Pour la consigne, c’est où qu’on signe ?

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Le débat sur l’instauration d’une consigne pour les canettes et bouteilles PET est à nouveau à l’agenda du Parlement de Wallonie suite à une conjoncture d’évènements : une pétition citoyenne de 500 signatures, la fin et l’évaluation de l’expérience pilote relative à la prime de retour sur les canettes, le ralliement de 53% des communes Wallonnes à l’Alliance pour la Consigne et un sondage de Test-achat expliquant que 74% des Wallon·ne·s interrogé·e·s étaient favorables à l’instauration d’un système de consigne.

Dans le cadre de ce débat, IEW a été auditionné au Parlement afin de détailler l’avis de la fédération sur le sujet. La consigne est, comme bien d’autres sujets, un domaine où le noir ou blanc n’existent pas. Je vous propose d’étudier ensemble la liste des « pour et contre ». On y va ?

De quoi parle-t-on  ?

Le principe des bouteilles consignées est bien connu chez nous pour les bouteilles en verre. On paye notre bouteille quelques cents plus cher, et quand on la ramène vide, on récupère ces quelques cents. Les bouteilles récupérées seront ainsi lavées et remplies à nouveau.

Même principe pour la consigne sur les canettes et bouteilles PET, à la différence que ces emballages ne seront pas réutilisés. Une fois rapportés au point de déconsignation, ils seront envoyés en centre de tri, puis recyclés.

L’expérience pilote « prime de retour »

Afin de tester le système, BeWapp a mis en place en 2018 une expérience pilote « Prime de Retour ». Principe bien différent de celui de la consigne ! Cette expérience pilote ne concernait que les canettes, et uniquement les canettes trouvées dans la nature. Si vous ramassiez une canette au bord d’une route, vous pouviez aller dans votre commune pour la rapporter, et obtenir un bon d’achat de 5 cents pour un commerce du coin (avec un quota de 200 canettes par mois par habitant, soit 10€). Autant dire qu’il fallait déjà avoir ramassé quelques canettes pour s’acheter un pain au chocolat à la boulangerie d’à côté. Vous n’en n’avez pas entendu parler ? C’est normal, cette expérience ne s’est déroulée que dans 19 des 262 communes wallonnes, et seul 1% de la population de ces communes a voulu participer (3729 personnes au total). L’expérience a toutefois permis de ramasser 2,8 millions de canettes en 2 ans. Cette expérience a pris le parti de récompenser les citoyens qui ramassent les canettes au bord des routes, plutôt que de conscientiser l’ensemble de la population à la problématique. Un mauvais choix selon nous, qui s’est confirmé dans les chiffres : plus de 60% des canettes rapportées l’ont été par seulement 10% des participants. Une expérience pilote assez mal dimensionnée, qui n’a pas répondu à la question : est-ce qu’un système de consigne aurait un impact sur la propreté publique en Wallonie ? Dommage pour un projet à plus d’1 million d’euros.

La problématique des déchets sauvages

Si l’expérience pilote s’est focalisée sur les déchets sauvages, c’est parce que c’est la raison principale pour laquelle on réfléchit à instaurer un système de consigne chez nous. En effet, 9000 tonnes de déchets sauvages sont collectées chaque année par les communes (soit 2,5 kg/hab !). Parmi ces déchets, entre 40 et 60% du volume sont des canettes ou des bouteilles en plastique.

Ce sentiment de Wallonie toujours sale, où les détritus abandonnés font tristement partie intégrante du paysage, pousse une armée de citoyens, chaque année, à enfiler leur gilet fluo et à aller ramasser les déchets qu’ils trouvent le long des routes de leurs villages. Leur discours ne change pas au cours des années : la quantité de déchets ramassée est à chaque fois stupéfiante. Et pour cause, on enregistre une augmentation de 29% de déchets sauvages entre 2013 et 2019.

Nous pensons que donner de la valeur à l’emballage via la consigne permet d’agir directement sur la quantité de bouteilles et canettes retrouvées dans la nature. On ne jette pas l’argent par les fenêtres ! C’est un moyen de ne plus faire porter l’entière responsabilité de la propreté publique sur les communes et les citoyens les plus civiques.

La consigne et le sac bleu

Nous sommes dans un système Wallon où la méthode de tri sélectif qui a été choisie est celle du sac bleu. Le sac bleu affiche des bons taux de collecte, mais est surtout performant à la maison. Ce n’est pas une solution adaptée pour la consommation nomade (ou « On the Go », pour les plus corporate d’entre nous). Or, les emballages visés par cette consigne, les bouteilles et les canettes, sont précisément désignés pour répondre aux besoins de cette consommation nomade : légers, petits, pratiques.

Notre système de sac bleu est géré par un organisme, Fost Plus, qui a pour but de concrétiser la responsabilité élargie du producteur. Les producteurs (= les entreprises qui fabriquent des boissons) et distributeurs (= les surfaces commerciales qui les vendent) d’emballages cotisent auprès de Fost Plus afin qu’elle prenne en charge le coût de gestion des déchets d’emballage qu’ils mettent sur le marché. Fost Plus se finance donc via ces « points verts » payés par les emballeurs, et par la vente des produits triés à des organismes de recyclage. Fost Plus est cependant le principal opposant à la consigne. En effet, le PET et l’aluminium visés par le projet de consigne sont les éléments les plus rentables de ce gisement de déchets. La crainte de Fost Plus est donc de voir la partie la plus intéressante de son flux détournée dans un système parallèle.

