manière de poursuivre cette dynamique porteuse pour faire décoller en Wallonie la pratique quotidienne du vélo. La mise en place d’un service de Mobilité Rurale en Wallonie est un sujet discuté de longue date. Des tables rondes ont été organisées sur le sujet durant la législature précédente et ont abouti à un très bon rapport de SAW-B sur la problématique, identifiant la nécessité de renforcer, pérenniser et coordonner les initiatives de mobilité alternatives en milieu rural (IMRA) à travers la mise en place de plusieurs centrales de mobilité chapeautées par une plateforme régionale. Enfin, concernant le schéma régional de mobilité (SRM), il y a d’une part le travail réalisé précédemment au travers du Plan Régional de Mobilité Durable (PRMD) qui n’a jamais été validé politiquement mais qui laisse en héritage un catalogue de fiches-actions ; et d’autre part, il existe à présent une Vision Mobilité (Vision FAST) qui a reçu le soutien du Gouvernement actuel, et qui précise clairement les objectifs 2030 qui doivent être atteints à travers le SRM.
Ces trois dossiers peuvent-ils encore aboutir valablement d’ici la fin de la législature ? Le défi est de taille. Nous identifions à ce stade deux difficultés majeures mais nourrissons l’espoir que le Ministre de la Mobilité et l’ensemble du Gouvernement seront capables de les dépasser. Premièrement, il faut pouvoir poursuivre le travail entamé par ses prédécesseurs en s’appuyant sur les éléments valables déjà avancés, et éviter de les balayer du revers de la main sous l’unique prétexte qu’ils ont été initiés par une autre couleur politique. Deuxièmement, il est impératif que des moyens financiers à la hauteur des objectifs poursuivis soient dégagés, et ce n’est pas le cas dans le budget arrêté pour l’année 2018. Les quelques millions d’euros (5.3M € pour le Ravel, 3.5M€ pour les crédits d’impulsion cyclo-piétons) prévus pour les aménagements cyclables ou les 175.000 € inscrits pour la mobilité en ruralité[[Programme 14.02 : « Soutien aux initiatives de mobilité rural complémentaire à l’offre de transport en commun et à leur coordination » : 175 (en milliers EUR) – p86 – budget wallon 2018 – ; alors que nous avions reçu l’information qu’un budget de 1.1 million – encore insuffisant de notre point de vue- allait être affecté à cette politique en 2018. ]] sont insuffisants pour mettre en œuvre des mesures politiques efficaces sur ces deux problématiques. Il faudra donc dégager les moyens nécessaires en 2019 pour renforcer la politique vélo, pour apporter une vraie réponse aux enjeux de la mobilité en ruralité et enfin pour permettre l’activation des premières mesures du SRM. Sans quoi, la Vision FAST adoptée pourrait n’être que de la poudre aux yeux.
Recalé ? Oublié ? L’actualisation des atlas de la voirie communale
Etonnant. Aucune trace dans la note du Ministre de la Mobilité et des Travaux publics de la mise en œuvre du décret voirie communale et des expériences pilotes déjà lancées d’actualisation des atlas. Comment ce bébé porté par le même Ministre tout au long de la législature précédente peut-il être abandonné ? Petits enfants, petits soucis ; grands enfants, grands soucis ? Il serait dommage de baisser les bras en si bon chemin. Un bon décret a été voté. Société civile et communes se sont investies dans les expériences pilotes. Il serait logique de poursuivre et finaliser ces expériences comme prévu, sinon comment tirer des conclusions valables sur l’efficacité et le réalisme de la méthodologie envisagée ? Sans ce retour d’expériences abouties, il est hasardeux de se lancer dans la rédaction d’arrêtés d’exécution. Et il serait navrant de revoir prématurément ce décret.
Un premier César : la vision FAST !
Depuis le temps que la société civile et le mouvement environnemental demandent que nos gouvernements se dotent d’objectifs stratégiques en matière de mobilité durable, l’adoption d’une vision pour la mobilité wallonne précisant les objectifs à atteindre en termes de parts modales à l’horizon 2030 est un évènement à couronner. Même si les objectifs validés restent insuffisants pour permettre à la Wallonie d’assumer sa responsabilité dans le respect des Accords de Paris, ils sont néanmoins courageux au regard de la situation de départ qui est la nôtre en matière de mobilité durable. Il est donc grand temps de valoriser au mieux les 16 mois restant pour enclencher irréversiblement un système de mobilité durable en Wallonie.
Alors combien d’autres Césars pour la mobilité d’ici la fin de la législature ?