Quelle mobilité pour demain ?  

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Analyse du volet mobilité du programme des partis 

EN RÉSUMÉ… 

Le secteur des transports représente près du quart des émissions de gaz à effet de serre belges. Il est donc urgent d’agir à tous les niveaux si l’on veut limiter le dérèglement climatique. Mais que proposent les différents partis politiques ? Cet article présente une analyse des mesures “mobilité” issues des programmes des partis pour les élections du 9 juin 2024. Sur base de 683 mesures, de cette analyse se dégage un relatif consensus entre partis sur la mise en avant du report modal comme levier principal d’une mobilité durable. Toutefois, plusieurs partis souhaitent promouvoir les modes alternatifs sans dissuader (voire en promouvant) l’usage des modes les plus émetteurs de gaz à effet de serre ce qui, au regard de la littérature scientifique, ne permettra pas d’induire un report modal suffisant pour répondre à l’enjeu climatique. On remarque également des différences significatives dans les approches, Écolo privilégiant davantage le travail sur la demande en mobilité, les Engagés valorisant particulièrement le taux de remplissage des véhicules (covoiturage et autopartage), le PS et le PTB soutenant davantage le report modal vers les transports en commun, tandis que le MR et DéFI proposent relativement plus de mesures d’intensité carbone (électrification, carburants alternatifs, etc.). On remarque également une opposition autour des mesures promouvant l’efficacité énergétique, les partis se situant à différents endroits d’un spectre entre mesures de sobriété et mesures technologiques. 

INTRODUCTION 

La mobilité est une composante essentielle de nos vies. En effet, un Belge se déplace en moyenne près d’1 heure par jour1. De plus, chaque jour, 758.000 tonnes de marchandises sont transportées par la route, 447.500 par la voie d’eau et 160.000 par le rail2

Malheureusement, une telle mobilité n’est pas sans impact pour l’environnement. En effet, le secteur des transports représente près du quart (23,4% en 2022) des émissions de gaz à effet de serre (GES) de notre pays. De plus, il est l’un des seuls secteurs dont les émissions ont augmenté depuis 1990…  

En 2017, la Wallonie s’est dotée d’une vision à long terme (la vision FAST 2030) pour réduire les émissions de gaz à effet de serre liées au transport de 35% d’ici 2030. Depuis lors, les trajectoires en matière de réchauffement climatique global se sont toutefois dégradées et l’Union Européenne a revu son objectif à la hausse pour viser 47% de réduction. Dans le même temps, force est de constater que la réalisation des objectifs de la vision FAST 2030 se fait de plus en plus improbable. Il est donc urgent de compléter la Stratégie Régionale de Mobilité wallonne (qui découle de cette vision) par des mesures ambitieuses.  

Mais que proposent les différents partis pour répondre à cet enjeu ? Cet article se propose d’analyser à l’aune du changement climatique les mesures en matière de mobilité que les partis politiques ont inclus dans leurs programmes électoraux pour 2024. 

MÉTHODOLOGIE 

Nous avons commencé par identifier l’ensemble des mesures mobilité incluses dans les programmes électoraux et les avons agrégées dans une feuille de calcul. Ce recensement a été effectué en collaboration avec les Shifters Belgium pour une analyse à paraître. 

Ensuite, nous avons classé chaque mesure selon : 

  • Le type de flux (personnes ou marchandises) 
  • L’échelle (transport intérieur ou international) 
  • Le mode (marche, vélo, EDPM, métro-tram-bus, train, véhicule motorisé, bateau, avion, intermodal (combinaison de plusieurs modes) ou transversal (tous modes confondus)3
  • Le levier mobilisé (demande de transport, report modal, taux de remplissage, efficacité énergétique, intensité carbone, régression ou pas de levier4

Concernant ces leviers, nous avons fait le choix de nous concentrer sur l’impact climatique des mesures. Ainsi, les mesures classées dans la catégorie « pas de levier » peuvent avoir un impact environnemental (par exemple sur la pollution de l’air ou la pollution sonore) mais pas climatique. 

Enfin, nous avons comptabilisé le nombre de mesures par mode ainsi que par levier pour chaque parti. Pour les mesures concernant à la fois le transport de personnes et de marchandises (comme les mesures liées aux infrastructures routières ou ferroviaires), nous avons opté pour une allocation paritaire et avons rajouté la moitié de leur nombre au nombre de mesures pour chacune des deux catégories, ceci afin d’éviter tout biais lié au double comptage d’une mesure. 

