La pollution de l’air extérieur est la plus grande menace environnementale pour la santé. Elle est à l’origine de près de 9.000 morts prématurées (et évitables) par an en Belgique et est responsable de l’émergence de nombreuses « maladies environnementales » telles que des problèmes cardiovasculaires, respiratoires, neurologiques, de développement chez l’enfant … Ces impacts sanitaires représentent inévitablement un poids sur nos systèmes de soins de santé.
Au-delà de ces préoccupations sanitaires, la question d’inégalité environnementale se pose également. En effet, ce sont généralement les publics socio-économiquement vulnérables – souvent les moins pollueurs – qui sont les plus exposés et impactés par cette pollution.
Menaces environnementales : L’activité humaine a considérablement dégradé l’environnement dans lequel nous vivons. La pollution de l’air, de l’eau, des sols, … représentent des menaces pour notre santé. Maladies environnementales : Maladies non transmissibles dues à l’exposition à des menaces environnementales.
A l’heure où l’Union Européenne travaille sur la révision de la directive sur la qualité de l’air, il est urgent que la Belgique montre une position forte et s’assure de la mise en place rapide de mesures pour protéger les citoyens et combattre ces inégalités.
Contexte
Les principales sources de pollution atmosphérique sont d’origine anthropique. Le trafic routier, le chauffage et les industries représentent les secteurs les plus émetteurs. En effet, la combustion d’énergies fossiles, actuellement inhérente au fonctionnement de ces activités, résulte en l’émission des principaux polluants de l’air auxquels s’ajoutent – dans le cas du trafic routier – les émissions de particules hors échappement (l’usure des pneus, de l’embrayage et des freins).
Les principaux polluants sont les oxydes d’azote (NO et NO2), les particules fines (PM10 et PM2.5)1 ainsi que l’ozone (O3). Ils sont réglementés par la Directive 2008/50/CE.
A l’heure actuelle, les seuils repris dans cette Directive sont bien en deçà de ceux préconisés par les nouvelles recommandations de l’OMS. Il est important que l’Europe – et la Wallonie – revoient ses ambitions à la hausse et offrent à ses citoyen.ne.s un cadre légal qui les protège des risques liés à cette pollution.
Nous demandons à la Wallonie de mettre rapidement en place les actions suivantes afin de permettre aux citoyens de respirer un air plus sain.
Mesures prioritaires pour une Wallonie plus saine :Plaider pour l’alignement de la directive EU sur les recommandations de l’OMS (2021).Intégrer les valeurs recommandées par l’OMS comme valeurs seuil dans l’Arrêté royal du 15 juillet 2010 relatif à l’évaluation et la gestion de la qualité de l’air ambiant.Renforcer le réseau de mesures pour cartographier correctement la pollution sur le territoire (inclure les zones sensibles) et y inclure les polluants émergents. Développer des normes pour les polluants émergents (particules ultrafines, black carbon).Implémenter rapidement des mesures concrètes dans les secteurs de la mobilité, de l’aménagement du territoire et de l’énergie pour améliorer la qualité de l’air (voir tableau p.4). Pourquoi lutter contre la pollution de l’air extérieur
Pourquoi lutter contre la pollution de l’air extérieur
POUR DES RAISONS DE SANTE PUBLIQUE
L’Agence Européenne le rappelle dans son dernier rapport (20202) : bien que la qualité de l’air s’améliore en Europe, une partie considérable de la population est exposée à des niveaux de polluants bien supérieurs à ceux recommandés par l’OMS.
Quelques chiffres marquants pour l’UE :
- En 2020, 96% de la population urbaine étaient exposés à des concentrations en PM2.5) supérieures à celles de l’OMS (2021).
- En 2019 – pré-COVID – 364.200 décès prématurés3 étaient imputables à la pollution atmosphérique.
Fact : la pollution atmosphérique est le deuxième plus gros facteur de maladies non-transmissible après le tabagisme (OMS)
Où en sont la Belgique et la Wallonie ?
Sur le plan international, la Belgique est un mauvais élève.
Dans le classement de l’UE-14, elle est le 4ème pays avec la plus grande concentration en particules fines (PM10 et PM2.5) et le 5ème en ce qui concerne le NO24.
Au vu de la densité de population belge, cela se traduit par une surexposition de la population à ces polluants.
Zoom sur la Wallonie5 :
- 40 % de la population wallonne sont exposés à des niveaux de pollution aux PM10 supérieurs au nouveau seuil de l’OMS (>15 μg/m³);
- 99,8% du territoire présente des dépassements de la nouvelle valeur seuil pour les PM2,5 (> 5μg/m³)
- 80% de la population wallonne sont exposés à des niveaux de pollution aux NO2 supérieurs au nouveau seuil de l’OMS (> 10 μg/m³).
Cette surexposition a un coût sociétal considérable. Non seulement en termes de vies humaines – elle est responsable d’environ 9.000 morts prématurées6 par an en Belgique contre 14.000 pour le tabac – mais aussi en termes d’années de vies en bonne santé perdues.
Elle est à l’origine de l’émergence de certaines maladies comme des maladies respiratoires, cardiovasculaires, des cancers et des maladies neurodégénératives (eg : Alzheimer).
