Qu’entend-t-on par « Voirie pour Tous » ?

Depuis le début de l’industrialisation et de l’avènement de l’automobile, cette dernière a pris de plus en plus de place dans nos vies. On observe d’ailleurs, au fil du temps, une modification du paysage rural mais surtout urbain pour adapter au mieux l’espace public à la voiture. Cette modification du paysage urbain s’est faite par l’intensification du réseau routier, entrainant un élargissement des routes au détriment des trottoirs[[Laisney, F., (2001), « Espaces publics : une culture de la résistance à l’automobile », in L’Espace public, vol. 6, n° 1, pp. 39-45.]]. Cette omniprésence de la voiture et du culte de la vitesse ont tendu à réduire l’espace urbain et sa fonction sociale. De ce fait, on remarque aujourd’hui que plus de 90% de l’espace public est consacré à la voirie[[Liraud, G., (2012), La ville apaisée, vers une pacification de la circulation des espaces publics urbains au regard de deux projets de ville : Bourgoin-Jallieu et Annemasse, mémoire en Sciences Agronomiques, Agroalimentaires, Horticoles et du Paysage, Université d’Anger, Anger.]]. Nous sommes donc bien loin de la « Voirie pour Tous ».

Mais depuis une quarantaine d’années, de nombreuses contestations ont été émises. De ce fait, divers projets ont été mis en place pour réduire la place de la voiture dans cet espace urbain et permettre une meilleure « redistribution des espaces entre les usagers »[[Dumont, M. et Von der Mühll D., (2006-2007), « De la rue à la ville apaisée : l’éclairage comparé des expériences péri/suburbaines suisses et françaises », in Flux, n° 66-67, pp. 50-61..]]

Divers concepts s’orientent vers cet objectif : « traffic calming », « woonerf », « ville apaisée », « boulevard urbain », « shared space », « Ville 30 », etc. De bien drôles de mots direz-vous… Il nous faudrait, d’ailleurs, un Larousse additionné à Google Traduction, l’ensemble supervisé par un imminent chercheur en sciences sociales pour comprendre et déchiffrer tous ces termes flous, à consonance étrangère (pour certains), trop sociologique, trop urbanistique et j’en passe (pour les autres) ! Pourtant ce sont des projets bien réels.

On peut définir de manière rapide ces termes par les caractéristiques propres à chaque projet. Prenons le terme d’« espace partagé » ou « shared space ». Ce concept a été inventé dans les années 80 par Hans Monderman, qui avait comme but de redonner une dimension humaine à la rue et à la société. Pour ce faire, il pensa ce projet avec comme caractéristique majeure : l’enlèvement de tous les panneaux signalétiques présents sur la route. Ceci, afin que tous les usagers, quel que soit leur mode de déplacement, soient attentifs aux autres. Un autre projet caractéristique est celui de « traffic calming » qui vise en particulier à réduire la vitesse des voitures.
Néanmoins, au-delà de leur définition propre, tous ces concepts visent un même but : redonner une fonction sociale à la voirie et un meilleur partage de l’espace public entre tous les usagers.

Cet article n’est pas un plaidoyer contre la voiture. Mon envie est plutôt de redonner un peu de baume au cœur, de montrer que dans ce monde, tout n’est pas que négatif et que les pays européens et plus particulièrement les communes se mobilisent pour rendre notre paysage et cadre de vie meilleur, pour redonner à qui est dû sa place sur la rue.

Le travail de réaménagement urbain est évidemment long et fastidieux, les ratés sont nombreux, mais les réussites sont aussi présentes.

La ville de Drachten, au nord des Pays-Bas, est un exemple de réussite. C’est dans cette ville que Hans Monderman a réalisé son projet « d’espace partagé ». Il a fait enlever sur la place de la ville : les faux tricolores, la signalétique, il a aussi fait changer le revêtement de sol, installant des pavés et de la végétation. A la suite de ce réaménagement, on remarque que les voitures roulent plus lentement. La ville s’est donc apaisée d’elle-même tout en se redynamisant par son côté convivial et adapté à tous les usagers. De plus, depuis cet aménagement, aucun accident de la route n’a été constaté[[METHORST, R., GERLACH, J., BOENKE, D. and LEVEN, J., (2007), “Shared Space: Safe or Dangerous? A contribution to objectification of a popular design philosophy”, A contribution to the discussion on Shared Space at the WALK21 conference, Toronto, Canada, 1-3 October.]].

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Chaque pays a sa propre façon de nommer les divers réaménagements. Au Canada, on aura tendance à parler de transformations des boulevards traditionnels en boulevards urbains et de traffic calming ; en France, les urbanistes et sociologues utiliseront les termes : « ville apaisée », « Ville 30 », « zone de rencontre », etc. Dans les pays anglo-saxons et scandinaves, le terme le plus approprié est souvent celui de « shared space ». Chaque pays essaie donc, à petite échelle, de faire bouger les choses. Ce qui est à féliciter et à encourager de plus belle !

Au travers de ces projets, on peut donc constater que l’envie est présente dans chaque pays d’arriver à ce que la Voirie devienne un endroit pour Tous. Malgré cela, de nombreux efforts sont encore à faire !

La « Voirie pour Tous » est donc une solution comme une autre pour retrouver une forme de convivialité dans nos rues, qui ont trop longtemps été réservées à la voiture.