Quelque 18.000 participants représentant les 193 Parties à la Convention sur la diversité biologique et leurs partenaires ont clôturé ce 29 octobre le Sommet de Nagoya sur la biodiversité. L’accord sortit de cette grand-messe onusienne offre à la biodiversité un cadre pour le partage des bénéfices liés à son utilisation et engage les Nations dans un nouvel objectif… qui ressemble déjà à un simple effet d’annonce. L’apparence est sauvée mais pas la biodiversité car l’accord conclu est un accord a minima : la sixième extinction est en marche et Nagoya ne constituera probablement pas le point d’inflexion susceptible de redonner espoir aux espèces menacées.
Nagoya apporte une réponse aux trois points clés de la Convention sur la diversité biologique. Les Nations ont en effet adopté un nouveau Plan stratégique décennal pour guider leurs efforts – l’Objectif d’Aichi -, une stratégie de mobilisation des ressources pour financer les actions nécessaires et un nouveau protocole international sur l’accès et le partage des avantages issus de l’utilisation des ressources génétiques. Force est toutefois de constater que ces réponses ne sont pas à la hauteur des enjeux.
L’Objectif d’Aichi constitue un plan stratégique qui engage les pays signataires sur différents points dont notamment :
le pourcentage des surfaces terrestres protégées devra passer au cours de la décennie de 13,5% des terres émergées à 17% ;
la surface des aires marines protégées sera multipliée par 10 soit, à l’horizon 2020, 10% de la surface des océans contre 1% aujourd’hui ;
une gestion durable des stocks de poissons et de la pêche ;
une réduction du « rythme d’appauvrissement de tous les habitats naturels » d’au moins 50 %, en ce compris les forêts ;
une suppression des subventions soutenant des activités nocives pour l’environnement ;
une restauration de 15% des écosystèmes dégradés ;
une réduction de la pression sur les récifs coralliens.
Un essai qui reste à transformer…
Comme l’«Objectif 2010» d’enrayer l’érosion de la biodiversité, ce nouvel objectif est juridiquement non contraignant et ne comporte pas d’engagements concrets. Ces divers éléments n’auront par ailleurs que peu d’incidence sur l’érosion de la biodiversité. L’Europe, par exemple, a déjà désigné plus de 17 % de son territoire en aires protégées (via le réseau Natura 2000) et on constate combien cela est insuffisant pour arrêter l’érosion sur l’ensemble territoire…
L’objectif est peu ambitieux mais il est aussi conceptuellement dépassé. L’enjeu majeur devrait être aujourd’hui d’intégrer davantage la biodiversité au sein des principales activités humaines liées au territoire: l’agriculture, la sylviculture et la pêche.
C’est probablement là un des problèmes de cette Convention sur le diversité biologique: la protection de la biodiversité ne peut plus se concevoir de manière isolée, comme une politique de protection de la nature stricto sensu, sans s’immiscer dans les autres politiques sectorielles et sans porter une réflexion plus large sur notre modèle de développement afin (de tenter) d’apporter des réponses à l’exploitation de la planète inscrite dans le modèle économique dominant.
En contrepartie de l’Objectif d’Aichi, les pays développés se sont engagés à augmenter de manière substantielle les ressources financières dédiées à la mise en ½uvre des engagements. Encore convient-il de souligner le rôle prédominant du Japon, hôte de la conférence, dans cet élan financier car les autres pays n’ont pas vraiment délié leur bourse. Mais là encore, il s’agit plus d’engagements formels que de financements sonnants et trébuchants. Hormis quelques promesses unilatérales, les mécanismes internationaux de ces financements n’ont pas été formellement annoncés et sont encore très vagues. Cette question sera précisée lors de la onzième réunion de la Conférence des Parties, en 2012.
En revanche, et c’est une bonne nouvelle, aucun accord n’a été trouvé sur les mécanismes de financement privé de type compensations et monétarisation de la biodiversité. Les pays du Sud s’y sont opposés, craignant un financement uniquement privé qui induirait un risque de spéculation et pourrait valider un nouveau mode d’accaparement de leur terre.
Enfin, la question de l’accès aux bénéfices liés à l’usage des ressources génétiques et de leur partage a été partiellement réglée. Le nouveau « Protocole de Nagoya » crée en effet un cadre qui devrait assurer un partage juste et équitable de ces bénéfices. Mais ce cadre risque bien de montrer rapidement ses limites… D’une part, les États-Unis n’ont pas ratifié la Convention et ne sont donc pas concernés par ce protocole. D’autre part, ce protocole ne pourra être effectif sans une réforme profonde des droits nationaux et international lié aux brevets… Un point qui n’a pas été envisagé par la Convention. Aucune véritable sanction n’est en outre prévue pour ceux qui ne respecteront pas les engagements.
L’accord est politique mais, il faut le regretter, il est resté confidentiel. On doit par ailleurs déplorer que Nagoya n’aie pas mobilisé les citoyens comme, par exemple, le sommet de Copenhague a pu le faire. La Convention n’a été suivie que de loin par la presse ou le grand public. Les responsables politiques de haut niveau l’ont boudée, le seul chef d’État européen présent étant le prince Albert de Monaco. Difficile de croire dans ce contexte que l’Objectif d’Aichi mobilisera davantage les États que ne l’a fait en son temps l’objectif 2010 de la même Convention.
Il faut le craindre, Nagoya pourrait bien être à l’échelle des Nations ce que le Plan Nature fut à l’échelle de la notre chère Région, un dossier acté par notre précédent gouvernement mais archivé dans l’armoire de la chancellerie…