De plus, la mise en place de la consigne coûte cher, et pourrait faire concurrence et mettre à mal ce système de sacs bleus qui est performant et pour lequel des investissements importants viennent d’être faits au niveau des centres de tri, pour l’élargir à d’autres fractions plastiques.

Ce désavantage reste cependant limité si la mise en œuvre du système de consigne est faite par Fost Plus. Ainsi, il n’y aurait de parallèle que le système de collecte : un système de déconsignation plutôt que du porte à porte. La suite du processus : la collecte dans les points de déconsignation, le tri et le traitement resteraient dans les mains Fost Plus. Il n’y aura donc pas de perte de flux, juste une méthode de captation différente.

N’oublions pas que la position de Fost Plus est surtout celle de ses membres. Or, chez ces derniers, l’instauration d’une consigne fait doucement son chemin. L’Unesda, la fédération Européenne des limonadiers s’est récemment positionnée en faveur de la consigne. Ses membres ? Coca-Cola, PepsiCo, Danone, Redbull, Nestlé…

Nous plaidons pour le réutilisable

La consigne risque de demander beaucoup d’investissements, sans créer un vrai changement de comportement. C’est une autre manière de jeter, mais ça ne pousse pas à consommer moins d’emballages, ou à limiter sa consommation « on the go ».

Or, les ambitions du gouvernement, dans sa DPR, étaient de faire de la Wallonie le terreau de l’économie circulaire. Une Wallonie zéro déchet et circuit court, encourageant un autre rapport à la consommation, réduisant les déchets et les coûts qui y sont liés. En effet, le Plan Wallon des Déchets Ressources et la stratégie d’économie circulaire du gouvernement, Circular Wallonia, prévoient une diminution de 7.3 kg/hab de déchets d’emballages d’ici 2025. La réduction de nos déchets d’emballage semble être la priorité pour répondre aux défis que sont les dérèglements climatiques et l’exploitation non durable de nos ressources.

Cette réduction passe avant tout par un changement de comportement dans la consommation, par la promotion du réemploi et des contenants réutilisables. La Wallonie doit encourager les comportements responsables, via l’installation de fontaines à eau dans les espaces publiques, ou via l’obligation de contenants réutilisables dans les Take Away, à l’instar de ce qui vient d’être décidé en Allemagne. La consommation out of home ne peut plus être synonyme de plastique à usage unique.

Ce réflexe du vrac, du remplissage, du réemploi, de plus en plus de citoyens l’adoptent chaque année. 47% des foyers français font désormais une partie de leurs courses en vrac 1. La gourde en est le meilleur exemple. Anciennement réservée aux enfants et aux randonneurs, elle se hisse maintenant comme accessoire mode incontournable. 😉

La consigne nous semble être la première étape indispensable vers plus de réutilisation et sa mise en place en Wallonie devra être pensée dans cette optique. La fraction d’emballages consignés pourra alors être étendue à d’autres types, comme les emballages jus, de vin ou de produits ménagers. La consigne permettra de quitter cette notion d’emballage pour revenir à une notion de contenant. Un contenant qui aura une valeur via cette consigne, qui pourra être récupéré, relavé et rerempli. Cette logistique est déjà connue et en place pour les bouteilles en verre. Des centres de lavage communautarisés peuvent être envisagés, afin de ne pas obliger chaque producteur à débloquer un espace de production à cet effet.

Sans être LE remède miracle, c’est un vrai levier d’économie circulaire. En effet, la consigne permet de donner une valeur à l’emballage en amont, de donner une valeur à la matière. De mettre la valeur de cette matière en évidence, de la rendre à nouveau consciente. Pour sortir du cycle : j’achète, je consomme, je jette. Elle permet une responsabilisation du consommateur.

La consigne et la single use plastic directive

La SUP (single use plastic directive), lancée en 2018 par la Commission Européenne, poursuit l’objectif principal de modifier la manière dont le plastique est produit, consommé, jeté et recyclé en Europe. Parmi ses objectifs :

  • L’interdiction de toute une série de plastiques à usage unique
  • La diminution drastique des emballages plastiques à usage unique
  • Un taux de collecte de 90% des emballages plastiques d’ici 2030
  • Un taux de recyclage de 55% des emballages plastiques d’ici 2030
  • L’obligation pour les producteurs d’emballages de contribuer à la collecte et à la gestion des déchets sauvages
  • L’utilisation d’au moins 25% de plastique recyclé dans la production de bouteilles

Le taux de recyclage actuel présenté par FostPlus est de 46% pour le plastique. Mais ce taux de recyclage va diminuer d’environ 10% avec une nouvelle méthodologie de calcul imposée par l’Europe (Waste Directive). En effet, le taux de recyclage est actuellement calculé sur base de la partie collectée qui est recyclable, mais pas sur ce qui est effectivement recyclé.

