La directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable impose à la Belgique de programmer et de réaliser un plan d’action national de réduction des produits phytopharmaceutiques, qui doit être révisé tous les cinq ans au moins. La partie fédérale (Programme fédéral de réduction des pesticides ou PFRP) de ce plan a été soumise à consultation des différents organes consultatifs fédéraux. Voici l’avis de la Fédération sur ce document.
Globalement, la Fédération Inter-Environnement Wallonie s’étonne qu’après 7 ans de mise en œuvre du PRPB, les objectifs à atteindre dans le cadre des mesures proposées dans le PFRP ne soient pas quantifiés[[tels que prévus dans la directive:
« Les États membres adoptent des plans d’action nationaux pour fixer leurs objectifs quantitatifs, leurs cibles, leurs mesures et leurs calendriers en vue de réduire les risques et les effets de l’utilisation des pesticides sur la santé humaine et l’environnement et d’encourager l’élaboration et l’introduction de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures et de méthodes ou de techniques de substitution en vue de réduire la dépendance à l’égard de l’utilisation des pesticides. »]] (réduction du risque, réduction de l’utilisation), alors que la directive le prévoit explicitement. Par ailleurs, la Fédération regrette que les autres niveaux de pouvoir n’aient pu diligenter leurs travaux suffisamment vite que pour organiser une consultation du public commune. L’absence de vision globale est extrêmement dommage, tant pour les citoyens que pour les administrations chargées de mettre en œuvre les différentes mesures. Dans son avis, le Conseil Fédéral du Développement Durable souligne quant à lui « le fait que la vente du produit au client devrait se faire par le biais d’un contact avec un employé formé.[…] Par ailleurs, la communication doit être efficace et bien ciblée : celle-ci doit non seulement viser les consommateurs proactifs mais également ceux ne cherchant pas spontanément des informations sur l’utilisation des pesticides » (soit 95% d’entre eux).
En ce qui concerne les mesures relatives à la publicité, et comme signalé dans les précédents avis et positions d’IEW sur le Programme de Réduction des Pesticides et des Biocides (PRPB) , les associations de protection de l’environnement demandent que la publicité pour les produit phytopharmaceutiques (ppp) et les biocides à destination des particuliers soit interdite. En ce qui concerne la mesure telle que proposée, l’indicateur mériterait d’être reformulé . il ne s’agit pas d’évaluer la conformité à la législation sur la publicité mais il s’agit d’atteindre 100% de conformité à la législation de la publicité des ppp et des biocides ! Outre la réalisation d’une étude sur la conformité de la publicité, la problématique de l’achat compulsif (en lien avec la pression publicitaire) mériterait également d’être investiguée. Il est par ailleurs évident que vu la disproportion des moyens alloués en publicité et marketing par les entreprises pour assurer la promotion et la vente de produits par rapport aux moyens de l’administration pour équilibrer ces informations, la volonté affichée dans le programme de donner aux usagers une information correcte et équilibrée reste un voeux pieux – et le restera tant que le tabou autour de la sacro-sainte publicité déontologique et informatrice ne sera pas brisé. Dans son avis, le CFDD estime « qu’il est nécessaire de prendre des initiatives afin de s’assurer qu’à tout le moins les messages véhiculés par la publicité sur les pesticides soient cohérents avec les bonnes pratiques en la matière (respect du dosage et des modalités d’application,…). »[[En effet, une publicité pour un produit désinfectant (lequel? ben justement je n’ai pas envie de leur faire de la pub 😉 …) bien connu et diffusée récemment sur les chaînes francophones montre l’utilisatrice employer le produit sans qu’il n’y ait la moindre référence au bon dosage du produit (« et que je verse une grosse rasade de produit dans mon seau ») ni aux précautions d’utilisation. Cette situation est « proprement » inacceptable.]] .
Pour Inter-Environnement Wallonie, l’amélioration de l’interface de fytoweb pour la rendre plus accessible aux particuliers en recherche d’informations générales sur les pesticides (alternatives, dosages, précautions d’utilisation, etc.) est prioritaire pour permettre l’atteinte de cet objectif. Les travaux liés à l’augmentation de la clarté et de la lisibilité des étiquettes et des logos devraient être inclus dans les mesures proposées.
