Dans l’introduction de sa note de politique générale, le Ministre Di Antonio a tenu à souligner que « contrairement à ce que certains pourraient penser, l’environnement, l’aménagement du territoire et même le bien-être animal doivent être considérés comme des politiques accélérant le développement économique, et non pas comme des éléments freinants ». Et si d’aucuns en doutaient, le secteur des déchets est un domaine où les opportunités de concilier enjeux environnementaux et développement économique sont nombreuses. Ceci repose notamment sur un changement de paradigme : considérer les déchets comme des ressources…
Parmi les chantiers du Ministre de l’Environnement en 2016, le retour tant attendu d’un mastodonte : le Plan Wallon des Déchets (PWD). Le précédent datant de 1998 avait pour horizon l’année 2010. La date de péremption est largement dépassée ! Ce plan est pourtant une obligation européenne découlant de la directive cadre déchets (2008/98/CE). Annoncé sous la précédente législature, le Ministre Henry avait initié une série d’études et des consultations auprès de stakeholders. Le projet de plan n’avait pourtant pas abouti. L’ampleur des documents préparatoires préfigurait un document indigeste, peu appropriables par les parties prenantes et n’aurait pour avantage que celui d’alimenter les incinérateurs. Nous voici 5 ans plus tard et cette fois, le PWD semble poindre à l’horizon puisque son adoption est planifiée pour 2016.
Depuis 2010, beaucoup de choses ont évolué dans le secteur. Si l’échelle de Lansink[[Norme établie pour la gestion des déchets reposant sur la hiérarchie suivante : prévention, réutilisation, recyclage, valorisation énergétique, élimination]] pouvait être considérée comme un beau principe, nombreux sont ceux qui à présent perçoivent les opportunités de développement de filières que ce principe recèle. Rappelons toutefois qu’avant de créer les filières de valorisation de déchets, le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas ! IEW sera particulièrement vigilante sur le volet « prévention » du nouveau plan. Car si le belge peut s’enorgueillir d’être un bon élève en matière de tri, la quantité de déchets produits par habitant (poubelle tout-venant et déchets triés et collectés sélectivement) ne diminue pas, avec une moyenne de 460 kg/hab en 2012 alors que le PWD visait 383 Kg/hab à l’horizon 2010.
Les axes de travail ne manquent pas pour activer le volet « prévention » : lutte contre le gaspillage alimentaire, réhabilitation des gueules cassées, lutte contre le suremballage, contrôle de la publicité… Le Gouvernement wallon n’a d’ailleurs pas attendu la sortie du PWD pour lancer quelques initiatives. En juillet dernier, les Ministre Collin, Prévot et Di Antonio présentaient un programme 17 mesures contre les pertes et les gaspillages alimentaires. Des modifications du Code wallon des Déchets sont également en discussion en vue de limiter la distribution des pub et journaux publicitaires ou encore d’interdire la mise sous film plastique de certaines publications ; ceci posant des problèmes lors du recyclage des papiers. Un plan wallon des déchets reste néanmoins indispensable pour fixer des objectifs et des indicateurs de progression vers une réduction significative des quantités de déchets à laquelle ces différentes initiatives peuvent concourir.
Outre la partie prévention, le nouveau PWD comportera un volet gestion des déchets ménagers et un troisième consacré aux déchets industriels. En matière de gestion de déchets, le Ministre Di Antonio annonce qu’il va « examiner les possibilités pratiques de mettre en œuvre la consigne sur les petits conditionnements de boisson, ou tout autre système arrivant aux mêmes objectifs ». Si on comprend la volonté de travailler de concert avec les autres régions du pays et d’avancer parallèlement avec la Commission européenne sur ce sujet, il est grand temps de mettre en œuvre cette mesure qui contribuera certes à améliorer l’état de l’espace public wallon en réduisant les abandons sauvages des contenants concernés mais qui présente aussi d’autres attraits : elle constituera également une plus-value pour l’économie régionale. Une étude réalisée en 2010 par « Friends of the Earth Europe » a en effet démontré qu’une tonne de déchets recyclés générait 5 à 10 fois plus d’emplois qu’une tonne de déchets incinérés !
Signalons encore une volonté de rationalisation des outils de gestion et de traitements des déchets avec une stratégie de subsidiation des infrastructures qui devrait orienter davantage les flux vers le réemploi et le recyclage. Des filières qui peuvent profiter au secteur de l’économie sociale qui doit aujourd’hui être considéré comme un interlocuteur incontournable. Espérons que cette refonte de la subsidiation des outils ne sera pas ébranlée par le lobby des acteurs des déchets et intercommunales qui veulent rentabiliser leurs outils qui ne rencontrent pas toujours l’optimum économique et environnemental.
Par ailleurs, on distingue déjà une trame qui quadriera le futur plan. Celle de l’économie circulaire. Demain le déchet ne sera plus quelque chose dont on doit se débarrasser mais bien une matière première qui entrera dans une chaîne de valeur. De nouvelles filières de collecte et de recyclage émergent déjà alors que le monde prend conscience des « mines d’or » qui se trouvent dans nos poubelles. Un des challenges sera de capter les flux et de faciliter la rencontre entre producteurs de « déchets » et leurs nouveaux utilisateurs, et ce de préférence avec une approche territoriale pour travailler en circuits courts.
Espérons que les ambitions wallonnes en matière d’économie circulaire seront plus élevées que celles affichées par la Commission européenne qui vient de présenter son paquet Economie circulaire aux objectifs moins ambitieux que ce qui était dans les cartons. Pour rappel, le paquet Economie circulaire préparé sous la précédente Commission était passé à la trappe par la Commission Juncker sous prétexte de le remanier et le rendre « plus ambitieux » et de « mieux légiférer »… Le lobby industriel n’y était pas étranger. La première version du paquet proposait un objectif de recyclage des déchets ménagers de 70% et un maximum de 5% de mise en décharge des déchets réutilisables ou récupérables. Elle visait également une réduction du gaspillage alimentaire de 30% entre 2017 et 2025 et proposait également un objectif indicatif d’efficacité dans l’utilisation des ressources. Ce paquet aurait permis, selon estimations, de créer deux millions d’emplois et d’épargner 600 milliards d’euros. Force est de constater que la nouvelle mouture présentée ce 2 décembre est nettement moins ambitieuse : 65% de recyclage des déchets ménagers, 10% de déchets réutilisables autorisés en décharge, pas d’objectif sur le gaspillage alimentaire ni l’efficacité des ressource… Un beau gâchis de ressources, d’argent du contribuable et d’opportunité d’emplois ! Le groupe de réflexion Green Alliance a estimé qu’en ne déployant pas pleinement les différents pans de l’économie circulaire, l’UE se prive de la création nette de 270 000 emplois et d’une économie de 3 milliards d’euros par an … Apparemment il y en a encore qui ne peuvent croire qu’amélioration de l’environnement et développement économique peuvent converger. Gageons que les wallons ne seront pas si incrédules !