« Prix du sillon » ou quand le diable se cache dans les détails… (épisode 2)

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Il y a un mois, je vous présentais la redevance d’utilisation perçue par Infrabel en échange des services qu’elle met à disposition de la SNCB (et d’autres entreprises ferroviaires) pour faire circuler ses trains. Cette redevance se compose, pour le transport de voyageurs, de trois postes : la redevance sillon-ligne, la redevance sillon-installation et les frais administratifs d’introduction de chaque demande . Elle s’articule aussi, au sein des revenus totaux d’Infrabel, avec les dotations de l’Etat, dans un équilibre délicat conditionné notamment par les règles comptables européennes. Mais l’Europe va bientôt changer la donne, justement. Une opportunité pour revoir la formule des redevances perçues par Infrabel et, peut-être, remettre à plat cet outil de régulation du système ferroviaire en lui assignant des objectifs politiques (plus) assumés ?

L’enjeu est de taille : trouver un modèle économique qui favorise l’amélioration de l’offre, les initiatives « commerciales » (toujours au service du client, actuel ou potentiel) et qui ne pénalise pas les lignes et services de desserte locale (L). Tels sont, selon nous, les objectifs sous-jacents que doit poursuivre la réforme de cette redevance d’utilisation.
A l’heure où l’Europe nous enjoint de revoir le mécanisme des redevances, à l’heure aussi où la SNCB crie haut et fort qu’elle paie les redevances les plus élevées d’Europe de l’ouest, à l’heure enfin où s’écrivent peut-être les premières lignes des nouveaux contrats de gestion qui lieront respectivement Infrabel et la SNCB à l’Etat belge pour les prochaines années, nous souhaitons poursuivre la réflexion et formuler des pistes d’amélioration. Celles-ci sont à prendre avec toutes les précautions nécessaires : l’équilibre subtil du système présenté et la complexité de la matière impose en effet une certaine modestie quant à la formulation de mesures d’amélioration.

Un moment clé : la révision de la directive européenne

Actuellement, nous avons vu que la couverture des frais d’exploitation des gestionnaires d’infrastructure de chaque pays s’obtient par la combinaison de la redevance d’utilisation et de dotations de l’Etat. La part entre les subsides et la redevance d’utilisation diffère fortement d’un pays à l’autre, nous y reviendrons.
Dans le cadre du 4e paquet ferroviaire, la directive 2012/34/EC – qui est une clarification de la directive 2001/14/EC – prévoit que la Commission européenne détermine, pour le 16 juin 2015, les modalités pour :

 fixer les coûts issus de l’exploitation directe de l’infrastructure (coûts dits « directs »)[[Ceux-ci sont réclamés par demande et non par sillon-jour. Ex : si la SNCB commande un même sillon pour 365 jours, elle ne paiera qu’une fois les frais administratifs demandés.]] ;

 appliquer des mesures d’exécution visant à différencier la redevance d’utilisation via certains « mark-ups », notamment pour encourager l’implémentation du système de sécurité ETCS[[European Train Control System : Système européen de contrôle et de commande. .]]

La logique du texte de la directive est donc que la redevance peut être constituée de deux parties : l’une, obligatoire, représentant le coût directement imputable au service de train (par exemple, l’usure des voies), l’autre, optionnelle, fonctionnant comme une majoration sur certains segments du marché ayant une capacité à payer supérieure. Ceux-ci pourraient, par exemple, varier selon que le train transporte des voyageurs ou bien des marchandises, qu’il est à grande vitesse ou non, qu’il fonctionne en convoi complet ou bien en trafic diffus, etc.

Sur base de cette orientation double (coûts directs + mark-ups), Infrabel aura un an (jusqu’en juin 2016) pour soumettre sa formule de coûts directs retravaillée au régulateur. Le gestionnaire d’infrastructure devra également faire approuver par arrêté royal sa proposition de mark-ups.

En décembre 2017, l’ensemble de la nouvelle formule devra être publié dans le document de référence du réseau, mark-ups compris, le tout sera mis en œuvre dès janvier 2019.

Notons que la détermination de la nouvelle structure de la redevance d’utilisation, et donc aussi le montant global estimé des recettes que celle-ci apportera au gestionnaire d’infrastructure, permettra de déterminer la hauteur nécessaire de la dotation étatique, qui figurera dans le contrat de gestion – qui doit être modifié depuis 2012.

Coûts directs ?

