La Politique Agricole Commune ou son acronyme PAC vous disent vaguement quelque chose ? Voire rien du tout !? Ne culpabilisez pas, c’est normal. Même moi, j’ai du mal à croire qu’en y accordant la majorité de mon temps de travail, je la comprends… de moins en moins ! Vous devriez quand même en entendre parler dans les semaines voire les mois qui viennent. Quoique… Le sujet est devenu tellement complexe que nous avons du mal de trouver des journalistes qui s’y intéressent vraiment…
Mais qu’est-ce donc cette PAC ? Pour faire simple, il s’agit d’un mécanisme mis en place en 1962 dans le contexte d’après guerre (dans la suite des décisions du traité de Rome, 1957) pour encourager la production agricole et éviter la famine de la population européenne. Cette dynamique sera boostée avec le renfort de la Révolution Verte (e.a. mécanisation des travaux agricoles, utilisation d’intrants chimiques comme les engrais et les pesticides, sélection variétale).
Soixante ans plus tard, nous sommes en train de définir les termes de la prochaine programmation (2021-2027). La PAC a donc dû évoluer au fil du temps pour tenir compte des nouveaux enjeux. Son premier objectif reste « un approvisionnement alimentaire stable, diversifié et sûr pour les citoyens » tout en fournissant « un niveau de vie décent aux agriculteurs ». Avec la mention d’« utilisation durable des ressources naturelles » et de « développement rural en équilibre », une attention est également portée à l’environnement au sens large.
En juin 2018, la Commission Européenne a sorti ses propositions législatives pour la nouvelle programmation initialement prévue pour une entrée en vigueur en 2021. Finalement, 2021 et 2022 seront des années de transition où aucune modification majeure ne sera adoptée.
Pour 2023 par contre, plusieurs nouveautés sont à épingler. Parmi celles-ci, une innovation au niveau de la procédure qui tend vers plus d’autonomie pour les Etats Membres (EM) et permet de tenir compte de leurs spécificités. La Wallonie, tout comme la Flandre, considérée comme un EM distinct, va devoir remettre un Plan Stratégique à l’Europe. Pour le construire, une analyse des forces et des faiblesses (SWOT) de la Politique Agricole Commune en place a été effectuée fin de l’année 2019. Ensuite, une liste des besoins spécifiques au niveau wallon pour la future PAC a été dressée sur base des constats de la SWOT et en phase avec les neuf objectifs déclarés par la Commission le 1er juin 2018.
Un travail de hiérarchisation et de priorisation de ces enjeux a été animé par les services de la DG-ARNE1 avec les parties prenantes. Il devrait guider l’ensemble des discussions qui se sont tenues et se tiennent encore autour des outils clés de la PAC : architecture verte, aides à l’installation et à l’investissement, soutien couplé, etc.
Un deuxième changement notoire est l’abandon du verdissement au profit d’éco-régimes. Le verdissement faisait partie de ces outils mis en place pour répondre aux nouveaux enjeux tel que la préservation de l’environnement. Mais son impact limité a été pointé du doigt, notamment par un rapport de la Cour des comptes européenne, et ce, particulièrement en matière de biodiversité.
C’est dans ce contexte ambitieux et innovant qu’IEW a souhaité unir ses forces à d’autres organisations environnementales pour faire entendre leur voix commune autour de la table officielle des discussions de négociations techniques. Car, et c’est également une grande première du processus en Wallonie, Greenpeace, IEW, Natagora, Nature & Progrès et le WWF-Belgique ont été conviés en tant que partie prenante aux réunions organisées par l’Administration pour construire son Plan Stratégique (PS PAC).
Depuis juin 2018, la coalition travaille dans l’ombre2 pour s’attaquer à ce dossier complexe et qui, plus on le creuse, plus il paraît aberrant à divers égards… Mais avec un budget de 379 milliards d’euros – la deuxième plus grosse enveloppe d’argent public au niveau européen selon certains calculs – on ne peut faire l’impasse sur la tentative d’influer sur la construction d’une PAC plus juste pour les agriculteurs et plus durable pour l’environnement. Car, la première aberration est le fait que personne ne semble satisfait de cette politique qui maintient un revenu artificiel des agriculteurs3 et dont la quantité importante d’externalités négatives sur l’environnement générées par le modèle de maîtrise de la Nature peinent à se réduire.
