La proposition de directive européenne renouvelable « recastée » (c’est-à-dire modifiée) qui est publiée aujourd’hui pourrait bien sonner le glas des projets du Gouvernement wallon de développer une centrale électrique biomasse. Dans son article 26, la Commission estime en effet que « les états membres ne devront pas apporter de soutien public à des installations convertissant la biomasse en électricité à moins qu’il ne s’agisse de centrales de cogénération de grand qualité », c’est à dire une centrale produisant à la fois de la chaleur et de l’électricité. La Commission estime en effet qu’il est crucial de limiter l’utilisation d’une ressource la biomasse qui est rare et doit donc être utilisée avec parcimonie.
Or, l’appel d’offre qui a été publié par le Gouvernement wallon en avril dernier pour désigner le futur projet de centrale biomasse a peu de chance d’aboutir à la sélection d’une centrale de cogénération. En effet, la production de chaleur est défavorisée dans les critères de sélection fixés par le Gouvernement. Le premier critère présent dans l’appel d’offre (valant 1/4 de la note finale) analyse la seule quantité d’électricité produite par rapport au nombre de certificats verts reçu. Le deuxième critère (valant encore 1/4 de la note) donne quant à lui 10X moins de poids à la production de chaleur par rapport à la production électrique. Hors, une centrale de cogénération (c’est à dire qui produit à la fois de l’électricité et de la chaleur) possède généralement un rendement électrique moindre qu’une centrale électrique pure. Et même si elle produit de la chaleur, celle-ci n’étant pas ou moins prise en compte, la cogénération est défavorisée par l’appel à projet.
Cette position de la Commission européenne adoptée dans sa proposition de directive va en tous les cas dans le sens de la position défendue par les ONGs environnementales depuis plusieurs années. Une centrale électrique exclusivement à la biomasse est un non sens écologique et économique. La biomasse est une ressource limitée qui doit être utilisée de la manière la plus efficace possible. Le mouvement environnemental plaide pour des petites unités flexibles et en cogénération utilisant de la biomasse durable (une grosse centrales électrique de type « les awirs » utiliserait plutôt des pellets importés étant donné les flux de biomasse nécessaires).
What’s next ?
Les hasards de l’agenda font que l’appel d’offre biomasse en question se termine au moment même où la Commission publie sa proposition de directive. A notre connaissance plusieurs projets ont été déposés, mais il est difficile de savoir s’il s’agit de dossiers de centrale de cogénération de qualité ou même si un des projets concerne ce type de centrale. A priori, le Gouvernement ne prévoit pas de rendre les offres publiques.
La proposition de directive devrait être discutée dans le courant de l’année 2017 et être votée par le Conseil et par le Parlement européen sans doute début 2018. Elle est donc encore susceptible d’être modifiée et sera soumise à la discussion des états membres dont la Belgique. Nous serons vigilant au risque que la Wallonie aille exporter ces mauvaises décisions en cherchant à affaiblir la proposition de directive sur ce point.
Si la Wallonie persistait dans sa volonté de construire une centrale biomasse de grande capacité, elle risquerait en tout cas de se mettre en porte-à-faux par rapport aux règles européennes. On peut se poser la question des conséquences juridiques d’une pareille décision. En outre, il nous semblerait incohérent pour une région qui dit plaider pour une politique énergétique intégrée au niveau européen d’aller ainsi à l’encontre de ce que la Commission préconise.
Cette proposition de directive est au minimum un pierre de plus dans la hotte d’une centrale biomasse purement électrique de grande capacité qui serait néfaste et pour l’environnement et pour le portefeuille des wallons. Heureusement le Gouvernement, dans l’appel à projet, a prévu la possibilité de faire marche arrière en ne procédant pas à la désignation d’un lauréat. Gageons que le Gouvernement wallon changera son fusil d’épaule en développant les alternatives qui existent pour développer une énergie vraiment durable en Wallonie.