Une artiste belge (namuroise), Anne Dejaifve propose une exposition intitulée « Déplacements » constituée d’œuvres mettant en scène des univers habités par des êtres « sur le point de… » : il vont sauter, ils vont voler, ils vont oser. Ils vont affronter l’écueil et envisagent l’horizon. Ils sont trajectoires.
De lieu porteur de récit, l’œuvre devient elle-même signe-trajet, comme si l’urgence de notre temps réclamait cette radicalité formelle.
Cette exposition est ponctuée de différentes installations allant d’une structure en tension mettant en évidence le monde en alerte à une mise en espace où le tracé de couleur indique une voie.
L’exposition est dédié à Anne Dufourmantelle : « Et si le risque construisait une ligne d’horizon » disait cette philosophe et psychanalyste française, décédée accidentellement en tentant de sauver de la noyade un enfant.
Tout dans ce travail reflète les préoccupations du monde actuel et la nécessité, sur base de toutes les alertes, d’oser, de risquer. « Au rétrécissement du monde actuel, l’artiste oppose l’espace artistique sans limites »1.
Anne Dejaifve, peintre et dessinatrice, est également passionnée de pédagogie. Elle aura été professeure pendant plus de 30 ans dans trois types de filières et d’approches différentes : l’enseignement secondaire (option arts au Lycée Martin V, Louvain-la-Neuve), l’enseignement supérieur (en agrégation à l’Erg / Esa St Luc, Bruxelles) et dans l’animation d’ateliers à l’AKDT (Libramont) ou encore au sein du Centre d’Expression et de Créativité « Ateliers’Bis ». Cette grande adepte de la sérendipité nourrit son travail de ce qu’elle observe : les pavés du chemin de halage, la forme d’un étang qui l’a vu grandir et plus largement une multitude de détails présents dans les lieux qui l’entourent ou dont elle part à la rencontre. Des détails qu’elle entrevoit comme autant de présages à son intention créatrice. Nous nous trouvons là au cœur du précepte de l’hétérotopie comme énoncé par le philosophe Michel Foucault, à savoir l’idée de l’existence d’une localisation physique de l’utopie2. Site : https://annedejaifve.com
Anne Dufourmantelle et le risque : C’est dans un livre de 2011, L’Eloge du risque (Payot), qu’[Anne Dufourmantelle] développe ce qui a été son engagement le plus émouvant. Elle y commente en effet la célèbre phrase d’Hölderlin : « Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve » pour affirmer que ce temps du risque – celui des résistants – serait le contraire miraculeux de la névrose. Prendre le risque d’aimer, de vivre afin de s’extirper de toute dépendance, tel serait pour le sujet l’essentiel de toute forme d’éthique. Anne Dufourmantelle aura eu, jusque dans cette mort tragique, le courage de se saisir du magnifique poème d’Hölderlin3.
L’exposition se tient du 6 au 30 novembre 2024 (il reste quelques jours donc), à La Plateforme, Galerie des Beaux-Arts, à Wavre.
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