Il y a une semaine, le Ministre wallon des Travaux publics, de l’Agriculture, de la Ruralité, de la Nature, de la Forêt et du Patrimoine, Carlo Di Antonio, annonçait « l’interdiction du nourrissage artificiel et intensif du gibier en Wallonie » à dater du 1er octobre 2012. IEW avait salué cette décision judicieuse qui répondait à la déclaration de Politique régionale et aux propositions déposées par les scientifiques à la demande du Ministre Benoît Lutgen. Las, s’exprimant dans « La Libre » de ce matin et sur la RTBF ce midi, le Ministre tourne littéralement casaque. Sous la pression chasseurs, il détricote son texte initial au point de le rendre insignifiant.
Inter-Environnement Wallonie regrette amèrement cette volte-face qui permet la perpétuation d’une pratique préjudiciable à la forêt, aux cultures et à la biodiversité.
Le nourrissage du gibier permet aux chasseurs de maintenir des densités bien au-delà de la capacité d’accueil « naturelle » des forêts. Il a ainsi conduit au triplement des populations de sangliers en une vingtaine d’années. Et ce surpeuplement est source de dégâts importants à la forêt, aux cultures et à la biodiversité.
Avec le nourrissage, les chasseurs prennent en otage les activités économiques et notre bien commun : la biodiversité. Sous la pression du gibier, la régénération naturelle de la forêt n’est plus possible dans certaines zones (la majeure partie des cantonnements forestiers wallons) tandis que les essences forestières et herbacées caractéristiques ont disparu sur de larges territoires.
Le 23 février dernier, le Ministre Di Antonio annonçait « l’interdiction du nourrissage artificiel et intensif du gibier en Wallonie » dès le 1er octobre 2012. Concrètement, le nourrissage artificiel devait être complètement prohibé, à deux exceptions près pour la partie sud du sillon Sambre et Meuse : le nourrissage supplétif des cerfs restait autorisé en cas d’hiver rigoureux tandis que le nourrissage dissuasif des sangliers restait possible entre le 1er avril et le 30 septembre mais uniquement dans des situations spécifiques (dégâts aux cultures). Le nourrissage ne pourrait plus se faire que manuellement, en excluant le maïs au profit de quantités réduites de céréales comme l’orge. Tels étaient les termes du communiqué de presse émanant du cabinet du Ministre.
Dans ses sorties médiatiques de ce jour, le Ministre annonce que le régime d’interdiction sera postposé de 2 ans. Au cours de la période transitoire, seules les mesures ayant trait aux modalités de nourrissage seront maintenues. Le menu passe donc du maïs aux céréales locales comme l’orge et la distribution des rations sera manuelle plutôt que mécanique… Parallèlement, le Ministre déclare attendre du monde de la chasse un plan de réduction des densités.
Pour la Fédération Inter-Environnement Wallonie, les modifications apportées aux modalités de nourrissage sont purement cosmétique et n’auront pas d’effet sur les densités. Les moyens mis en ½uvre par les chasseurs et sociétés de chasse sont tels que cette mesure est insignifiante. L’interdiction du nourrissage prévue initialement du 1er octobre au 31 mars aurait eu pour conséquence d’inciter les chasseurs à réguler les densités très rapidement sur leur territoire pour éviter que leur gibier n’aille chercher sa pitance sur le territoire voisin et ne profite à d’autres.
Sans cette incitation, chaque territoire de chasse tirera la corde de son coté pour prélever le moins possible afin de conserver ses tableaux de chasse pléthorique.
L’évolution de la situation repose donc désormais sur la pertinence du plan de réduction qui sera adopté.
Ce plan n’aura toutefois de crédibilité que :
s’il est cadré dans la Loi par l’objectif à moyen terme défendu par le Ministre, à savoir l’interdiction du nourrissage dissuasif d’ici à deux ans. Dans cette optique, la voie d’un accord de gouvernement est insuffisante ; cette notion de période transitoire n’est acceptable que si elle est inscrite dans le Décret ;
s’il introduit des mécanismes de codécisions sur les plans de tirs des cervidés et sur les plans de gestion du sanglier au sein d’une plateforme des acteurs de la ruralité ;
s’il offre la possibilité de recourir à des chasses administratives en cas de non réalisation de ces deux plans ;
si la Région wallonne se dote d’un plan pluriannuel de réduction des densités avec la mise en place d’indicateurs de suivi fiables du niveau d’atteinte de ce plan.