L’Europe définira donc ce qu’elle entend par « coûts directs », mais sans fixer la formule précise de la redevance. En attendant le signal européen, Infrabel s’affaire à réaliser un inventaire de ses coûts actuels et à étudier les différents paramètres tarifaires.
Que comprendront ces coûts directs ? Il est évidemment prématuré de le dire, mais ces coûts devraient représenter les éléments qui varient selon le niveau de trafic. C’est-à-dire une partie de l’usure, de l’entretien, et du renouvellement des composantes du réseau (voies, appareils de voie, caténaires, etc.), une partie du personnel roulant (mais pas celui du traffic control), etc. Les frais généraux et une partie du renouvellement (par exemple la signalisation, indépendante du volume de trafic) ne seraient donc pas inclus. Dans un système où les coûts fixes sont importants comme c’est le cas ici, les coûts directs ne représenteront donc qu’une partie des coûts de fonctionnement du système.

Quel montant ?

Actuellement, nous avons vu que le prix du sillon voyageurs (hors grande vitesse) équivaut grosso modo à 7€/train-km, alors que le sillon fret s’élève à environ 2€/train-km[[http://iew.be/spip.php?article7068]] . Selon certains experts, les coûts directs de circulation d’un train – qui ne représentent donc pas l’ensemble des coûts de fonctionnement d’un système mais uniquement la partie variable imputable à la charge de trafic – représenteraient environ 2€ – 2,50€/train-km[[Voir étude universitaire du programme européen CATRIN – Cost Allocation Transport Infrastructure cost : http://www.transport-research.info/Upload/Documents/201210/20121031_161818_54329_Catrin_D1_140308-final.pdf]] , soit quasiment le montant actuellement facturé du sillon marchandises. Pour les voyageurs, cependant, une marge existe, entre ce montant estimé et les 7€ actuellement facturés au train-km. Cette marge est une opportunité pour orienter l’économie du système ferroviaire dans le sens (politique) souhaité, nous y reviendrons.

Pourquoi la SNCB veut payer moins cher sa redevance ?

Ces dernières semaines, Jo Cornu, CEO de la SNCB, clame à qui veut l’entendre que l’opérateur historique paie cher et vilain sa redevance d’utilisation à Infrabel. A grands renforts de comparaisons internationales, il entend ainsi faire pression pour voir celle-ci réduite dans les prochains contrats de gestion.
La redevance d’utilisation pèse en effet relativement lourd dans l’ensemble des coûts d’exploitation de la SNCB. Selon le type de train, elle varie entre 30% et 40% du coût total.

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Structure des coûts d’exploitation par type de train. Source : SPW, Etude de potentiel et de faisabilité d’une offre ferroviaire urbaine dans les agglomérations de Liège et Charleroi, 2013.

Le choix politique de faire payer des redevances élevées à l’opérateur a été fait en 2005, lors de la scission de la SNCB unitaire, moment où le montant total des redevances a été multiplié par deux, pour atteindre environ 600 millions € par an. Ce choix a permis à l’Etat belge de financer relativement peu Infrabel via une dotation d’exploitation limitée et des niveaux de revenus propres (via la redevance) qui permettent au budget du gestionnaire d’infrastructure d’être déconsolidé des comptes de l’Etat en maintenant une dotation étatique sous la barre des 50% des revenus totaux d’Infrabel[Voir notre [précédente nIEWs sur le sujet.]]). En contrepartie, la dotation de l’Etat perçue par la SNCB a été sensiblement augmentée, pour permettre à l’opérateur de payer son tribut au gestionnaire d’infrastructure.

Si la SNCB paie donc une redevance d’utilisation élevée à Infrabel, il faut rappeler qu’elle reçoit une dotation d’exploitation en conséquence. Ce choix a également comme effet de « protéger », d’une certaine façon, la SNCB de la concurrence d’autres opérateurs qui ne seraient pas facilement en capacité de payer des redevances sillons aussi élevées. Notons aussi que le prix du sillon n’a pas augmenté en Belgique depuis 2006, hors indexation annuelle, alors que le prix des titres de transport a, lui, augmenté. En outre, la SNCB a vu ses recettes usagers augmenter ces dernières années grâce à l’augmentation de la fréquentation du réseau (Voy.Km), et bien peu des Tr.Km (et donc des sillons), grâce à un meilleur remplissage des trains (voir les rapports annuels dela SNCB).

Comparativement aux voyageurs, le niveau des redevances payées par les opérateurs de trafic fret en Belgique est bas, ce qui constitue, là aussi, un choix politique : celui d’un soutien au trafic de marchandises par rail.

Et comment fait-on ailleurs ?