La pollution de l’air représente donc une source de souffrance humaine et un poids sur les soins de santé.
Facts : La réduction d’1µg/m3 de PM2.5 est associée à une réduction de 17% du risque de maladie d’Alzheimer en France (AAIC 2021).
Une exposition aux PM2.5 supérieure à 20 µg/m3est associée à un risque accru de 12-13% de développer une maladie auto-immune (Italian cohort study).
POUR PRESERVER NOTRE SYSTÈME DE SOINS DE SANTE ET L’EMPLOI
Au vu de son impact sur la santé, il est clair que la pollution atmosphérique – et particulièrement la pollution aux particules – coûte à la société. Ceci est non seulement dû au traitement des maladies (consultation médicale, hospitalisation, …) mais aussi au « manque à gagner », résultant de la (non-) contribution des personnes malades ou décédées prématurément à l’activité économique du pays. Si l’augmentation des problèmes de santé affecte l’activité économique, elle touche aussi la vie privée et ce d’autant plus que les conditions d’existence sont difficiles (ex: famille monoparentale au revenu modeste avec enfants en bas âge).
Une étude de l’Alliance européenne pour la santé publique (EPHA) a évalué les coûts de la pollution atmosphérique pour 3 villes wallonnes : Mons, Charleroi et Liège (2020).
Ils s’élèveraient à plus de 570,8 millions d’euros/an. C’est-à-dire, qu’en moyenne, les habitants de ces villes paient 882 euros/an pour pallier les impacts de la pollution atmosphérique.
Quel impact sur l’emploi ?
Un nombre grandissant d’études ont mis en avant un lien entre l’amélioration de la qualité de l’air et l’augmentation de la productivité au travail (OECD 2019, EEA).
Récemment, les Mutualités Libres ont démontré que la pollution de l’air était responsable en Belgique de l’augmentation du nombre d’incapacité de travail pour des raisons de problèmes psychologiques/psychiques (ex : dépression, burn out, …).
Plus particulièrement, la pollution due au trafic serait corrélée à l’augmentation des troubles mentaux/dépressions.
Facts : Une augmentation de la concentration en carbone noir de 0.5 µg/m3 augmente le risque d’entrer en incapacité de travail de 3,2% (MLOZ).
Une augmentation de la concentration en oxyde d’azote de 5 0.5 µg/m3 augmente le risque d’entrer en incapacité de travail de 4,2% (MLOZ).
POUR LUTTER CONTRE LES INEGALITES SOCIO-ENVIRONNEMENALES
Finalement, combattre la pollution atmosphérique c’est contribuer à diminuer les inégalités socio-environnementales.
En Belgique et ailleurs, les individus et/ou groupes de population les plus défavorisés subissent une exposition plus élevée aux polluants atmosphériques. Le projet bruxellois Curieuzenair va un pas plus loin en démontrant que les personnes les plus touchées possèdent en moyenne moins de voitures et contribuent, par conséquent, moins à cette pollution.
En Wallonie le constat est similaire. Parmi les 40% de Wallon·ne·s exposé·e·s à des niveaux de pollution aux PM10 supérieurs au nouveau seuil de l’OMS 43% d’entre eux présentent un niveau socio-économique très faible, une proportion bien supérieure à leur représentation dans la population (29%).
Ces personnes sont, par ailleurs, plus vulnérables à la pollution de l’air (ex : moindre accès aux soins, aux espaces verts, alimentation moins saine).
Améliorer la qualité de l’air en ville c’est aussi combattre cette injustice sociale.
Comment aborder cet enjeu à la fois global et local ?
Renforcer le cadre législatif relatif à la qualité de l’air (voir encadré ci-dessus) est une mesure nécessaire mais pas suffisante pour protéger l’ensemble des citoyens de cette nuisance.
Prendre des mesures conjointes en mobilité, énergie (bâtiments) et aménagement du territoire. En effet, les co-bénéfices santé d’un changement de paradigme dans ces secteurs sont indéniables.
Il est donc essentiel que la problématique soit abordée de manière systémique, dans un esprit de « Health in all Policies ».
Voici 10 mesures phares, bénéfiques à la fois pour le climat, l’environnement et la santé.
Note d’attention : Gentrification et cohésion sociale
Ces mesures qui vont améliorer nos lieux de vie (logement, quartier, ville, territoire) peuvent avoir un effet « indésirable » de gentrification. Il est essentiel que ces politiques soient accompagnées de mesures sociales pour contrer/anticiper cet effet et assurer la mixité sociale du territoire et la cohésion sociale. On pense notamment à des actions pour réformer la fiscalité immobilière (Avis d’initiative “Pour une véritable politique intégrée des villes »).
Aidez-nous à protéger l’environnement,
faites un don !
- Particules fines dont le diamètre est respectivement inférieur à 10 et 2,5 microns.
- 2020 a été marquée par la pandémie COVID-19
- Contre 311.000 en 2020 (année de la COVID-19)
- Moyennes pondérées par la population
- SIGENSA (données de 2019)
- Rapport de l’AEE de 2020 (données pré-covid)