La version actuelle du programme ne prévoit pas de suivi des intoxications chroniques. La majorité des acteurs s’accordent pourtant pour reconnaître l’importance de ce suivi. Les causes et circonstances liées à la contamination doivent être connues et amener à évaluer la pertinence de modifications de la législation (cf. les résultats de l’étude toxicovigilance 2011-2012 qui montrent clairement la nécessité de retravailler l’étiquetage des produits ppp et biocides). Le CFDD fait le même constat : « Par ailleurs, le programme ne dit rien sur les intoxications chroniques alors qu’elles constituent un aspect essentiel par rapport à la médecine du travail, notamment dans une perspective de prévention. »
En ce qui concerne la protection des zones spécifiques contre les produits phytopharmaceutiques, et plus spécifiquement la réduction de l’exposition aux ppp des habitants vivant à proximité des zones d’application, la Fédération considère que la simple réalisation d’un rapport d’étude ne peut suffire.Par ailleurs, le délai pour la réalisation de l’étude de faisabilité semble exagérément long : pourquoi attendre 2017 alors que les riverains demandent légitimement que des mesures soient prises pour réduire leur exposition aux ppp et que cette étude leur apporterait des réponses attendues depuis longtemps ? Le CFDD appuie ce constat : « En ce qui concerne la réduction de l’exposition aux produits phytopharmaceutiques des habitants vivant près des zones d’application, le Conseil estime que si cette exposition devait être un motif de préoccupation, il faudrait faire plus que rendre un rapport sur la question et que des mesures devraient être prises […] »
Le programme prévoit également un suivi des effets des ppp et des biocides sur les abeilles, qui se concrétiserait par une coordination des initiatives fédérales. La Fédération s’étonne de ne pas voir d’étape d’évaluation de l’impact des mesures et initiatives prises par le fédéral. Elle est pourtant indispensable pour orienter au mieux ces mesures et assurer leur efficacité sur la protection des abeilles.
Le programme contient également une mesure de consolidation des chiffres[L’objectif est d’atteindre une corrélation entre les ventes et l’utilisation valable pour 90% des produits comparables par cet outil.]] d’utilisation et de vente des ppp utilisés hors agriculture. Pour la Fédération, des précisions quant à l’utilisation effective qui sera faite de ces informations serait utile (modification de la législation ? restrictions d’utilisation ? Etc.). Des liens seront-ils faits avec la problématique du stockage des produits par les particuliers à domicile et des risques associés ? La Fédération note par ailleurs, l’abandon de l’indicateur de risque [Pribel puisqu’il serait remplacé, en 2015, par un indicateur de risque harmonisé au niveau européen. Il est regrettable que le PRPB se termine sans qu’une évaluation de cet indicateur ne permette de mesurer l’évolution des risques liés à l’utilisation des ppp et la dépendance à leur utilisation. Notre fédération plaide pour que le programme d’action national (NAPAN) dispose d’un indicateur de dépendance aux ppp. L’indicateur de Fréquence de Traitements (IFT) exprime le nombre de doses standards appliquées par hectare pendant une saison de culture. Il est utilisé depuis longtemps dans d’autres pays, est très simple à mettre en œuvre et permettrait de mesurer objectivement les résultats des politiques d’information quant aux risques associés à l’utilisation des pesticides et à la promotion des mesures alternatives.
En ce qui concerne les agréations de pesticides, la Fédération souligne que la réglementation européenne demande aux États Membres d’accorder une attention particulière à la protection des eaux souterraines dans les zones vulnérables, en particulier en ce qui concerne les utilisations non agricoles. Nous constatons que ces dispositions sont peu prises en compte et très tardivement pour le cas du glyphosate, par exemple, contrairement à d’autres pays. De plus, nous devons constater que les nombreux produits commerciaux disposant de formulations identiques à base de glyphosate n’intégreront ces mesures de protection de l’eau qu’à l’échéance de leurs agréations. Pour éviter une telle disparité, voire une réelle discrimination entre formulations commerciales selon leurs dates respectives d’agréation, nous plaidons pour que les agréations puissent être revues beaucoup plus rapidement par le comité d’agréation. Notre fédération souhaite également que le NAPAN envisage une meilleure intégration des dispositions liées à l’agréation des ppp et des dispositions règlementaires régionales. La coordination de l’information entre niveau de pouvoir au bénéfice de l’information correcte de l’utilisateur est indispensable pour assurer une meilleure protection de l’environnement. A cet effet, il peut paraître étonnant du point de vue de l’utilisateur lambda que l’agréation des ppp se limite et « contrôle » les impacts aériens des ppp sur l’environnement mais ne s’occupe pas des incidences liées à leur ruissellement. Il nous semble nécessaire de coordonner les notices d’utilisation des ppp afin qu’elles intègrent les dispositions réglementaires régionales.
L’avis complet du Conseil Fédéral du Développement Durable est disponible ici.