Si l’on cherche à comparer le niveau des redevances perçues par Infrabel avec celles perçues par les gestionnaires d’infrastructure étrangers, il faut donc prendre un certain nombre d’éléments en considération :

 certains d’ordre externe : le choix politique de subsidier davantage soit l’opérateur, soit le gestionnaire d’infrastructure ; le niveau de la dotation étatique vs le niveau de la redevance dans l’équilibre budgétaire global ; la consolidation ou non des comptes dans le budget de l’Etat ; etc. ;

 d’autres propres à la formulaire tarifaire en tant que telle : la composition des différents paramètres de la redevance, notamment des coûts directs ; le caractère fixe ou variable de ces paramètres ; le prix moyen du sillon ; etc.
Autant dire que l’exercice est périlleux ! Ces précautions étant formulées, nous nous limiterons pour l’heure à présenter très sommairement le prix moyen des redevances-sillons dans les différents pays européens.

Comme l’affirme la SNCB, la Belgique a la redevance d’utilisation la plus élevée en ce qui concerne les voyageurs, ce qui est confirmé par les benchmarks internationaux. Cette redevance est comparativement beaucoup plus importante pour les voyageurs que pour le fret pour le cas belge.

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Montant moyen de la redevance d’utilisation du réseau en 2011. Source : IRG-Rail, Annual market monitoring report, février 2013, p. 13.

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Partage de la redevance d’utilisation du réseau entre transport de voyageurs (en bleu ciel) et transport de marchandises (en bleu foncé), en 2011. Source : IRG-Rail, Annual market monitoring report, février 2013, p. 13.

Pistes pour une réforme de la redevance d’utilisation

« Tout a été fait pour décourager la SNCB de développer son offre »[[Belga, « Pour la SNCB et Infrabel, chaque voyageur quotidien coûte 6.900€ par an », 31 mars 2015.]], affirme Jo Cornu. Malgré une dotation d’exploitation relativement élevée, qui permet à la SNCB de financer les redevances – élevées elles aussi – à payer au gestionnaire d’infrastructure, nous ne pouvons pas donner tort au CEO de l’opérateur historique. En effet, si ce raisonnement comporte certaines limites du point de vue de l’ensemble du système ferroviaire – la redevance finance elle aussi le système, bien au-delà du coût marginal de chaque train supplémentaire – il tient la route pour la SNCB.
Comment faire dès lors que les cartes seront désormais rebattues ? N’est-ce pas une opportunité pour repenser l’ensemble de l’économie du système sur des bases choisies et assumées politiquement, sur des fondements qui permettraient sans doute à l’opérateur de résoudre de façon structurelle son problème d’endettement à répétition, d’être incité à développer une offre de qualité et des services nouveaux, à être davantage à l’écoute de ses clients, mais aussi au gestionnaire d’infrastructure de bénéficier des moyens suffisants pour proposer un réseau performant et renouvelé ?
Parmi les pistes que l’on pourrait envisager pour cette réforme de la redevance d’utilisation, trois scénarios nous paraissent imaginables :

Scénario 1 : Une réforme en profondeur de l’équilibre redevance d’utilisation – dotation publique entre gestionnaire d’infrastructure et opérateur, en sus d’une réforme des paramètres tarifaires et mark-ups

Dans ce scénario, la redevance d’utilisation serait sensiblement réduite. En contrepartie, l’Etat subventionnerait davantage le gestionnaire d’infrastructure et moins l’opérateur, avec un jeu à somme nulle pour l’autorité subsidiante (toutes choses égales par ailleurs), seulement un transfert financier différent. Ce modèle s’inspire des systèmes hollandais ou suisse et a tendance à favoriser l’ouverture du marché (moins de freins à l’entrée) et l’initiative commerciale (car la part des recettes de billets augmente dans le bilan financier de l’opérateur).
Avantages : soutien au développement de l’offre, à la multiplication et à la qualité des services commerciaux, écoute accrue des desiderata de la clientèle finale. Jeu à somme nulle pour l’Etat qui transfère « simplement » l’essentiel de sa dotation d’un acteur (l’opérateur) à un autre (le gestionnaire d’infrastructure). Selon la révision envisagée des paramètres tarifaires et l’introduction de mark-ups, il est possible d’adapter la formule de la redevance pour la faire coller à certains objectifs politiques (voir plus loin).

Inconvénients : ce scénario semble peu probable politiquement à court terme, dû à l’intégration de la dette d’Infrabel (héritée de la SNCB-Holding) dans le giron budgétaire de l’Etat, en sus de la dette de la SNCB. Toutefois, au vu des exigences de plus en plus pointues de l’Union européenne sur les règles comptables, il est probable qu’un jour ou l’autre, la dotation publique dans les revenus globaux du gestionnaire d’infrastructure soit considérée comme une dépense publique en bonne et due forme à intégrer dans le périmètre budgétaire étatique, quel que soit son poids relatif dans le budget.