C’est pourquoi notre Coalition imPAACte a délibérément souhaité doubler le A dans son nom-jeu de mot : pour une Politique Agricole et Alimentaire Commune. Nous travaillons ensemble pour que les agriculteurs puissent vivre de leur métier par la vente de produits de haute qualité issus d’une agriculture qui respecte son environnement, en s’alliant avec elle plutôt qu’en la contrant. Cela implique donc d’envisager la PAC dans un cadre plus large que celui de la production agricole comme le propose l’Europe en suggérant de l’inscrire dans les objectifs du Green Deal et de ses stratégies De la fourche à la fourchette et Biodiversité.
Malheureusement, une première occasion manquée de transformer l’essai fut manquée lors du vote du 23 octobre 2020 au Parlement européen (qui a suivi l’accord décevant du Conseil). Retrouvez les cinq raisons de cet échec dans notre analyse ici.
Pour revenir au niveau wallon, des réunions de concertation se tiennent depuis juin 2020 à un rythme soutenu. Elles mobilisent de nombreuses ressources au sein des services du SPW-DGARNE, des représentants des agriculteurs et des organisations membres d’imPAACte ; ainsi que, plus ponctuellement, au sein des structures d’accompagnement et représentantes du monde rural car la PAC concerne aussi les sylviculteurs par exemple.
La PAC, c’est un budget qui se répartit entre un premier et un deuxième pilier dont les enveloppes vont diminuer (chiffres exacts encore incertains à ce stade). C’est donc un vrai jeu d’équilibriste que jouent les acteurs autour de la table pour veiller aux intérêts de chacun tout en respectant les prescriptions européennes dont est garante l’administration wallonne.
C’est dans ce cadre qu’imPAACte porte quatre revendications fortes reprises dans notre Manifeste :
- Renforcer le réseau et le maillage écologique ;
- Maintenir les prairies et encourager une transition de l’élevage ;
- Soutenir la transition écologique en cultures ;
- Assurer un budget fort à l’agriculture biologique.
Une menace bien réelle plane en effet sur le soutien à ce mode d’agriculture certifiée (l’agriculture biologique, AB) alors que les objectifs wallons en matière de surface agricoles converties (30% d’ici 2030) dépassent ceux de l’Europe (25%). Dans la PAC actuelle, les agriculteurs « bio » accèdent automatiquement au verdissement qui représente 30% de l’enveloppe des aides du 1er pilier. Dans la nouvelle architecture, ils devront s’inscrire dans les nouveaux éco-régimes qui seront édifiés. Même s’il semble logique que les pratiques biologiques doivent se retrouver dans les éco-régimes, la charge administrative exigée auprès de ces agriculteurs risque bien d’augmenter et cela pourrait aller jusqu’à décourager de nouveaux venus. Par ailleurs, les aides actuelles pour l’AB se répartissent entre les aides à la conversion et celles au maintien. Deux enveloppes qu’il convient de scinder mais dont les attributions sont incertaines.
Ce serait évidemment une erreur monumentale de ne penser qu’à des aides de soutien au revenu en matière d’agriculture biologique. Il ne faudrait pas tomber dans les travers que vit la commercialisation des produits conventionnels où c’est finalement en aval de la production que la marge est dégagée. Il faut donc dès à présent développer des filières vertueuses et éthiques pour écouler l’offre de produits bio déjà disponibles et encourager la production dans les secteurs déficitaires (fruits et légumes). Dans ce domaine, tout ne pourra être résolu par la PAC mais le premier pilier propose de dégager des aides sectorielles pour plusieurs millions d’euros qui pourraient servir à organiser et gérer les filières pour des groupements de producteurs bio.
Au niveau politique, l’agenda devrait s’emballer dans les prochains mois. Le Parlement de Wallonie a déjà pris à bras le corps la thématique en y accordant 4 demi-journées d’auditions et de débats au cours desquelles imPAACte et IEW ont été invités à s’exprimer. Retrouvez l’intervention au nom d’IEW ici.
Restez attentifs dans les semaines et mois à venir. Si nécessaire, le sous-marin imPAACte n’hésitera pas à remonter à la surface pour vous mobiliser autour de ce levier qui fait partie d’un tout cohérent en matière d’agriculture et d’alimentation pour la Fédération.
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- Direction Générale Opérationnelle Agriculture, Ressources naturelles, Environnement du Service Public de Wallonie (SPW)
- Plusieurs études ont été menées par les membres de la coalition pour alimenter nos réflexions et échafauder nos propositions techniques : voir l’ensemble de nos analyses sur notre site.
- En 2018, ces aides représentaient 81% du revenu du travail des agriculteurs wallons (tous types de production confondu).