La Direction Générale Sanco, suivie par les Etats-membres, autorise des données lacunaires à une large échelle dans le processus d’autorisation des pesticides. Telle est la découverte du Pesticide Action Network Europe (PAN EU) en collaboration avec Générations futures faite lors de l’analyse d’un des principaux systèmes de dérogation intitulé la « resoumission ». Pour les 10 cas étudiés, il s’avère que l’analyse des risques pour l’environnement n’a pas pu être réalisée, du fait de données manquantes. Dans 8 cas sur 10, l’analyse des risques pour les consommateurs n’a pas été finalisée, du fait également de données manquantes. Ces décisions exposent les citoyens et l’environnement à des risques inconnus. Pourtant, la directive 91/414 n’autorise pas cette absence de données – qui nécessite, pour être comblées, la réalisation d’études de toxicité.
La resoumission, une invention développée en 2007 derrière les portes du « Standing Comitee » des représentants nationaux et de la Commission[[Transcrite légalement dans le règlement 33/2008]], offre à l’industrie des pesticides une seconde chance pour les substances bannies ou retirées du marché. Les fabricants de pesticides peuvent soumettre une demande d’autorisation à tout moment – mais cette procédure a la particularité d’offrir quelques avantages, dont la nécessité de ne remplir qu’un « mini-dossier ». Point culminant : un accès libre au marché durant le processus d’évaluation leur est d’office acquis. L’industrie n’a pas pu résister à une offre aussi avantageuse et c’est au final 87 applications , pour autant de substances actives, qui furent déposées, paralysant ainsi complètement le système d’évaluation de la GD Sanco et de l’Agence Européenne de Sécurité Sanitaire depuis maintenant plus de 3 ans.
Cette évaluation « amicale » de ce groupe de pesticides ne s’est pas contentée de données lacunaires. Le rapport « Twisting and bending the rules » du PAN UE révèle aussi qu’en aucun cas les Etats-membres ou la Commission n’ont banni un pesticide sur seule base de ses impacts environnementaux. Dans les 10 cas, la condition de ne pas avoir d’effets inacceptables sur l’environnement n’était pas remplie. Dans 7 cas, même des risques élevés pour l’environnement avérés furent considérés comme acceptables. Cette attitude est une violation des lois et un amoindrissement systématique du critère central de l’autorisation des pesticides à savoir, aucune influence inacceptable sur l’environnement.
Le PAN UE identifie plusieurs points emblématiques :
- le régime de resoumission approuve des pesticides alors que des données de toxicité manquent
- ce régime approuve des pesticides alors que les données disponibles montrent des risques élevés pour l’environnement et que les données pour attester de l’absence d’effets inacceptables pour l’environnement sont absentes
- les décisions de la Commission n’ont aucun sens : les conclusions des rapports de l’EFSA et de la DG Sanco sont contradictoires (alors que la première instance est souvent critique sur les dossiers, la seconde conclut systématiquement en l’absence d’effets dangereux sur les consommateurs et d’effets inacceptables sur l’environnement – et ce sur base des mêmes données!)
- les seules données utilisées sont celles fournies par l’industrie… alors que leur fiabilité est souvent questionnée
- les mesures d’atténuation des risques sont-elles respectées ? On en doute : les zones tampons définies lors de l’autorisation, visant à protéger le milieu aquatique, sont difficilement contrôlables… et les moyens de contrôles sont, comme souvent, insuffisants !
Pourquoi donc la DG Sanco joue-t-elle ce jeu contradictoire ? Le PAN UE suspecte la menace de dépôt de plaintes par les industries – et les procédures judiciaires qui s’ensuivraient qui risqueraient de paralyser complètement l’unité « pesticides » de cette direction générale. Mais les données manquantes dans l’évaluation des risques ne devraient pas pouvoir amener à une autorisation de ces substances actives !
Alors que cet énorme cadeau est fait à l’industrie, le nécessaire travail de renouvellement du système d’évaluation – comme requis par la nouvelle réglementation 1007/2009 – est à l’arrêt et rien n’est fait pour mettre à jour les exigences sur les tests de toxicités, désuets et manquants de sensibilité. Rien n’est fait sur le renouvellement des méthodologies d’évaluation des risques. Rien n’est fait sur la substitution des pesticides. Rien… ou pas assez !
L’intérêt des Etats-membres et de la Commission à gaspiller leur temps sur ces pesticides est difficilement compréhensible. La mise sur le marché de pesticides supplémentaires serait-elle davantage prioritaire que la protection de la santé et de l’environnement. Pourtant, les maladies croissantes en Europe – comme les cancers hormono-dépendants du sein et de la prostate – et le déclin massif de la biodiversité – lié à l’utilisation de fongicides et d’insecticides – auraient du amener à une autre priorisation…