Une limite importante de notre analyse est qu’elle ne considère pas l’ampleur de l’impact d’une mesure. En effet, elle comptabilise de la même manière une mesure avec un impact marginal sur le dérèglement climatique et une mesure avec un impact substantiel. Toutefois, ce choix a été fait en raison de l’incertitude sur l’impact d’une mesure, étant difficile d’isoler les impacts d’une mesure et de prendre en compte les éventuels effets rebonds. De manière générale, nous avons appliqué le principe de précaution et n’avons considéré une mesure comme une « régression » (c’est-à-dire en opposition avec les efforts climatiques) qu’en cas de preuves manifestes. 

Quels leviers pour une mobilité durable ? 

Dans la présente analyse, nous avons opté pour la classification des mesures de décarbonation proposée par l’ingénieur français Aurélien Bigo5

Ce dernier considère 5 grandes catégories de mesures : 

  • Des mesures jouant sur la demande de transport,  
  • Des mesures de report modal (i.e. de remplacement d’un mode de déplacement par un autre),  
  • Des mesures maximisant le taux de remplissage des véhicules,  
  • Des mesures améliorant l’efficacité énergétique (des véhicules mais aussi de leur usage) 
  • Des mesures améliorant l’intensité carbone, incluant à la fois des mesures de changement de vecteur énergétique et des mesures d’amélioration de la production d’un vecteur donné. 

Certaines de ces catégories peuvent contenir à la fois des mesures technologiques et de sobriété. Ainsi, si sobriété et technologie ne sont pas totalement décorrélées du type de mesure, elles n’en restent pas moins indépendantes. 

À titre d’exemple, on peut citer les mesures suivantes : 

 Transport de personnes Transport de marchandises 
Demande de transport Densification 
Réduction de l’étalement urbain Réduction de l’étalement logistique 
Recours au télétravail   
Production et consommation locales 
Report modal Utilisation accrue de la marche   
Utilisation accrue du vélo 
Utilisation accrue du bus et du car   
Utilisation accrue du train 
 Utilisation accrue du bateau 
Utilisation réduite de la voiture Utilisation réduite du camion 
Utilisation réduite de l’avion 
Taux de remplissage Covoiturage Consolidation 
Autopartage 
Efficacité énergétique Réduction du poids des véhicules   
Réduction de la vitesse sur les axes rapides 
Réduction de la vitesse en ville 
Ecoconduite 
Progrès moteur 
Intensité carbone Electrification 
Agrocarburants 
Gaz naturel (compressé ou liquéfié) 
Biogaz 
 Méthanol 
Carburants de synthèse (hydrogène, éthanol) 
Autres leviers Taxe carbone 

RÉSULTATS 

Au total, nous avons recensé 683 mesures « mobilité » dans les programmes des partis (Figure 1). On remarque une forte variabilité du nombre de mesures au niveau de l’échantillon, les Engagés proposant 268 mesures alors qu’Ecolo et DéFI n’en proposent « que » 44. 

Figure 1 : Nombre de mesures par parti et par type de flux 

Nous avons supprimé les doublons autant que possible. Toutefois les programmes des Engagés et du PS (qui comptent le plus de mesure) intègrent de nombreuses mesures très similaires, qui ne diffèrent entre elles que sur des points de détail (par exemple la précision d’un public cible). Nous avons choisi de garder ces mesures. Cela peut entraîner un léger biais, toutefois tempéré par le nombre important de mesures, permettant de conjecturer l’application de la loi des grands nombres.  

Si ce recensement comptabilise un nombre suffisant de mesures pour la mobilité des personnes, chez certains partis, ce nombre est très limité pour le transport de marchandises (même après complément par la moitié des mesures mixtes). Les résultats obtenus sont donc biaisés par le très faible nombre de mesures liées à la mobilité des marchandises. Ce biais d’échantillonnage se retrouve en particulier chez DéFI, au PTB et chez Écolo. 

Vers une mobilité durable (des personnes) ? 

Quels modes de déplacement les partis veulent-ils réformer en priorité ? 

En matière de modes de déplacement, on remarque une tendance chez Écolo et au PS à privilégier des mesures transversales (c’est-à-dire couvrant plusieurs modes ; voir Figure 2). 

Figure 2 : Pourcentage de mesures par parti et par mode de transport (mobilité des personnes consolidée) [*inclue les 2 roues motorisées]

Chez Écolo, cette transversalité est induite par une volonté de rééquilibrer le partage de l’espace public, en accord avec le principe STOP6, ce qui se traduit par de nombreuses mesures d’aménagement, notamment de rues scolaires. De plus, Écolo promeut des mesures de réduction de la vitesse maximale autorisée (s’appliquant à tous les modes) ainsi que des mesures prônant une relocalisation (tant pour les marchandises que pour les personnes) et la sécurité des femmes. 

