Quand le territoire européen souffre, c’est l’environnement qui trinque

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Les constats du rapport 2015 de l’Agence Européenne pour l’Environnement ne sont pas bons. L’état de l’environnement européen se dégrade toujours plus, année après année. Et ceci, malgré un arsenal fourni de politiques environnementales, qui, certes, limitent les dégâts, mais sont loin d’enrayer la dégradation de la situation. Dans cet état des lieux des plus sombres, l’aménagement du territoire semble jouer un rôle premier. Une réalité des plus embarrassantes, quand on sait que l’Union Européenne n’est pas compétente dans cette matière clé.

« La part du tissu urbain dans l’occupation des terres en Belgique est presque deux fois plus importante qu’aux Pays-Bas alors que la densité de population y est inférieure d’un tiers. Ces chiffres reflètent les différences dans la planification spatiale. Les Pays-Bas ont davantage de restrictions de planification, des agglomérations urbaines plus compactes et une part plus faible de maisons individuelles que la Belgique ». L’Agence Européenne pour l’Environnement a choisi, dans son rapport 2015 rendu public le 3 mars, d’évoquer, entre autres choses, les différences dans la planification spatiale en Belgique et aux Pays-Bas. L’objectif de l’agence : étayer, par un élément hyper-structurant, la dégradation que l’on constate sur plusieurs décennies, quant au phénomène d’éparpillement et de dilution de l’urbanisation sur le territoire, d’une part, et quant à l’état de l’environnement européen, d’autre part.

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Pays-Bas et Belgique, deux formes très distinctes d’urbanisation : pour les Pays-Bas une urbanisation très compacte ; pour la Belgique une urbanisation très éparpillée. Pourtant, la densité démographique y est très proche. (source : Agence européenne pour l’environnement, 2010)

Sols et ressources naturelles sous pression, pollution atmosphérique alarmante, biodiversité en déclin, écosystèmes dégradés, déchets mal recyclés… C’est un tableau des plus noirs que dresse le rapport 2015 de l’Agence européenne pour l’environnement. « Notre analyse montre que les politiques européennes ont relevé avec succès beaucoup de défis environnementaux au fil des années. Mais elle montre aussi que nous continuons à malmener les systèmes naturels dont dépend notre prospérité », a commenté Hans Bruyninckx, le directeur général de l’agence. A la lecture du rapport, c’est plutôt la deuxième partie de l’énoncé du fonctionnaire qui saute aux yeux, celle de la détérioration constante de notre environnement, détérioration qui hypothèque davantage, année après année, la survie de nos systèmes socio-économique et politique (voir pour une synthèse le tableau dans cet article : http://www.iew.be/spip.php?article7050).

Car dans beaucoup de secteurs, la tendance récente est clairement « à la détérioration ». C’est le cas – et la liste n’est pas exhaustive – pour la biodiversité des milieux continentaux et aquatiques et celle du milieu marin, l’impact du changement climatique sur les écosystèmes, les risques sanitaires liés au changement climatique et aux substances chimiques, et l’utilisation des terres. Ce à propos de quoi l’étude, dont l’intérêt est aussi d’établir des projections à moyen terme, annonce qu’au-delà des deux prochaines décennies, la situation devrait continuer à se dégrader dans une large mesure.

Ce qui est malheureux à la lecture de ce rapport, c’est que tant pour l’aménagement du territoire que pour les autres compartiments environnementaux en souffrance, on tire souvent les mêmes constats qu’il y a trente ans, et on propose d’y remédier avec des recettes similaires.

Ainsi, pour ce qui est de l’aménagement du territoire, l’Agence plaide pour une meilleure planification spatiale. Il est vrai que celle-ci peut en effet jouer un rôle éminemment structurant pour mettre en place des modes de consommation, bâti ou non, plus économes en ressources. Ce faisant, elle peut contribuer à réduire la consommation d’énergie pour les déplacements et le chauffage des locaux, et à éviter l’intrusion des infrastructures urbaines dans les milieux naturels.

Dans les rêves les plus fous de l’Agence, une approche intégrée de la planification spatiale permettrait l’optimisation des opportunités de développement économique et des services systémiques, la réduction de l’exposition humaine aux pressions environnementales, ainsi que la réduction des inégalités. Un horizon qui semble lointains au vu du diagnostic environnemental dressé.

Une planification spatiale heureuse pourrait s’envisager sur la base conjuguée de restrictions renforcées sur l’étalement urbain et de restrictions sur le développement des zones urbaines. Sur ce point, le paradoxe mis en évidence par l’Agence, s’il est pertinent, est néanmoins un peu court. En effet, elle oppose l’attitude des individus à préférer encore et encore vivre à proximité de la nature, ou ce qui y ressemble, plutôt que dans un cadre urbain compact, au pragmatisme des autorités publiques, qui imposent souvent des restrictions à l’importance de la densification en centre urbain pour y préserver l’identité culturelle et la qualité urbaine.

Si ce paradoxe n’est pas infondé, il est présenté de manière un peu caricaturale. Dans les faits, la situation est plus nuancée. Fondamentalement, les gens sont profondément divers quant à leurs aspirations. Et fondamentalement, des formes urbanistiques éminemment urbaines pourraient en satisfaire quantité, leurs besoins d’espaces et de verdure pouvant être rencontrés par un espace public généreux, amène et bien entretenu. Tout un défi.