Le Gouvernement wallon a lancé ces derniers mois un travail visant à aboutir à une Stratégie wallonne pour la rénovation énergétique des bâtiments 2050. Pour l’aider dans sa réflexion, tour d’horizon des grands enjeux du secteur du logement.
Un logement wallon énergivore
Le logement wallon demeure mal isolé, trop peu rénové (le certificat PEB moyen d’un logement wallon est F sur une échelle allant de A++ à G !), ancien (40% date d’avant 1919 !), et étalé sur le territoire. Il est, pour toutes ces raisons, extrêmement énergivore.
Le logement proprement dit (la consommation d’électricité et de chaleur de nos habitations) représentait 34 TWh sur les 129 TWh que nous consommions dans la région en 2013 (soit un bon tiers).
Ce chiffre important ne tient en outre pas compte du transport qu’occasionne un logement particulièrement étalé sur le territoire et qu’il faudrait donc inclure dans les consommations énergétiques du secteur logement. In fine, il ne serait donc pas exagéré d’attribuer au logement une petite moitié de notre consommation énergétique…
Changer et améliorer la manière de se loger doit donc être au cœur de toute politique environnementale qui se respecte. Il faut urgemment baisser la consommation d’énergie du secteur, mais aussi regarder sa consommation d’espace, de ressources et ses implications en terme de biodiversité notamment.
Des politiques wallonnes encore insuffisantes
Au fur et à mesure des années, les gouvernements wallons se sont attelés de bonne grâce ou de force (dans le cadre des législations européennes) à mettre en œuvre différents outils, plans, mécanismes de soutien.
Le plus connu est l’alliance emploi-environnement qui regroupe un paquet de mesures visant à accélérer la rénovation du logement wallon. C’est de cette alliance que découle la plupart des primes et des prêts à taux préférentiels (eco/renopack, différentes primes pour les châssis, l’isolation toit/mur…).
Mais force est de constater que ce volontarisme politique a jusqu’ici manqué son objectif, ou en tous cas ne l’a pas atteint d’une manière suffisante par rapport à l’enjeu. Pour s’en convaincre regardons l’évolution de la consommation attribuée au secteur du logement (figure ci-dessous).
Grosso modo, le secteur consomme autant d’énergie qu’en 1990. Et encore, comme nous l’avons déjà mentionné dans cet article, ces chiffres ne tiennent pas compte de l’augmentation de l’utilisation de la voiture individuelle due à l’éparpillement de l’habitat qu’il ne nous est pas possible de quantifier et qui devrait selon nous être ajoutée dans le graphique.
Un secteur au cœur de l’enjeu climatique
Sans diminution drastique de la consommation d’énergie du secteur du logement, il n’y aura pas de société décarbonnée.
Pour s’en persuader, regardons par exemple les scénarios développés par le centre de recherche Climact. Pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 80% en 2050 en Wallonie (ce qui serait insuffisant pour éviter les impacts les plus graves des changements climatiques), ils préconisent une baisse de la consommation d’énergie du secteur logement de 20-40% à cette échéance.
Cette diminution devrait en outre s’accompagner d’une électrification de la chaleur «résiduelle», c’est-à-dire la chaleur restant à produire malgré une meilleure isolation du parc de logements.
Cette baisse importante de la consommation d’énergie devra s’opérer alors que plusieurs variables déterminantes pousseront simultanément à son augmentation.
Notamment le nombre de ménages wallons est supposé exploser d’ici à 2050, du fait d’une augmentation de la population alliée à la diminution de la taille des ménages (liées à l’effet du vieillissement et à une modification des structures familiales).
4 axes de travail pour une politique du logement soutenable
Dans ces conditions, IEW entend apporter sa pierre au débat en cours. Nous voulons surtout rappeler que répondre au défi du logement doit aller bien au-delà d’une simple stratégie de rénovation.
C’est d’une approche intégrée que nous avons besoin si nous sommes sérieux dans notre volonté de limiter drastiquement notre impact sur le climat (et sur l’environnement en général).
Notre approche se décline en 4 axes de travail :
1/ Améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments
Le taux de rénovation des bâtiments wallons demeure trop bas. Il y a une demande de permis d’urbanisme pour des transformations dans 1% des logements chaque année. A ce rythme là, il faudrait donc 100 ans pour rénover l’ensemble du parc ou pour effectuer une destruction/reconstruction, plus intéressante dans certains cas (selon le coût ou l’intérêt architectural du bâti notamment.). Il faut donc accélérer la cadence ! Mais comment ?
