Il ne se passe plus une semaine sans qu’une nouvelle étude ne viennent mettre en évidence de nouvelles preuves de la toxicité des produits phytosanitaires. Des substances actives qui ont pourtant été « consciencieusement » homologuées par l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments), mais sur base d’un canevas d’évaluation largement insuffisant, et des dossiers d’évaluation qui ont été réalisés par les firmes, mais sans aucune contradiction.
Pollution de l’air ? Tout simplement ignorée !
Plusieurs études ont clairement démontré l’impact sur la santé des riverains des traitements sur la vigne : cancers, Parkinson ou problèmes de fertilités. Une nouvelle étude (voir ici ou ici) qui utilise des données très précises (localisation des traitements, date de traitement et exposition des enfants pendant la grossesse), réalisée en Californie, se consacre à l’autisme. Un enfant sur 68 est aujourd’hui atteint de cette maladie alors qu’un enfant sur 150 l’était il y a à peine10 ans. L’étude démontre qu’une femme enceinte exposée à certains insecticides (organophosphorés et pyréthrinoïdes) a un risque 66 % plus élevé de voir son enfant développer cette maladie, et ce, à des distances avec les traitements pouvant aller jusqu’à 1,5 kilomètre. L’étude a également montré que le risque d’avoir un enfant autiste est d’autant plus important que l’exposition de la femme enceinte était forte pendant le deuxième et le troisième trimestre de la grossesse. Inutile de souligner que l’évaluation des pesticides ne prend pas en considération ce type d’effet… Les pollutions via l’air ne sont tout simplement pas étudiées.
Des dérogations[ [Produits phytos : quand les dérogations deviennent la règle ]] « exceptionnelles » mais récurrentes, en Belgique aussi
Parmi les pesticides incriminés dans cette étude, certains ne sont plus autorisés dans l’Union Européenne. L’étude relève cependant la toxicité du Chlorpyriphos un insecticide du sol toujours autorisé, lui. Du fait de sa toxicité, il est agréé en Belgique pour des usages très restreints sous forme de granulé. Mais son usage est étendu via une dérogation à la réglementation pour une utilisation « dans des circonstances particulières » et pour une période ne pouvant excéder cent vingt jours. Le problème c’est que cette dérogation a été octroyée en début de saison des années 2012, 2013 et 2014. Une dérogation étonnante car elle ne se justifie qu’en « raison d’un danger qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens raisonnables ». Or, cet insecticide est utilisé pour lutter contre les larves de tipules en prairie, un « danger » pourtant tout à fait acceptable et qui peut être géré par d’autres moyens.
Les néonicotinoïdes : une accumulation de preuves
L’incidence de cette famille d’insecticide sur la mortalité des abeilles a conduit à leur retrait partiel, pour une durée déterminée et bien après que des indications claires de leurs impacts aient été démontrées. Leur toxicité pour l’avifaune a également été démontrée ainsi que leur présence très préoccupante dans les eaux de surface. Un groupe de chercheurs a réalisé une méta-analyse reprenant l’essentiel des études scientifiques sur les effets des néonicotinoïdes sur la faune. Les conclusions de cette évaluation sont très préoccupantes. Les invertébrés terrestres comme les vers de terre sont les plus affectés car ils sont exposés à des niveaux élevés via le sol et les plantes ainsi que via les eaux. Viennent ensuite les insectes pollinisateurs, dont les abeilles et les papillons, fortement contaminés par l’air et les plantes, dans une moindre mesure par l’eau. Ils sont suivis par les invertébrés aquatiques, tels les gastéropodes d’eau douce et les puces d’eau, puis par les oiseaux. Les poissons, les amphibiens et les bactériens les talonnent.
Atteintes à l’agriculture, à la nature et à notre santé
L’évaluation démontre que ces substances représentent un risque pour les fonctions et services écosystémiques qui vont bien au-delà des inquiétudes afférentes à une espèce (abeille, …). Outre le service lié à la pollinisation, les services rendus par les invertébrés du sol sont irremplaçables pour nos sociétés (macro-porosité et infiltration de l’eau) et indispensables pour l’agriculture (recyclage des matières organiques, aération du sol,…). Pour préserver l’agriculture, il est donc essentiel d’interdire ces matières actives.
Par ailleurs, l’EFSA a récemment reconnu la neurotoxicité de ces pesticides et a demandé l’adoption d’une évaluation obligatoire dans le processus d’autorisation des pesticides sur leur potentiel neurotoxique.
Pas seulement la substance active, mais bien toute la formulation
S’il est établi que l’évaluation des substances actives présente de multiples déficiences, l’évaluation des formulations (soit la substance active et ses adjuvants) n’existe tout simplement pas. Elles font l’objet d’une agréation octroyée par les États qui définit les conditions d’usages des pesticides sur base de l’évaluation de la substance active. Or, il existe bien une interaction entre les substances actives et les adjuvants qui renforcent les effets de la substance active. Dans une étude récente portant sur des formulations commerciales de 9 matières actives différentes (3 herbicides, 3 fongicides et 3 insecticides), 8 ont des effets toxiques sur des cellules humaines en moyenne des centaines de fois plus importants que ceux causés par leur matière active seule ! Le dernier n’a tout simplement pas d’adjuvant dans sa formulation commerciale[ [Major pesticides are more toxic to human cells than their declared active principles. Mesnage R, Defarge N, Spiroux de Vendômois J, Séralini G.E. BioMed Research International ,2014.]].
De ce fait, le mode de calcul des doses journalières admissibles (DJA) calculées aujourd’hui à partir de la toxicité de la substance active seule, ainsi que la procédure d’évaluation du risque actuelle des pesticides qui ne prévoit pas l’obligation de tests pour la toxicité chronique des pesticides en formulation sont tout simplement lacunaires. Les adjuvants employés dans les formulations de pesticides ne peuvent en effet pas être considérés comme des composants inertes, mais ont souvent une toxicité propre et accroissent celle des matières actives !
Ces différentes études montrent l’ampleur de la sous-évaluation des risques réels des pesticides auxquelles les agriculteurs et toute la société, au vu de la multitude des voies de consommation, sont exposés chaque jour !
Toutes l’info sur les pesticides : http://www.sante-environnement.be/spip.php?rubrique30