Après plusieurs semaines de tensions entre États européens et de pressions chinoises, la Commission européenne a décidé de taxer les importations de panneaux solaires chinois. Cette décision fait suite à une enquête ouverte par les autorités européennes en septembre 2012 sur les subventions accordées par les autorités chinoises aux producteurs de cellules photovoltaïques leur permettant d’inonder le marché européen de panneaux bon marchés.
Le prix des cellules photovoltaïques a connu une baisse presque continue depuis la fin des années septante (voir figure). Si cette diminution est la conséquence de plusieurs facteurs telles que la meilleure maîtrise de la technologie, l’augmentation des quantités produites, etc., elle est également due au soutien que Pékin apporte à ces industries.
Lors de ses investigations, la Commission a constaté que « certaines sociétés chinoises vendaient des panneaux solaires en Europe à des prix nettement inférieurs à leur valeur marchande normale, au détriment des fabricants de panneaux solaires de l’Union européenne. À leur juste valeur, les panneaux solaires chinois devraient être vendus en Europe à un prix supérieur de 88 % à celui facturé en réalité.[Commission européenne, « L’Union européenne institue des droits antidumping provisoires sur les panneaux solaires chinois », [communiqué de presse, 04/06/2013]] » Les conséquences de cette concurrence déloyale n’ont pas tardé. Tandis que d’un côté le prix des installations solaires photovoltaïques chutait – une installation type en Belgique a vu son prix être divisé par 4 ces 6 dernières années – de nombreux fabricants européens de panneaux solaires ont été déclarés en faillite. Ainsi, le dumping chinois, aurait coûté des milliers d’emplois et causé la fermeture de plus de 60 usines au sein de l’industrie solaire européenne.[EUProSun, « Décision de la Commission Européenne d’imposer des droits anti-dumping sur les importations solaires chinoises », [communiqué de presse, 04/06/2013]]
Certains, notamment dans la sphère environnementale, se sont trouvés face à un dilemme : accepter les panneaux chinois, permettre ainsi un développement plus rapide et moins coûteux d’une énergie renouvelable ou a contrario soutenir une industrie européenne en difficulté et renchérir le prix de cette énergie. Mais, considérer les choses sous ce seul angle économique est quelque peu réducteur…
Laissons de côté, pour l’exercice, les aides accordées par les autorités chinoises à leur industrie solaire pour ne voir que la façon dont sont produites ces cellules. Examinons ainsi les conditions de travail et de rémunérations des ouvriers chinois. Faute d’informations directes sur les usines de productions de panneaux photovoltaïques, nous nous baserons sur un rapport réalisé par l’organisation de défense des droits des travailleurs China Labor Watch (CLW) sur les conditions de travail dans l’industrie technologique chinoise. Ce rapport fait état de conditions inhumaines dans des usines où « les ouvriers ne peuvent pas gagner un salaire leur permettant de vivre avec leurs seules heures de travail normales et sont contraints d’effectuer un trop grand nombre d’heures supplémentaires. Le nombre d’heures supplémentaires travaillées par mois varie entre 36 et 160 (…) et aucune usine n’était strictement en conformité avec la législation sur le travail en Chine ». On se rappelle également au cours de l’année 2010, de la vague de suicide dans les usines Foxconn, qui fabrique notamment les produits de la marque à la pomme, où 14 ouvriers ont mis fin à leurs jours et 4 autres sont restés gravement blessés suite à leur tentative de suicide. Ces suicides ont eu comme déclencheur la mise en place de période de travail de 72 heures sans pauses. Les conditions de travail de ces ouvriers se trouvent donc à mille lieues des standards européens et sont une des raisons pour lesquelles ces panneaux se vendent à ces prix.
Les conditions environnementales de fabrication de ces panneaux solaires sont également très éloignées de ce que nous connaissons en Europe. L’industrie solaire est très énergivore. Ainsi, on estime que 40 kilos de charbon sont nécessaires en Chine pour produire un panneau d’une superficie légèrement supérieure à 1m2. Sachant qu’outre ses émissions de gaz à effet de serre, le charbon pollue également l’atmosphère des villes, il est tout aussi nuisible pour la santé que pour le climat et cela sans tenir compte des conditions d’extraction. Par ailleurs, la matière première de ces panneaux est le silicium. Des carrières se développent donc de manière totalement anarchique, notamment à proximité de villes qui se retrouvent sous un voile de poussière permanent. Dans un second temps, le silicium doit être raffiné ce qui nécessite des bains d’acide qui se retrouve ensuite dans les rivières chinoises, tuant ainsi l’écosystème.
La problématique est donc bien plus large que le simple développement à moindre coût des énergies renouvelables en Europe. N’est-il pas préférable d’accepter un prix supérieur dans le but de préserver les 25 000 emplois de la filière européenne de production d’énergie solaire et des panneaux solaires fabriqués selon des normes sociales et environnementales plus strictes ?