Dans un récent communiqué de presse, le Centre National d’Information Indépendante sur les Déchets en France témoigne des résultats de la première phase du Grenelle de l’environnement sur les déchets.
« Si nous ne pouvons que saluer les orientations prises dans le domaine de la prévention, de la responsabilité élargie du producteur et de la tarification incitative, nous déplorons l’incohérence qui consiste à continuer à autoriser la construction de nouveaux incinérateurs » déclare Florence Couraud, directrice du Centre National d’Information Indépendante sur les Déchets.
Au mépris de la Directive européenne réglementant la nature des déchets inertes pouvant être recyclés dans les travaux publics, ces déchets toxiques que sont les mâchefers, qui contiennent des métaux lourds, et des polluants organiques persistants, continuent à être disséminés un peu partout. Comme pour la pollution du Rhône, par les PCB, ces polluants se répandent dans les eaux, se sédimentent en partie, s’accrochent aux végétaux mais, surtout, se fixent dans les graisses animales et contaminent toute la chaîne alimentaire.
Ces contaminations ne sont pas de courte durée. Elles persisteront durant plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines d’années. À cause de ces disséminations de polluants, dans très peu de temps, nous ne pourrons plus manger ni coquillages, ni poissons de la Méditerranée. Il est désormais interdit de consommer les poissons du Rhône.
A l’issue du Grenelle sur les déchets, on apprend que l’incinération est encouragée par des mesures fiscales incitatives. Nous demandons que ces déchets ne soient plus considérés comme inertes et que les salariés soient protégés de leurs caractères cancérigène, mutagène et repro-toxique (CMR).
Mâchefers, explications
Les mâchefers sont les résidus solides de l’incinération de déchets; ils représentent une masse importante de déchets problématiques à gérer. En effet, chaque tonne de déchets ménagers incinérée produira de l’ordre de 300 kg de mâchefers et 50 kg de REFIOM, déchets toxiques (résidus de fumées d’incinérateurs d’ordures ménagères).
Ce qui indique une fois de plus que l’incinération n’est pas un procédé d’élimination efficace et « pur » qui ne laisse rien derrière lui…. Ce sont plus de 30% de la masse incinérée qui persiste en concentrant toute une série de polluants problématiques et le plus souvent toxiques.
En Région wallonne
En Région wallonne, la valorisation des mâchefers est prévue dans l’arrêté du 14 juin 2001 qui favorise la valorisation de certains déchets. Il spécifie que les mâchefers n’ayant pas été mélangés avec des cendres volantes et répondant au test d’assurance qualité (voir annexe III de l’arrêté), peuvent servir à des travaux de sous-fondation. Les mâchefers peuvent donc, sur base de certains critères être utilisés comme fondations de route, pistes d’aéroport… Cette valorisation demande cependant une comptabilité rigoureuse des déchets valorisés et un certificat d’utilisation.
Cependant, dans la pratique, la destination finale des mâchefers reste problématique car ils n’obtiennent pas toujours de certificat d’utilisation (concentrations trop élevées en métaux lourds et polluants organiques persistants). Dans certains cas, des dépôts provisoires se forment à proximité des incinérateurs « en attendant que… ».
Le décret régional du 22 mars 2007 ( Décret fiscal favorisant la prévention et la valorisation des déchets en Région wallonne) maintient que les mâchefers à mettre en décharge (n’ayant pas de certificat de valorisation car trop dangereux) seront exonérés partiellement de la taxe de mise en décharge : en effet cela ne « coûtera » que 12,5¤/tonne.
A titre de comparaison, le montant de la taxe sur la mise en C.E.T. des déchets ménagers est fixé depuis début 2008 à 20 euros/tonne pour les déchets non dangereux, et à 25 euros/tonne pour les déchets dangereux. A partir de 2010, les montants seront portés respectivement à 60 et 65 ¤/t.
Pour les déchets industriels non dangereux, le montant de la taxe sur la mise en C.E.T. est fixé à 35 euros/tonne et il sera porté à 60 euros/tonne à partir de 2010. Lorsqu’il s’agit de déchets industriels dangereux, le montant est porté à 40 et 65 ¤/t à partir de 2010.
Encore et toujours la prévention
Que cherche le gouvernement wallon avec cette mesure d’exonération partielle ? À éviter les dépôts temporaires de déchets dangereux en bordure des incinérateurs ? À montrer que quand même, l’incinération sera taxée via ses résidus; ce qui pourrait amener les gestionnaires à refaire leurs calculs de « rentabilité » des filières ?
La conclusion d’Inter environnement wallonnie n’est pas neuve: en matière de déchets, rien ne vaut la prévention… Ne pas produire de déchets, la dématérialisation d’une série de services, le réemploi, les ateliers de réparation, les achats durables… sont des pistes parmi d’autres, très nombreuses, qu’il convient de développer.
Quand on constate que dans les déchets ménagers à incinérer on retrouve principalement de la matière organique, des emballages plastiques et cartons, des encombrants «marchandises aussi tôt achetées- aussi tôt jetées »… nous sommes en droit de remettre en cause le développement de certaines filières. L’organique peut être recyclé (compostage) et valorisé (production de biogaz). Les emballages peuvent (souvent) être évités et leur composition peut être revue pour en assurer un bon recyclage. Les encombrants touchent un éventail large de produits qui pourraient être réutilisés, réparés, revus en terme de cycle de vie (durabilité, recyclabilité, énergie consommée…).
Même s’il est vrai – ne soyons pas utopistes – que la société zéro déchet n’est pas pour demain…