La Wallonie est l’une des régions d’Europe qui finance le plus, via son Programme de Développement Rural, l’amélioration de la compétitivité du secteur agricole. Un soutien exigeant en ressources financières, qui passe essentiellement par des primes aux investissements et des aides à l’installation des jeunes. Des mesures actuellement peu ciblées tant du point de vue social qu’environnemental et surtout des mesures peu efficientes. C’est un axe du PDR que le Ministre de l’Agriculture, Benoît Lutgen, tenait à réformer en profondeur dans le cadre de la nouvelle programmation 2007-2013. Cette réforme vient de faire l’objet d’une note d’orientation au gouvernement wallon. Qu’en est-il?
La compétitivité : un axe du PDR qui reste prépondérant
Alors que de nombreuses régions d’Europe n’affectent pas ou peu de budget à la compétitivité du secteur agricole, en Région wallonne cet axe est l’axe principal du développement rural. Le nouveau PDR dont la ventilation budgétaire a été adoptée par le gouvernement wallon maintien cette ventilation au détriment notamment de l’axe environnemental alors même que les enjeux y sont de plus en plus criant (Natura 2000, Objectif 2010). Sans compter que l’agriculture wallonne est l’une des plus intensives d’Europe et que la condionnalité environnementale y est appliquée dans sa version minimaliste. Établit dans la foulée du plan Marshall, il ne fallait pas s’attendre à une réorientation profonde du budget…
Une reforme nécessaire au vu des critiques essuyées par le Fonds d’investissement Agricole (qui regroupe les aides à l’investissement et à l’installation des jeunes). Les aides délivrées sous forme de subsides en intérêt bénéficient en grande partie aux banques[[(1)
Deux types d’aides au secteur agricole : les aides à l’investissement & les aides à l’installation de jeunes agriculteurs. Rapport de la Cour des comptes transmis au Parlement de la Région wallonne. Bruxelles, juin 2005.
]] par le biais d’un taux d’intérêt supérieur aux taux du marché et ce pour des emprunts garantis par la région wallonne! Une situation que l’Europe n’acceptera plus à terme. La réforme prévoit donc le recours à des subsides en capital. A budget identique, ce nouveau FIA bénéficiera donc davantage à l’agriculture…
Des aides mieux cadrées et modulées
Parmi les améliorations notables, la révision du FIA apporte une réelle modulation des aides sur base de la finalité des investissements et la réalisation d’un plan d’investissement. Le taux de base des aides, fixé à 10%, sera porté à 25% pour des investissements de mises aux normes, de diversification, d’amélioration de la qualité de vie de l’exploitant et de l’environnement ou d’économie d’énergie et de production d’énergie renouvelable. Un soutien plus important donc pour les projets créateurs de valeur ajoutée ou liés à l’environnement. A ces taux viendront s’ajouter des bonus pour les coopératives ou les installations de moins de 6 ans (+ 5%), pour les exploitations situées en zone défavorisée (+ 2,5%) et en cas de recours à un consultant FIA pour rédiger le dossier (2,5%). Si cette modulation est intéressante, il n’en reste pas moins que le plafonnement des subsides à 100.000 € par plan d’investissement, étant donné leur importance en agriculture, sera rapidement atteint même avec le taux de base de 10 %. Une réforme qui risque donc de ne pas avoir tous les effets escomptés.
La seconde innovation consiste donc en l’obligation de réaliser un plan d’investissement. Il ne sera plus permis, en dehors de cas exceptionnels, de subsidier un investissement non planifié à l’avance et avalisé. S’il s’agit là aussi d’une amélioration, le plan d’investissement semble néanmoins conçu comme un outil principalement économique. Il importe pourtant, dans le cadre des différentes aides « matérielles », d’assurer le plus en amont possible une approche transversale, socio-économique et environnementale tout en veillant à intégrer le projet aux enjeux territoriaux. N’est-il pas incohérent de financer des investissements qui iraient à l’encontre par exemple d’objectifs environnementaux locaux ?
Un accès aux aides conditionnés …
Pour les reprises d’exploitation, un stage devra être accompli par le repreneur afin de lui permettre d’appréhender d’autres pratiques et de découvrir de nouveaux débouchés. Une mesure qui protège réellement les jeunes exploitants qui investissent près d’1 million d’euros et tout leur avenir dans la reprise de la ferme familiale.
L’accès à ces aides devrait également être liés au revenu dégagé par l’exploitation afin de cibler les aides vers ceux qui en ont le plus besoin et d’éviter qu’elles ne conduisent à renchérir la valeur des reprises.
Des investissements matériels plutôt qu’humains
L’amélioration de la compétitivité ne passe bien évidemment pas que par des aides matérielles, des marges conséquentes existent au niveau de la gestion des exploitations pour en améliorer la compétitivité. L’analyse des données comptables montre, par exemple, que 42 % des exploitations allaitantes perdent près de 25 % de leur revenu à cause d’une mortalité trop importante des veaux.[[(2)Influence du taux de mortalité sur la rentabilité des vaches allaitantes. B. Maréchal, et al. 10/2006. Pleinchamp.
]] Une situation qui mériterait à tout le moins un encadrement adapté et des formations pour y pallier… Ce nouveau PDR est l’occasion d’investir réellement dans le capital humain par des formations et un encadrement adaptés aux réalités agricoles et aux nouveaux enjeux liés à la multifonctionnalité de l’espace rural. L’occasion de mettre l’humain au coeur du projet agricole, une opportunité que l’on ne retrouve portant pas dans ce programme au regard des budgets affectés à l’encadrement et la formation.
Des textes à la réalité, une marge parfois importante
Si l’on peut se féliciter de la modulation des aides en fonction de la finalité des investissements, il ne faut pas non plus perdre de vue que les investissements réalisés dans le cadre de qualité différenciée, et bénéficiant du taux le plus élevé, bénéficient trop souvent à des élevages hors sol. En filière porcine et avicole, la qualité différenciée s’accommode trop souvent d’un cahier des charges qui n’inclut que quelques dispositions minimalistes en matière d’environnement et de qualité pour pouvoir émarger aux aides du FIA. Un problème peut-être plus spécifique au décret sur la qualité différenciée.