Il est estimé qu’avec cette nouvelle méthode, mise en place en 2021, les états membres vont perdre environ 10% dans leur taux de recyclage du plastique 2. Il tomberait à 36%. Un gros gap pour atteindre les 55% imposés par la SUP pour 2025.

La consigne est donc une manière de se mettre en règle avec la SUP en améliorant le taux de collecte, le taux de recyclage et en poussant les producteurs à devenir responsables de la collecte et du traitement des déchets sauvages, via Fost Plus.

La consigne permet également de plus facilement rencontrer l’objectif de 25% de rPET dans la fabrication de bouteilles. Or, l’accès à une matière recyclée de haute qualité est difficile tant le marché du rPET est concurrentiel, principalement face à de grosses industries telles que l’industrie textile. Car si la consigne améliore le taux de recyclage, elle peut surtout améliorer la qualité du plastique recyclé et ainsi favoriser les usages bottle to bottle en fonctionnant plus longtemps en cycle fermé. Elle augmente aussi la garantie d’avoir in fine du PET issu à 95% de plastique alimentaire, condition pour pouvoir être réutilisé dans cette filière.

L’avis des citoyens

Selon une enquête de Test Achat, les citoyens ont répond « oui » à 74% pour la consigne sur les canettes et les bouteilles PET. Le débat sur la consigne était plus épineux qu’il n’en a l’air, principalement pour des aspects de financement (qui va payer sa mise en place, les petits magasins auront-ils les épaules assez solides pour payer l’installation d’une machine dans leur magasin, …). Il est évident que quand nous disons « oui » à la consigne lors d’un sondage, c’est sans avoir conscience de tous les détails de financement. Mais ce que le citoyen dit, c’est « oui, je suis d’accord de changer mes habitudes, de rajouter un bac de tri dans ma cuisine, de penser à prendre mon bac pour aller le déconsigner, de ne pas perdre mon bon d’échange,… ». En gros, « oui, je suis d’accord de me compliquer un peu la vie pour que mon environnement soit plus propre et donc améliorer mon cadre de vie, pour être sûr qu’une plus grande proportion de mes emballages de boissons soient captés par le système, pour être sûr qu’une plus grande partie des matériaux qu’ils contiennent soient recyclés et remis sur le marché ». Tous les arguments visant à dire que c’est contraignant, que les gens ne vont pas jouer le jeu, que changer les habitudes c’est compliqué ne sont pas réalistes, puisque c’est certainement l’aspect majeur que les gens ont en tête quand ils répondent oui à 74% à l’instauration d’un système de consigne en Wallonie. Ce qui est le bienvenu pour un système comme la consigne où le bon fonctionnement dépend essentiellement de la volonté du consommateur à jouer le jeu et rapporter ses emballages aux points de collecte.

Bilan

La consigne n’est pas :

  • Un frein à la consommation OOH, à un changement de comportement, qui doit être encouragé par la Wallonie
  • Facile à mettre en place. Sa mise en place coûte cher, chaque magasin va devoir s’équiper d’une nouvelle machine et les systèmes de collecte et de tri actuels vont devoir s’adapter.
  • Une solution miracle au problème des déchets sauvages. D’autres mesures ciblant d’autres déchets doivent être envisagées, en parallèle avec le nouveau décret sur les infractions environnementales.

La consigne est :

  • Positive pour l’environnement, le paysage et les écosystèmes
  • Nécessaire pour s’aligner avec les objectifs de la SUP
  • Cohérente avec l’engagement de la Région dans l’économie circulaire, le zéro déchet
  • Indispensable pour le développement futur de filières réutilisables
  • Une solution ciblée au problème des déchets sauvages
  • Soutenue et demandée par le citoyen
  • Une étape pour redonner de la valeur à la matière, et reconscientiser  à la problèmatique des emballages
  • D’impact limité sur les systèmes de collectes existant, pour peu qu’elle y soit associée
  • Demandée par les communes, qui sont aujourd’hui les gestionnaires de la propreté publique
  • En vigueur dans bientôt 3 des 4 pays frontaliers de la Wallonie, et nous avons intéret à nous montrer favorables à une mise en place harmonisée de ce système sur le BénéLux.

Alors, c’est où qu’on signe ?

Pour plus d’infos à ce sujet :

  • Recycling Netwerk Benelux est The Asso qui suit le dossier depuis longtemps. Actifs également aux Pays-Bas où la consigne existe, ils peuvent facilement comparer les deux contextes. Particulièrement, ce texte, qui détaille les arguments anti-consigne et les réponses qu’on peut leur apporter.
  • L’Alliance pour la Consigne, qui plaide pour l’instauration de la consigne en Belgique. 65% des communes Flamandes et 53% des communes Wallonnes ont rejoint l’alliance pour la consigne.

*Elu meilleur jeu de mot de 2022 par l’Office Wallon du Fun

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  1. Kantar – panel Worldpanel Perspectives 2019
  2. Circular Economy Study, Plastic Europe, 2019