Au PS, la transversalité est principalement liée à une réflexion sur la gouvernance de la mobilité (création d’une vision interfédérale de la mobilité, opérationnalisation de la vision FAST 2030, organisation de la mobilité autour des bassins de mobilité, extension des centrales locales de mobilité, soutien aux communes, meilleure coordination entre pays européens, etc.) ainsi que par une réflexion autour de la mobilité au travail qui intègre l’ensemble des modes de déplacement (en privilégiant néanmoins les modes alternatifs). 

Lorsque l’on analyse les modes isolément, on remarque un fort intérêt chez Écolo et DéFI pour les modes actifs. Cet intérêt s’explique particulièrement chez DéFI par un fort ancrage bruxellois.  

Outre chez Écolo (et dans une moindre mesure chez DéFI), on remarque chez l’ensemble des partis une priorité pour les transports en commun. Ainsi, les transports en commun sont le mode de déplacement le mieux représenté tant chez les Engagés qu’au PS ou au PTB. Lorsque l’on différencie les transports en commun en fonction des prérogatives régionales (métro-tram-bus ou MTB) et fédérales (train), on remarque une précision plus importante dans les mesures (moins de mesures générales) et une meilleure couverture du transport régional (du TEC en particulier) chez les Engagés (Figure 3). On remarque également un fort intérêt pour le train au MR, au PS et (dans une moindre mesure) chez Écolo. 

Figure 3 : Pourcentage de mesures transport en commun par parti et par niveau institutionnel

Le MR est le parti qui propose le plus de mesures liées aux véhicules motorisés. Ces mesures sont d’ordre fiscal (frais professionnels), infrastructurel (entretien des routes, réseau de bornes de recharge), réglementaire (renforcement des sanctions), budgétaire (renforcement des contrôles) ou encore technologique (véhicules autonomes, feux intelligents, gestion dynamique des voies). A contrario, le PS est le parti qui parle le moins des véhicules motorisés. 

Enfin, en ce qui concerne l’avion, l’ensemble des partis traitent de la problématique dans des proportions similaires. Néanmoins, les approches diffèrent fortement : tandis que DéFI défend principalement des mesures de restrictions liées aux nuisances de l’aéroport de Bruxelles-National, le MR désire avant tout augmenter la compétitivité des aéroports via une plus grande privatisation, s’opposant ainsi au PTB qui souhaite renationaliser Brussels Airport. Les Engagés, le PS et Écolo, quant à eux, cherchent un équilibre entre réduction des nuisances, développement de carburants alternatifs et mesure de réduction de (certains) vols. 

Quels leviers les partis privilégient-ils ? 

Le MR est le parti possédant le moins de mesures intégrant un levier de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), suivi d’assez loin par le PS (Figure 4). Les deux partis diffèrent toutefois sur les mesures non environnementales proposées. 

Figure 4 : Pourcentage de mesures par parti et par impact climatique (mobilité des personnes consolidée) 

En effet, le MR prône principalement des mesures technologiques (Smart Mobility, feux intelligents, digitalisations) dont les effets sur l’environnement sont incertains du fait de l’utilisation massive de données, des mesures sécuritaires ainsi que des mesures de gestion et de rationalisation. De son côté, le PS porte une vision inclusive de la mobilité, axée sur l’accessibilité pour toutes et tous, en particulier les personnes à besoins spécifiques, ainsi qu’une réflexion sur l’organisation institutionnelle de la mobilité.  

Les deux partis s’opposent également sur la libéralisation du rail, le MR soutenant cette libéralisation tandis que le PS (et le PTB) s’y opposent. Les autres partis ont pour leur part évité la question. 

Outre les mesures n’intégrant pas de leviers de réduction des émissions de GES, le MR est également le parti dont le programme intègre le plus de mesures « régressives », juste devant le PTB. Ces deux partis se démarquent notamment par des mesures de soutien direct ou indirect à l’usage de la voiture individuelle, allant à l’encontre d’une politique de report modal pourtant également prônée par les deux partis. Ces mesures soutiennent une réduction de la taxation, sans prendre en compte les effets redistributifs éventuels consécutifs à une augmentation des recettes fiscales. Or, s’il est vrai que les ménages les plus précaires possèdent souvent des véhicules moins efficaces énergétiquement, ces derniers sont généralement plus légers et moins puissants que ceux possédés par les ménages à haut niveau de revenu. Ainsi, en orientant les augmentations de taxation vers les véhicules les plus lourds et les plus puissants, et en redistribuant les revenus additionnels en priorité aux ménages les plus précaires, notamment ceux dépendant de leur véhicule, une augmentation de taxation pourrait bénéficier aux plus précaires. 

