Peste porcine : l’AFSCA désavoue les thèses des chasseurs

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L’arrivée de la peste porcine africaine n’a pas, à ce jours, modifié les pratiques de chasse en Wallonie. En dehors du périmètre de 63.000 ha, aucune mesure préventive significative n’a été prise au regard du risque induit par les fortes densités de sangliers. Et ce, contrairement aux attentes exprimées tant par les associations environnementales que par la Fédération Wallonne de l’Agriculture (FWA). L’avis du Comité scientifique de l’Agence Fédérale pour la Sécurité de la Chaîne alimentaire (AFSCA) tranche très clairement la question d’un point de vue scientifique et recommande notamment l’abandon du nourrissage du sanglier en Belgique, des tirs ciblés sur les femelles et l’adoption de méthodes de destruction en complément du tir. Au regard des conséquences d’une extension éventuelle de l’épidémie, les associations invitent le Ministre à mettre en œuvre rapidement les recommandations de l’AFSCA.

L’avis rendu par le comité scientifique de l’AFSCA (SciCom) établit d’abord des constats :

  • «Les facteurs déterminants de cet accroissement [des sangliers] sont : une régulation insuffisante via la chasse, le nourrissage et une disponibilité accrue de la nourriture. (…) La Wallonie est une des régions d’Europe les plus densément peuplées en sangliers» (EFSA 2018).
  • Il existe un lien direct entre surdensités et propagation de la PPA : Les analyses de facteurs de risques sur les données en provenance des pays de l’Est montrent une association entre la présence de la PPA et les densités de sangliers (EFSA, 2017a, b).

Le SciCom pose ensuite de nombreuses questions quant à la gestion de cette crise notamment à l’extérieur de la zone de surveillance accrue de la PPA et formule une série de recommandations :

  • sur l’ensemble de la Wallonie : l’abandon de la pratique du nourrissage ;
  • une réduction drastique des laies porteuses par un tir ciblé sur cette catégorie ;
  • le recours à des méthodes de chasse et de destruction qui n’engendreraient qu’un minimum de déplacements des sangliers comme la battue silencieuse, voire des pièges, ou l’appâtage à des fins de tirs.

Face à ces recommandations étayées de scientifiques indépendants, le Ministre René Collin reprend à son compte les arguments des chasseurs : le nourrissage n’aurait qu’un « effet marginal sur les populations de sangliers » et contribuerait à une meilleure répartition des densités de populations.
Factuellement, les données de prélèvements (statistiques de tirs) dans les différents territoires de chasse en Wallonie démontrent exactement le contraire :

  • 6 territoires de chasse, qui pratiquent allègrement le nourrissage, ont des densités 6x supérieures à la moyenne wallonne[[Soit plus de 200 sangliers au 1.000 ha.]] ;
  • en outre, 5% des gestionnaires de chasse comptabilisent 42 % des prélèvements annuels en sanglier[[Ces territoires de chasse couvrent 18 % des forêts wallonnes et sont gérées par 118 gestionnaires de chasse (données d’analyse des points noirs 2009-2012). Il s’agit des chasses les plus déviantes en Wallonie où le nourrissage pratiqué revient à de l’élevage en forêt.]].

Des prélèvements de 2 à 7 fois plus importants ne peuvent être considérés comme marginaux. Voir ci-dessous, une carte des densités et des « points noirs » qui illustre notre propos.

Le nourrissage a donc bien comme effet la concentration d’animaux sur des chasses où la seule volonté n’est aucunement de réguler l’espèce, mais bien de la maintenir à des seuils de densités élevés uniques en Europe.

Le Ministre considère également que la suppression du nourrissage en période de chasse risquerait, suite aux battues, de délocaliser et de disperser les sangliers dans les campagnes et en zone périurbaine pour y causer des dégâts. La décision d’arrêt du nourrissage en zone contaminée pour éviter justement l’expansion de l’épidémie, prise par le même Ministre dès l’apparition de la PPA suivait pourtant la logique inverse alors que le risque, en présence de PPA, était nettement plus conséquent. Le dispositif des « points noirs » adopté par Carlo Di Antonio avait précisément cet objectif de réduire les populations dans les zones surdensitaires avant d’interdire le nourrissage en Wallonie, mais son successeur a mis un terme à ce dispositif dont les scientifiques aujourd’hui rappellent le bon sens absolu et le légitime principe de précaution.

Enfin, le Ministre a interdit les consignes visant à restreindre le tir de laies sans imposer un quelconque système de contrôle de résultats ou un quelconque outil de sanctions en cas de non-respect. Une disposition digne de la méthode Coué…

Le Ministre s’inquiète par ailleurs d’une trop forte présence de gibier polonais dans les grandes surfaces … Ce qui devrait occuper toute l’énergie du Ministre, c’est de mettre en place, de façon énergique, un maximum d’outils pour éviter que cette épidémie ne gagne l’ensemble de la Région wallonne. Et les scientifiques, après les environnementalistes, lui en indiquent la voie.

Les réponses du Ministre ne sont absolument pas satisfaisantes pour réduire le risque d’une propagation de l’épidémie en dehors de la zone infectée. L’inaction est une prise de risque conséquente qui pourra être reprochée à la Région. Elle fait peser un risque colossal à une multitude d’acteurs déjà largement impactés par cette crise : le secteur agricole, les exploitants forestiers, les communes (les pertes des droits de chasse et les problèmes de trésorerie liés au report des ventes de bois), les acteurs de l’Horeca et du tourisme et l’ensemble de la société déjà privée d’accès à près de 10 % de la forêt wallonne.

Pour réduire les populations, nous invitons le Ministre, en écho aux recommandations des scientifiques, à prendre les mesures nécessaires pour revenir à une densité raisonnable et durable de gibier, à savoir :

  • l’interdiction de toute forme de nourrissage artificiel du sanglier de façon durable sur l’ensemble de la Région wallonne ;
  • la fixation d’objectifs de prélèvements, de contrôle et de sanctions durant les trois prochains mois de chasse, afin d’entamer significativement la division par 3 des densités de sangliers ;
  • la réalisation d’un suivi qualitatif et quantitatif des prélèvements, via la tenue de carnets de tirs contrôlés par le DNF ;
  • la mise en place rapide de moyens alternatifs de contrôle des densités (autorisation aux gardes du DNF ou à des tiers de procéder à des tirs éliminatoires dans les zones à forte densité, cages de capture, …).

Contact presse :

IEW – Lionel Delvaux, Chargé de missions « ruralité » 0497 766 011

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Lionel Delvaux

Anciennement: Nature & Ruralité