A l’occasion de la Foire Agricole de Libramont, fin juillet, Inter-Envionnement Wallonie, la Fédération Wallonne de l’Agriculture, l’Union des Villes et des Communes de Wallonie, Natagora, la Société Royale Forestière de Belgique, Nature, Terre et Forêts – Propriétaires de Wallonie ont cosigné une « Lettre ouverte au Gouvernement wallon ». Dans cet appel intitulé « De l’obligation de réussir Natura 2000 », les associations interpellent les autorités wallonnes sur les objectifs et les moyens à déployer pour réussir Natura 2000 et insistent particulièrement sur le rôle transversal que le gouvernement doit jouer dans ce dossier.
Nous vous livrons l’intégralité de cette interpellation associative.
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Agriculteurs, forestiers, pouvoirs locaux, propriétaires, utilisateurs et défenseurs de la nature, nous sommes très préoccupés par l’évolution du projet Natura 2000 et sa concrétisation pratique sur le territoire wallon. La réussite de ce projet est pourtant fondamentale si on veut préserver la biodiversité en Wallonie.
Face au constat de régression de la biodiversité au sein de l’Union européenne, le projet Natura 2000 a pour ambition de créer un réseau de sites gérés avec les acteurs de terrain en vue de maintenir et/ou de restaurer les populations d’espèces et la qualité des habitats les plus sensibles du patrimoine naturel européen. En Wallonie, 13 % du territoire, répartis en 241 sites, sont concernés par cet ambitieux projet ! Une ambition qui se mesure tant à l’aune des surfaces concernées qu’aux moyens envisagés pour y répondre. A cet effet, l’Europe invite les Etats membres à mettre en place les dispositions nécessaires et les financements appropriés en mobilisant notamment les fonds européens de manière transversale pour réussir Natura 2000. Il est essentiel d’assurer un financement viable et responsable pour les acteurs de terrains devant appliquer les mesures de gestion Natura 2000. Dans le cas contraire, les objectifs de la Directive risquent d’être difficilement atteignables, ce qui pourrait amener la Commission à prendre des mesures contraignantes.
Depuis le début des années 90, la stratégie des divers gouvernements wallons a été trop souvent réactive dans la gestion de ce dossier. Nous en sommes néanmoins arrivés aujourd’hui à une étape essentielle: la mise en oeuvre pratique du réseau Natura 2000 sur le terrain. Tout doit être mis en oeuvre pour réussir cette étape cruciale: sensibilisation, appropriation des objectifs Natura 2000 par les acteurs de terrain et financement adéquat. Malheureusement, l’a priori positif que dégageait l’idée de cet ambitieux réseau transeuropéen de protection de la biodiversité est en train de s’étioler en Région wallonne tant l’encadrement et les réponses en termes de budgets disponibles ou prévisibles font défaut.
Suite à la désignation des sites et à leur cartographie, l’Administration a réalisé un important travail dans les domaines juridique et scientifique. Un travail qui visait à remplir les obligations découlant de la Directive mais qui, lors des premières concertations organisées par le Ministre Lutgen, s’est révélé inapproprié pour les acteurs concernés face à un tel projet de société. Nos associations ont en effet constaté que si la qualité scientifique et juridique des travaux était réelle, l’approche retenue, essentiellement coercitive, risquait d’être contre-productive. Des domaines pourtant essentiels à la réussite du projet étaient à ce stade absents des réflexions; il s’agit, d’une part, d’une analyse socio-économique des mesures envisagées et, d’autre part, des moyens indispensables à mettre en oeuvre pour s’assurer de la participation des gestionnaires des milieux naturels concernés. Il est effectivement primordial que ces gestionnaires, qu’ils soient propriétaires, agriculteurs, pouvoirs locaux ou forestiers mais aussi chasseurs, pêcheurs ou autres utilisateurs de la nature, adhèrent au projet et à ses enjeux.
A ce stade, les moyens consacrés à ces deux éléments, essentiels à nos yeux à la réussite du projet, sont totalement insuffisants voire inexistants.
Partageant le point de vue des associations partenaires, Monsieur le Ministre Lutgen leur a confié le soin de réexaminer l’ensemble des mesures proposées. Il faut d’ailleurs se féliciter de cette ouverture franche vers la concertation multi-partenariale; l’objectif étant ici de s’assurer de l’adhésion au projet de tous les acteurs du milieu rural.
Depuis plusieurs mois, cet énorme travail est en cours et livre des résultats essentiels, tant dans l’amélioration des mesures proposées allant vers une meilleure adaptation aux réalités du terrain que dans le respect et la compréhension réciproque des acteurs réunis autour de la table et dont les priorités étaient au départ divergentes. Ces travaux ne peuvent cependant se poursuivre efficacement si des réponses structurantes ne sont pas données rapidement par le Gouvernement sur les questions essentielles évoquées ci-dessus.
Ce projet européen d’une ampleur inégalée en matière de biodiversité a un impact sur de nombreuses activités et sur notre cadre de vie, mais il est aussi susceptible de faire émerger de réelles opportunités pour le développement de la ruralité. Les réponses aux questions des associations, si elles sont partiellement dans les mains du Ministre Lutgen, se trouvent également, comme le rappelle d’ailleurs la Commission européenne, de façon très transversale, dans les compétences des autres ministres de notre Gouvernement. La réussite de Natura 2000 doit passer par une prise de conscience de l’ensemble du Gouvernement de la juste valeur des enjeux de Natura 2000.
Au travers de ce courrier, nous tenons à interpeller l’ensemble des membres du Gouvernement wallon, sur l’ampleur des objectifs poursuivis par Natura 2000 et sur leur importance pour l’ensemble de la société wallonne. Il est nécessaire, dès lors, qu’au niveau du Gouvernement wallon, une réponse claire soit donnée sur la disponibilité ou la recherche volontariste des moyens indispensables pour assurer le succès de ce projet.
Nous comptons sur votre engagement à intégrer Natura 2000 dans les domaines relevant de vos compétences et dans un projet collectif du Gouvernement.