Scénario deux : Une réforme de la hauteur de la redevance ainsi que des paramètres tarifaires et mark-ups

Ce deuxième scénario inclut l’idée d’une diminution de la hauteur de la redevance (un prix des sillons plus faible en moyenne), mais sans revoir fondamentalement la répartition des dotations étatiques entre gestionnaire d’infrastructure et opérateur ferroviaire. L’exigence – qui est un choix politique en soi – de non consolidation de la dette d’Infrabel au budget de l’Etat impose le respect des normes comptables européennes : la dotation d’exploitation perçue par Infrabel ne peut excéder 50% des revenus de celui-ci.

Avantages : Pas de consolidation de la dette d’Infrabel. Selon la révision envisagée des paramètres tarifaires et l’introduction de mark-ups, il devrait être possible d’actualiser la formule de la redevance pour la faire coller aux objectifs politiques, notamment celui de rendre plus attractive la desserte des lignes locales ou d’encourager des modes d’exploitation plus créatifs (notamment pour la desserte de Bruxelles). Dernier avantage potentiel pour la SNCB : diminuer la hauteur de la redevance sans toucher à la hauteur de la dotation étatique pour l’opérateur, et donc se créer des marges budgétaires nouvelles.

Inconvénients : Si l’on veut conserver la non-consolidation de la dette d’Infrabel, la marge de manœuvre est fortement réduite pour diminuer la part des redevances d’utilisation, et donc augmenter celle de la dotation publique, dans l’ensemble des revenus perçus par le gestionnaire d’infrastructure (dotation déjà proche du seuil maximum des 50% des revenus totaux). Une diminution marginale des montants serait seule envisageable. Par contre, à l’intérieur d’une redevance donnée, il est possible de modifier les paramètres tarifaires.

Scénario trois : Une réforme des paramètres tarifaires et/ou une introduction de mark-ups sans révision sensible de la hauteur de la redevance

Enfin, un scénario plus minimaliste est également envisageable. Il contient une révision de certains paramètres de la redevance actuelle, sans toucher ni à la hauteur globale de la redevance, ni à la distribution des dotations publiques.

Avantages : Comme dans les deux autres scénarios, selon la révision envisagée des paramètres tarifaires, il est possible d’adapter la formule de la redevance pour la faire coller à certains objectifs politiques, notamment en termes d’exploitation plus attractive ou créative.

Inconvénients : Ce scénario n’aborde qu’une partie de la problématique sans profiter de l’opportunité d’une révision globale du système.

Au-delà de ces scénarios, quelles recommandations pourraient être formulées quant à la révision des paramètres tarifaires en tant que tels ? Quels mark-ups pourraient être introduits ? Pour rappel, les propositions ci-dessous ne sont que des pistes de réflexion à considérer comme telles. Leurs potentiels effets pervers doivent bien entendu être étudiés de façon approfondie.

Une révision en profondeur des paramètres[[Revoir notre dernière nIEWs pour plus de détails sur ces différents paramètres : http://iew.be/spip.php?article7068.]] , en même temps que leur simplification, devrait selon nous avoir pour objectifs de :

1. Améliorer l’offre
Nous avons vu qu’une révision structurelle de l’équilibre redevance d’utilisation – dotation publique (scénario 1) pourrait soutenir le développement de l’offre en augmentant la part relative des titres de transport dans les revenus de la SNCB. Ce faisant, cette réforme inciterait la SNCB à être davantage à l’écoute de ses clients et à mettre en place des services innovants et de qualité.

Autre piste : en France, une petite réduction de la redevance est accordée pendant les deux premières années de lancement d’un nouveau service. Cela permet à l’opérateur de se roder et de trouver sa clientèle, en permettant une initiative commerciale moins abrupte. Aujourd’hui, chaque train supplémentaire est un coût supplémentaire pour la SNCB, et non une opportunité commerciale ! Dans le même ordre d’idées, une redevance dégressive pourrait être proposée à partir d’un certain nombre d’allers-retours proposés par l’opérateur, notamment pour les lignes de desserte locale.

