Fermez les centrales nucléaires en 2025 risque à court terme d’augmenter les émissions des GES de notre pays car leur production devrait en partie être compensée par un recours à des centrales au gaz.
C’est un risque réel, mais ce scénario dépendra avant tout de la manière dont la sortie du nucléaire sera réalisée. Le risque pourrait être limité. Retour sur les principales raisons pour lesquelles IEW continue de plaider pour une sortie du nucléaire en 2025.
Le nucléaire est polluant
Les défenseurs du secteur voudraient nous faire croire que le nucléaire est une énergie propre, arguant du fait qu’il émet peu de GES. Rien n’est plus faux.
D’abord, la neutralité carbone du nucléaire est sujette à beaucoup de débats si on intègre les émissions liées notamment à l’exploitation de l’uranium.
Figure 1 : Estimation des émissions de GES par technologies illustrant l’incertitude sur les émissions selon les études existantes de la filière nucléaire. Sources : GIEC (AR5)
Mais surtout, réduire la crise environnementale à la seule crise climatique serait une erreur. La production de déchets nucléaires de haute intensité supplémentaires est un enjeu prioritaire d’un point de vue environnemental.
Rappelons ici que dans l’attente d’une solution forcément imparfaite sur le long terme, les déchets nucléaires de nos centrales sont toujours stockés sur les sites de Tihange et de Doel. Prolonger des centrales augmentera ce stock de déchets potentiellement ingérables.
Sans verser dans le catastrophisme, il serait également irresponsable d’évacuer le risque d’accident nucléaire causé par le fonctionnement de centrales dont l’âge augmente forcément la fragilité.
Le risque reste faible mais d’une part il est croissant et, d’autre part, il est disproportionné par rapport à ses conséquences potentielles. Rajoutons que le nucléaire est très vulnérable aux changements climatiques (sécheresses…).
Pour ces raisons, présenter le nucléaire comme une solution à la crise climatique, reviendrait selon IEW à « soigner la peste avec le choléra ».1
Le nucléaire vieillissant est un facteur d’instabilité du réseau
Plus personne ne peut le nier, les centrales nucléaires vieillissantes sont devenues un facteur d’instabilité pour le réseau électrique belge, a fortiori pour les centrales qui sont prolongées au-delà de leur durée de vie.
Pour des raisons diverses qui semblent clairement liées à leur ancienneté (problème de structure du béton, problèmes dans la cuve, …) nos réacteurs ont subi des nombreuses fermetures non planifiées depuis 2014.
Selon les estimations du Soir, depuis leur 40e anniversaire et leur prolongation, les 3 réacteurs les plus anciens ont tourné 52,4 % du temps pour doel 1, 69,2 % pour Doel 2 et 58,5 % pour Tihange 1 !
Ces indisponibilités de grosses capacités, impromptues, ont des impacts sur notre sécurité d’approvisionnement mais aussi sur le prix de l’électricité pour les différents usagers.
Au final ce coût sociétal est insuffisamment pris en compte, ce qui fausse donc le débat.
Le nucléaire bloque l’accès aux vraies solutions
La transition énergétique requière la mise en œuvre de solutions innovantes. Les renouvelables, bien sûr, mais aussi, la gestion de la demande, la diminution de la consommation, les centrales de cogénération (chaleur et électricité), le stockage mécanique (comme à Coo) ou autre (hydrogène), le développement de l’autoconsommation locale…
Investir dans ces solutions est difficile dans le contexte d’incertitude qui est maintenu par certains acteurs, dont des politiques, sur l’agenda de sortie. Au Nord du pays, la NVA remet ouvertement en question la sortie du nucléaire. Mais l’ambiguïté du Gouvernement fédéral est également à pointer du doigt.
La mise en place d’un « comité fédéral énergie » chargé de ré-évaluer la sortie du nucléaire en 2025 et uniquement constitué de la FEB notoirement opposé à la sortie du nucléaire envoie un message pour le moins ambivalent à ceux qui veulent investir dans la transition…
L’impact climatique de la sortie du nucléaire peut être limité
L’utilisation des centrales au gaz en « remplacement » de nos centrales nucléaires peut et doit être limitée.
IEW, Bond Beter Leefmilieu (BBL) et Greenpeace ont récemment rappelé dans un communiqué de presse à quel point les solutions déjà mentionnées (stockage, l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables ou encore de la gestion de la demande…) représentent des options bien plus intéressantes tant d’un point de vue climatique qu’économique.
Les gouvernements fédéraux (actuels et futurs) auront la lourde tâche de mettre en place les modalités pratiques du mécanisme de soutien public aux nouvelles capacités électriques.
Nous attendons qu’ils soient volontaristes pour limiter au maximum l’impact climatique d’une sortie du nucléaire.
- Voir aussi : La sortie du nucléaire, une chance à saisir et Les “non-dits” du nucléaire)