OCDE : « Osons réformer notre économie »

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Après le PNUE (Programme des Nations Unies pour l’environnement) et l’AIE (Agence Internationale de l’Énergie), c’est au tour de l’OCDE de nous mettre en garde et d’appeler à une réforme écologique de notre économie. Il en irait même de notre survie : l’organisation internationale ne va donc pas par quatre chemins. Pourtant, aujourd’hui, l’écologie vient loin derrière l’assainissement des finances publiques et la lutte contre le chômage de masse qui figurent au premier rang des priorités politiques. Pourtant, prendre aujourd’hui des mesures pour lutter contre les défis écologiques de demain permet non seulement d’éviter des effets irréversibles sur l’environnement, mais aussi sur les plans social et économique. N’oublions pas que, comme l’évoquait Nicholas Stern, l’inaction a un coût.

croissancevertemoyen.jpg Dans son dernier rapport intitulé Les perspectives de l’environnement de l’OCDE à l’horizon 2050 – Les conséquences de l’inaction, l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques présente les dernières projections socio-économiques dans les décennies à venir et analyse leurs conséquences sous l’angle du changement climatique, de la biodiversité, de l’eau et des effets de la pollution sur la santé. Ce faisant, l’organisation internationale démontre l’urgence d’agir au plus vite, au risque que la pollution de l’environnement et l’épuisement des ressources naturelles imputables à la croissance ne viennent « à terme, compromettre le développement humain ».

Un avenir sombre

À politiques inchangées, les perspectives de l’OCDE ne sont guère réjouissantes :

  • La demande mondiale en énergie devrait, du fait notamment des économies émergentes, augmenter de 80 % d’ici à 2050. 85 % de celle-ci seraient issus des énergies fossiles. Il en résulterait un accroissement de 50 % des émissions de gaz à effet de serre, une aggravation de la pollution de l’air ainsi qu’une hausse de la température de l’ordre de 3°C à 6°C (alors que la communauté internationale tend à limiter la hausse des températures à 2°C). L’absence de politiques serait aussi préjudiciable à l’économie puisque, d’après Nicholas Stern, les coûts de l’inaction face au changement climatique pourraient s’élever de 5 à 20 % du PIB mondial.
  • La dégradation de la qualité de l’air urbain devrait devenir la première cause de mortalité dans le monde, devant l’eau insalubre. Les décès prématurés liés à des problèmes respiratoires imputables à la pollution atmosphérique devraient ainsi être multipliés par deux.
  • En matière de biodiversité, 10 % des espèces animales et végétales seraient amenées à disparaître dans les prochaines décennies tandis que la superficie des forêts devrait reculer de 13 %. Le développement économique en serait négativement impacté, avec une perte évaluée entre 4.000 et 5.000 milliards de dollars par an si l’on s’en réfère à l’étude The economics of ecosystems and biodiversity (2009).
  • Enfin, la demande en eau devrait exploser : un bond de +55 % est attendu sous l’effet de la demande croissante du secteur industriel (+400 %), des centrales électriques (+140 %) et des ménages (+130 %). Ce qui ne sera pas sans conséquence pour l’approvisionnement en eau à des fins agricoles.

Réussir la réforme

À la lumière de ces constats, l’OCDE appelle à « réussir la réforme et intégrer la croissance verte dans les priorités de l’action ». Et de préconiser de recourir à un panel d’outils parmi lesquels :

-* instaurer des écotaxes et des systèmes d’échange de quotas d’émission pour faire en sorte que polluer coûte plus cher que respecter l’environnement ;

  • évaluer et tarifer les actifs naturels et les services éco-systémiques comme l’air pur, l’eau potable et la biodiversité sur la base de leur vraie valeur ;
  • supprimer les subventions dommageables pour l’environnement aux énergies fossiles et aux réseaux d’irrigation qui gaspillent l’eau (à cet égard, rappelons que les subsides aux énergies fossiles s’élevaient en 2008 à 557 milliards de dollars) ;
  • encourager l’éco-innovation en rendant les modes de production et de consommation polluants plus coûteux tout en apportant un soutien public à la R-D.

Les mesures proposées par l’OCDE ont tout leur sens et on ne peut qu’encourager nos politiques à s’en saisir. Le contexte actuel y est d’ailleurs propice. Prenons le cas des subventions ayant un effet dommageable sur l’environnement. Les supprimer permettrait d’une part d’apporter un ballon d’oxygène aux finances publiques en souffrance et d’autre part de réduire les impacts sur l’environnement. Ce constat est d’ailleurs partagé par l’Institute for Environmental Policy qui affirme que : « Les récents plans de relance (…) offrent une occasion sans précédent de fondamentalement restructurer l’économie sur une base plus durable et de stimuler les investissements appropriés susceptibles de faciliter la transition vers une économie pauvre en carbone. Malheureusement, le contexte de court terme dans lequel les plans de redressement ont été élaborés ne permet pas de repenser fondamentalement les schémas actuels de dépenses publiques. Au contraire, les plans de relance ont, jusqu’à présent, assuré de nouvelles économies (…) plutôt que de réformer ou supprimer les subventions existantes. Ce fut sans conteste une occasion manquée ».

Un point de vue cependant critiquable

En parlant de « croissance verte », l’organisation internationale ne remet nullement en cause le paradigme dominant d’une économie libérale axée sur la croissance (rien d’étonnant à cela). Soutenir la croissance verte, c’est réaffirmer sa foi en la logique de la croissance financière qui nous a, à maintes reprises, montré ses limites. C’est aussi faire l’impasse sur la question de la finitude de nos ressources naturelles qui ne peut que battre en brèche cette idéologie de la croissance continue. C’est aussi nier le coût social qu’elle inflige à certains. Notre économie a besoin d’un réforme bien plus audacieuse !

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