2. Développer une exploitation plus créative du réseau
Le système actuel (paramètre Cu) pousse à minimiser le nombre de terminus, et à les repousser dans des gares secondaires où les frais de stationnement sont réduits (Quévy, Quiévrain, etc.). Ceci est contraire à une vision « à la suisse » d’un cadencement en réseau, avec un peu plus de correspondances (dans de bonnes conditions), mais l’emploi d’un matériel roulant adapté aux caractéristiques de chaque ligne. Dans cet objectif, le paramètre Cu pourrait être revu, voire supprimé. Attention toutefois à ce que cette idée n’incite pas à accroître exagérément les temps de régulation aux terminus.
Les paramètres C1, C2 et Ci sont déjà relativement pénalisants pour la Jonction nord-midi. Etant donné les problèmes d’exploitation et de ponctualité causés par l’orientation très centralisée du réseau, notamment la traversée de Bruxelles par la Jonction nord-midi, il pourrait être intéressant de dissuader l’opérateur de l’emprunter quasi intégralement en augmentant encore le différentiel entre ce tronçon et les autres sections de ligne. Ceci inciterait sans doute à exploiter de façon plus créative et plus optimale l’infrastructure, celle-ci étant largement sous-exploitée sur les autres axes du réseau traversant ou contournant la Région de Bruxelles-Capitale.

3. Soutenir la desserte fine du territoire
Bien que la redevance sillon-ligne pénalise les IC par rapport aux trains omnibus (L), la redevance sillon-installation, communément appelée redevance d’arrêt, pousse la SNCB à réduire le nombre d’arrêts et donc aussi les services L. Le différentiel entre le type d’arrêt (paramètre Cu dans la redevance sillon-installation) devrait être plus important (moins cher pour les arrêts intermédiaires). Il pourrait également être imaginé qu’aucune redevance sillon-installation ne soit perçue sur les arrêts des lignes de desserte locale, comme c’est le cas en Suisse.

4. Augmenter la productivité du réseau
La redevance d’utilisation devrait inciter le gestionnaire à brader les capacités résiduelles (dans l’espace ou dans le temps) de son réseau, de façon à l’exploiter davantage. On sait en effet que, contrairement aux idées reçues, le réseau belge est globalement sous-exploité. Afin d’augmenter sa productivité, mais aussi afin de répondre aux évolutions sociétales en matière de pratiques de déplacement (part des déplacements domestiques ou de loisirs désormais majoritaires), il conviendrait sans doute de soutenir l’utilisation du réseau au moment où il l’est actuellement le moins :

 En augmentant le coût des parcours à vide (paramètre Pt dans la redevance sillon-ligne) pour soutenir l’embarquement des voyageurs ;

 En diminuant les redevances en dehors des heures de pointe (augmenter le différentiel entre pointe et hors pointe dans le paramètre H de la redevance sillon-ligne) ;

 En diminuant les redevances sur les lignes de desserte locale (notamment en révisant le paramètre C1 / Ci pour augmenter le différentiel entre sections de ligne d’importance opérationnelle différente ; en revoyant le paramètre d’arrêt Cu, à ne pas appliquer aux lignes locales ou à différencier selon que l’arrêt comporte une gare ou un PANG[[Point d’arrêt non gardé, c’est-à-dire un arrêt sans personnel..]] ; en segmentant le réseau par un mark-up grandes lignes / lignes locales / lignes TGV) ou avec un niveau de service inférieur de façon à augmenter l’offre (en proposant un prix dégressif à partir de 18 allers-retours offerts pour les trains L).

5. Adapter le système aux réalités de terrain ?
Les catégories de train proposées dans le paramètre Pt (dans la redevance sillon-ligne) ne devraient, en toute logique, pas correspondre à des dénominations commerciales (IC, IR, etc.), mais bien à une politique d’arrêt objective et valable quel que soit l’opérateur. En effet, l’analyse du nouveau Plan Transport confirme que, dans certains cas, des trains dénommés IC s’arrêtent presque partout (ex : ligne Charleroi-Couvin).

Par ailleurs, la catégorisation des arrêts selon les paramètres C1, C2 et Ci (importance opérationnelle et équipement de l’arrêt), si l’on souhaite les appliquer, doivent être mis à jour régulièrement.

Le paramètre H doit être objectivé et adapté : considère-t-on la pointe à des heures fixes ou variables selon les points du réseau (une heure de pointe à Bruxelles n’est pas la même qu’à Arlon ou aux extrémités du réseau, où les navetteurs sont plus nombreux aux petites heures du matin ; le sens de circulation pourrait d’ailleurs aussi être davantage différencié ?

Enfin, on pourrait introduire des facteurs environnementaux comme le bruit ou la consommation énergétique pour inciter l’opérateur à utiliser du matériel roulant plus adapté et plus moderne, sans contraindre le gestionnaire d’infrastructure (et la collectivité) à des investissements importants (ex : murs anti-bruit).

Céline Tellier

Anciennement: Secrétaire générale et Directrice politique