Infrabel, société anonyme de droit public responsable des infrastructures du réseau ferroviaire belge (groupe SNCB), réalise actuellement des travaux le long de la ligne 162, entre Pont-à-Libin et Libramont, au lieu-dit Contranhé. Ces travaux ont pour objectif de garantir – sécurité oblige – la stabilité des talus de la voie ferrée. Ils consistent essentiellement à reprendre les saillies rocheuses. Les déblais consécutifs à ces travaux ont été étendus, de manière à ressembler à un chemin, sur le flanc de la voie de chemin de fer. Ce “chemin”, qui est aussi un dépôt illégal – nous allons le voir – s’étend sur 2 voire, par endroit, 3 mètres de haut, 6 à 8 mètres de larges, et plus de deux kilomètres de long. L’ensemble représente environ 15 000 m3 de matériaux abandonnés dans… un site Natura 2000 (Haute Lhomme)!
De multiples infractions
Infrabel dispose d’un permis d’urbanisme qui ne porte que sur la stabilisation des bermes et talus et qui précise que les déchets ne peuvent rester sur le site en fin de travaux. Ils doivent être évacués vers un centre de tri-recyclage voire vers un CET (centre d’enfouissement technique). Ce permis stipule en outre que le chantier doit impérativement être suivi par un représentant de la DNF afin d’assurer qu’il ne mette pas en péril un habitat prioritaire et/ou une espèce protégée. Mais pourquoi la DNF, chargée de suivre ce dossier, a-t-elle fermé les yeux sur ce dépôt de 15.000 m3 de déchets (1,6 hectares) en plein site Natura 2000 qui inclut des habitats protégés (mégaphorbiaies et fragments d’aulnaies ) et des habitats d’espèces menacées en Wallonie (Bois-gentil)?
Des ‘’arrangements’’ sur le terrain
Il ressort des contacts pris avec Infrabel que le projet initial visait à évacuer les déblais issus du chantier par le chemin forestier situé non loin de la saillie rocheuse. Mais le propriétaire – une personnalité importante – en a refusé le passage. Qu’a cela ne tienne: la DNF a “arrangé” la situation en autorisant les travaux tels qu’ils se déroulent actuellement, validant la création d’une décharge sous la forme d’un chemin… sans aucune évaluation des incidences.
Une gestion à la légère
Comment l’administration chargée de faire respecter la législation Natura 2000 peut- elle gérer un tel dossier sans s’appuyer sur une évaluation scientifique des atteintes au site? Depuis, suite à l’intervention de diverses associations, la DNF a revu sa position et a dressé un procès verbal pour les parties communales de ce chemin illégal don’t la majorité de la surface est… propriété de la SNCB! Signe supplémentaire, s’il en fallait, qui renforce notre doute quant au sérieux avec lequel ce dossier est géré. Notre action ne s’est pas limitée à la dénonciation des infractions: nous avons également demandé qu’une évaluation rigoureuse des incidences soit réalisée afin de proposer les mesures compensatoires à cette infraction. Ce sera à la justice de trancher…
Ces infractions multiples portent une atteinte très concrète à des milieux et espèces naturels auxquels la rareté confère une valeur patrimoniale certaine. A ce titre, cette affaire constitue un précédent regrettable, discréditant la protection accordée par le statut Natura 2000 aux habitats et espèces que l’Union européenne a entendu protéger par cette voie. En sus, en l’absence de remise en état des lieux elle constituera en quelque sorte une prime à l’illégalité, le fait d’entreposer sur place les déchets du chantier constituant une économie substantielle par rapport à la solution de l’évacuation, seule autorisée par le permis.