L’effondrement, cette peur légitime que notre système économique et nos institutions s’effondrent. Qu’ en est-il vraiment ? Est-on vraiment dans une catastrophe à la « Don’t look up » et n’osons-nous même plus regarder l’effondrement en face ?
Revenons ensemble sur ce qui fait peur, mais, qui peut également être une réalité qui nous incite à sereinement faire des choix.
En 2018, Canopea (alors IEW) avait produit un dossier sur l’effondrement. Ici je vais plutôt vous proposer une posture que je prends quand je traite de cette question qui peut être très personnelle.
Un tout petit peu de théorie : c’est quoi l’effondrement ?
Pour répondre à cette question, je vous invite chaleureusement à écouter cette conférence d’Emmanuel Prados : tout y est dit. Pour être très bref, l’ effondrement serait une rupture radicale/ fin brutale d’une société provoquée par une défaillance du système. On peut scinder les types d’effondrements en deux grandes familles. Les effondrements structurels qui sont d’origines organisationnelles et sociétales et les effondrements biophysiques qui touchent surtout aux questions de pénuries, de dégradation des ressources mais aussi de la transformation de notre milieu en une zone inhabitable. Durant l’histoire de l’humanité Il y a déjà eu de nombreux effondrements de civilisation1 (Empire romain, Iles de Pâques…).
Par rapport à notre situation actuelle, la science est assez claire : au vu de la direction prise par notre société et notre surconsommation, il semble très probable, si nous ne changeons pas radicalement que nous vivions une forme d’effondrement. Nous vivons en consommant plus que ce notre planète est capable de nous fournir (le jour du dépassement). Les 9 limites planétaires, qui sont toutes des risques d’effondrements biophysiques sont de plus en plus atteintes et dépassées pour 6 d’entre elles.
Une des particularités des effondrements biophysiques c’est qu’ils précèdent les effondrements structurels qui peuvent être leur conséquence. Une sècheresse entraine une famine, qui peut entrainer une guerre… La bonne nouvelle c’est que l’inverse est bien plus difficile. Ainsi si notre société s’effondre structurellement il n’est pas dit qu’il n’y ait plus rien à sauver de notre environnement et de nos ressources.
Et nous, où va-t-on ?
Soyons clairs, il n’est plus possible d’éviter une certaine forme d’effondrement. Cependant, il est toujours possible d’éviter que cet effondrement soit trop lourd et de permettre aux générations futures et à nos petits-enfants de rester dans un monde vivable. De plus, il n’est pas dit qu’au cours et après les effondrements aucune forme d’organisations et de valeurs sociales ne soient préservées voir même valorisées. « Ceux qui survivent le mieux aux conditions difficiles ne sont pas forcément les plus forts, mais ceux qui s’entraident le plus »2.
Prenons l’exemple du climat : pourquoi est-il si important de ne pas dépasser les 2°C de température moyenne annuelle ? Car si on le fait, notre planète va arriver à un niveau de réchauffement qui peut emballer le phénomène et créer une réaction en chaîne, qui, je l’avoue, peut légitimement faire peur. Le phénomène risque de s’amplifier en s’auto-alimentant.
L’ensemble des points de basculement et leur limite :
Un schéma simplifié du phénomène :
Alors que faire ?
Peut-être, commencez par l’accepter. Car cela permet de lucidement vivre avec ce constat. Ne plus se voiler la face. Ce fut pour moi une façon très honnête et très simple de comprendre qu’il faut vivre avec ce qu’on l’a, et qu’il faut porter les valeurs de sobriété et du respect des limites à bras le corps. Cela importe peu que cela ne change pas grand-chose ; qu’on n’est pas les vraies responsables et que patati patata (placez ici l’excuse de votre choix). On n’a pas le choix. Il faut faire avec et agir en connaissance de cause.
Pour moi, il est vrai que tout cela n’a pas beaucoup de sens, mais cela n’empêche pas d’agir en étant le plus cohérent et humain possible. Bref : « Life is a piece of shit when you look it and always look on the bright side of life »3. C’est sans doute un optimisme naïf ou de la philo de comptoir, mais je reste profondément convaincu qu’il n’y a pas de plus légitime philosophie.
Je voulais finir cette année sur ce sujet qui me tient à cœur, qui me stimule et me remue les tripes. L’effondrement c’est accepter que dans la cause climatique, : Oui, la fin pourrait justifier les moyens ; Oui, il faut se battre ; Car Oui, le risque est bien réel que notre planète devienne pratiquement invivable durant des dizaines voire des centaines de générations.
Ceci est ma dernière contribution à Racines. Rien de tel qu’un sujet de potentielle fin de notre monde pour tirer sa révérence. Ma première nIEWs/Racines a été sur le rapport de l’OCDE intitulée « the crucial next decade ». Parler de l’effondrement, c’est une belle façon selon moi de boucler la boucle.
Au plaisir, et d’avance bravo pour vos luttes futures.
Pour aller plus loin :
Trajectoires of the Earth System in the Anthropocene
Pour bien rigoler :
Le petit guide de l’effondrement
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- Jared Diamond, Collapse, 2005
- L’entraide, l’autre loi de la Jungle, Pablo Servigne et Gauthier Chapelle
- Chanson des Monty Python, Life Of Brian, Always look on the bright side of life