A travers le projet AMICE (Adaptation of the Meuse to the Impacts of the Climate Evolution), la Meuse devrait être prête à résister aux impacts des changements climatiques. La focalisation actuelle du projet sur la « simple » gestion de l’eau et des inondations peut cependant paraître un peu limitée: élargir le point de vue à une Meuse considérée comme un écosystème riche et complexe ouvrirait des perspectives prometteuses en terme de développement durable. Démonstration par l’exemple du beau village de Ny.
17 partenaires issus des 4 pays traversés par la Meuse se sont associés au printemps dernier sous la bannière AMICE. La première newsletter de ce projet de 4 ans, financé par INTERREG IV B, en précise l’objectif : « Nous voulons que la Meuse devienne le meilleur exemple d’un fleuve résilient au climat, tout en conservant sa beauté naturelle. »
Pour atteindre cet objectif, le projet a retenu les compétences techniques et scientifiques de différents organismes français, belges, allemands et hollandais. Sur les 6 instituts de recherche associés, 5 sont spécialisés en hydraulique et hydrologie. Les autres partenaires sont pour la plupart des gestionnaires publiques du fleuve et/ou de ses affluents. Et l’asbl RIOU apporte son expérience de rétention naturelle d’eau dans le bassin versant.
Si nous réécrivons l’objectif à la lumière des compétences des partenaires, il s’agit d’un projet essentiellement centré sur la gestion de l’eau et des inondations dans le bassin de la Meuse.
S’il est bien naturel que la gestion publique du fleuve fasse des inondations sa priorité, il est regrettable que d’autres objectifs tout aussi prioritaires, définis au niveau international, n’aient pas été intégrés. Le projet ne peut ignorer qu’il se déroule pendant l’année internationale de la biodiversité. Que la Meuse soit un écosystème semble passer inaperçu, AMICE n’utilise jamais le mot biodiversité. Mais si tu ne vas pas à la biodiversité, la biodiversité viendra à toi…
Ny et le ruisseau de Naives
Ny est situé en tête de bassin, à la confluence de deux ruisseaux canalisés et connait des inondations pratiquement chaque année, voire plusieurs fois par an. Oui, deux ruisseaux canalisés. Ny, un des plus beaux villages de Wallonie : ses 150 habitants et ses deux ruisseaux canalisés et voûtés… Même la confluence est voûtée. La situation est caractéristique : débordement récurrent du ruisseau, dégâts, coûts et mécontentement… tout aussi récurrents. Prévoir des aires de débordement de crue est une des pistes les plus intéressantes pour éviter de reporter le problème en aval. Mais quand la qualité des eaux du ruisseau est à ce point mauvaise qu’elle menace des sites Natura 2000,…
Soucieuse de résoudre cet épineux problème, la commune de Hotton a rejoint le projet AMICE.
Déception et espoir
« Il est donc préconisé une augmentation de la capacité des voûtements souterrains combiné à un curage du lit. » conclut l’étude de cas. Amère déception ! Il eut été tellement plus porteur de créer un cas exemplaire de renaturation et de remise à ciel ouvert, de faire de Ny la vitrine d’une autre façon de faire ! D’autant plus que la vocation touristique du village est clairement identifiée. Mais les contraintes techniques et financières en ont décidé autrement. Justification : « La route qui traverse le village doit être maintenue et la création d’un nouveau tracé du lit des cours d’eau en contournant le village se heurte à des problèmes de propriété et de déplacements de plusieurs bâtiments. »
Heureusement, le projet ne s’arrête pas là, il s’attache à régler toute la question de la qualité de l’eau puisque les égouts des 150 habitants du beau Ny filent directement dans le ruisseau. C’est l’ensemble de la gestion du lit majeur en aval du village qui est dès lors considérée. Les options proposées sont prometteuses. Il pouvait difficilement en être autrement puisque le site retenu pour la réalisation d’un bassin écrêteur de crue se situe dans le site Natura 2000 de la Plaine de Ny, où nichent des espèces rares comme le râle des genêts et la marouette ponctuée.
Le problème de qualité de l’eau sera traité par la séparation des eaux usées et des eaux claires avec une épuration des eaux usées par lagunage dans la plaine de Ny. Le projet prévoit de travailler par gestion intégrée de la ripisylve (forêt rivulaire) et d’améliorer la qualité géomorphologique du ruisseau, visant notamment la remontée du poisson.
Le poisson qui trouvera un obstacle majeur à sa remontée sous forme d’un ruisseau canalisé sur plusieurs dizaines de mètres…
Cohérence ?