Le gouvernement wallon est en train de développer une stratégie rénovation qui devrait être discutée dans les prochaines semaines. Nous reviendrons donc sur ce point quand les propositions gouvernementales seront sur la table.
2/ Promouvoir une chaleur renouvelable
Pour une part, c’est la biomasse qui assurera le chauffage résidentiel, le reste devant être couvert par du chauffage électrifié (des pompes à chaleur par exemple). En effet, dans un logement bien isolé, électrifier le chauffage « résiduel » – c’est-à-dire les besoins en chauffage restant malgré l’isolation – devient une solution optimale.
En attendant, des propositions comme celle avancée par le cluster tweed qui vise à développer le chauffage au bois hautement efficace en Wallonie méritent sans nul doute d’être analysée par le Gouvernement. A condition bien sûr de s’assurer que c’est bien une filière bois locale et durable qui approvisionne les ménages wallons…
Cet aspect sera également traité par le Gouvernement wallon dans sa stratégie chaleur. Nous restons donc vigilants quant aux propositions qui seront avancées.
3/ Développer un logement flexible et adapté
Développer un logement flexible et adapté est un axe plus difficile que les deux précédents mais est tout-à-fait nécessaire dans le cadre d’une politique de logement efficace.
On s’inscrit ici dans une politique qui vise à modifier les comportements des citoyens wallons. La difficulté réside dans le fait que ce type de politique doit être pensé et mis en place aujourd’hui pour produire ses effets sur le long terme.
Le logement wallon semble de plus en plus en inadéquation avec les besoins de la population. Le logement en Belgique demeure caractérisé par une part importante de maisons individuelles dites unifamiliales dont une grande partie constituées des fameuses 4 façades emblématiques de notre habitat (pratiquement 1/3 des logements wallons).
A contrario, les appartements ne représentent qu’une vingtaine de pourcents de l’ensemble du parc des logements, là ou il couvre jusque 70% du parc dans d’autre pays européens comme l’Espagne (voir graphe ci dessous).
Or, la structure sociale et familiale de la société wallonne est en mutation. L’offre de logement semble étonnamment peu en adéquation avec la nouvelle donne sociale (population vieillissante et donc sans enfant, familles recomposées…).
A cela s’ajoute un manque de flexibilité qui fait que les belges ont tendance à rester dans un même logement quelque soit l’étape de leur vie (quand les enfants sont partis, après un divorce…).
Nous ne remettons pas en cause ici le droit de chacun à choisir son logement, mais le fait que la fiscalité ou les autres leviers comportementaux incitent aujourd’hui à rester dans un même logement.
Car, in fine, les maisons unifamiliales sont rarement occupées par des familles et la surface de logement occupée par habitant, déjà très importante dans notre pays, l’est de plus en plus.
Encore une fois, les choses changent, la proportion d’appartements augmente depuis plusieurs années en Wallonie. Mais cette évolution est trop lente par rapport à l’évolution de la société.
D’un point de vue environnemental, c’est d’une révolution copernicienne dont nous avons besoin et elle devrait être réfléchie dès aujourd’hui par le Gouvernement wallon.
4/ Stopper l’éparpillement de l’habitat
Inter-Environnement Wallonie rappelle fréquemment l’importance de reconcentrer l’habitat comme dans cet article d’octobre 2016. C’est sans doute LA priorité environnementale absolue en Wallonie parce que de l’aménagement du territoire va découler notre consommation dans les secteurs du logement mais aussi de l’énergie.
Pour vous en convaincre, je vous renvoie à la lecture des articles de mes collègues en mobilité et aménagement du territoire. Nous nous limiterons ici à souligner à quel point il est crucial qu’une stratégie « logement », telle que celle qui sera développée par le gouvernement wallon, intègre une approche trans-sectorielle.
En effet, le résidentiel et le transport sont particulièrement liés. Il ne servirait à rien de construire des maisons passives, si elles sont uniquement atteignables en voiture individuelle et loin des bassins d’emplois !
Quel logement en 2050 ?
Les projets du gouvernement wallon de développer une stratégie à long terme sont une bonne nouvelle. Mais cette stratégie doit aller au-delà d’une simple politique de rénovation des bâtiments.
Pour relever le défi environnemental, notre logement devra non seulement être bien isolé mais aussi concentré, adapté et flexible.