Tant le MR que le PTB prônent également un retour en arrière sur la taxe sur les billets d’avion (le PTB la remplaçant toutefois par une taxe sur les jets privés, aux effets malheureusement plutôt symboliques). De plus, le MR se montre en faveur de grands travaux, tels l’extension de la RN54 ou encore la finalisation d’un Métro 3 bruxellois dont l’utilité réelle a été fréquemment remise en question et pour laquelle il existe une alternative moins impactante pour l’environnement (le Prémétro+). 

En matière de leviers de réduction des émissions de GES, on remarque que celui de loin le plus utilisé par l’ensemble des partis est le report modal (Figure 5). Ce levier regroupe l’ensemble des mesures promouvant des modes de déplacement alternatifs à la voiture individuelle, en premier lieu les modes actifs (marche, vélo) et les transports en commun. 

Figure 5 : Pourcentage de mesures par parti et par levier (mobilité des personnes consolidée)

La modification de la demande en transport rassemble des mesures liées à l’aménagement du territoire, des incitants à réduire ses déplacements, ou encore des restrictions/quotas). Elle est principalement utilisée par Écolo. À noter du côté des Engagés un fort intérêt pour le télétravail et le développement d’espaces de co-working. De l’autre côté du spectre, aucune modification de la demande n’est considérée par le PTB. 

Le taux de remplissage des véhicules (caractérisé notamment par le recours au covoiturage et à l’autopartage) est quant à lui principalement mobilisé par les Engagés. 

L’amélioration de l’efficacité énergétique regroupe à la fois des mesures de sobriété (par exemple la réduction de la vitesse maximale autorisée, la réduction du gabarit des véhicules ou l’écoconduite) et des mesures technologiques (par exemple l’amélioration des motorisations). De telles mesures sont principalement mobilisées dans leur composante sobriété par Écolo et dans leur composante technologique par le MR, tandis que les Engagés adoptent une approche intermédiaire (tant des mesures de sobriété que technologiques). 

Enfin, les mesures d’intensité carbone (liées notamment à l’électrification et aux carburants alternatifs) sont davantage présentes au MR et chez DéFI. Le MR en particulier se différencie des autres partis par son principe de « neutralité technologique », qui le pousse, malgré une forte promotion de l’électrification, à ne pas fondamentalement privilégier une technologie par rapport à une autre.  

Vers un transport de marchandises durable ? 

Quels modes de transport les partis veulent-ils réformer en priorité ? 

En matière de transport de marchandises, on peut noter chez Écolo et au PS la même tendance à la transversalité qu’avec les personnes (Figure 6). 

Figure 6 : Pourcentage de mesures par parti et par mode de transport (mobilité des marchandises consolidée) [*inclue les camionnettes (<3T)]

 En termes de modes, on peut remarquer la relative absence de la cyclo-logistique dans les différents programmes : seul le PS (et Écolo dans une moindre mesure) y fait explicitement référence. 

En ce qui concerne le train, c’est chez DéFI, aux Engagés et chez Écolo que l’on retrouve le plus de mesures. Toutefois, pour DéFi, les résultats obtenus sont (comme expliqué plus haut) particulièrement biaisés par le nombre très faible de mesures liées à la mobilité des marchandises. 

Concernant la voie d’eau, c’est le MR qui la mentionne le plus, suivi par le PS. Cette prise en compte est notamment liée à la politique portuaire. Au contraire, le transport fluvial n’apparait pas dans les programmes de DéFI et du PTB. Toutefois, si la voie d’eau n’apparait pas dans le programme du PTB, ce dernier est le parti mentionnant le plus la combinaison entre les transports fluviaux et ferroviaires (considération intermodale également présente chez DéFI). 

Enfin, la problématique des camions est principalement abordée par le PTB et le MR. Néanmoins, l’occurrence de la problématique du côté du MR est principalement liée à la présence de nombreuses mesures concernant les infrastructures routières, mesures partagées (suivant la méthodologie adoptée) entre le transport de personnes et le transport de marchandises. Les deux partis se rejoignent sur le problème du temps de repos des chauffeurs, proposant toutefois des mesures différentes (contrôles renforcés pour le MR, aménagement d’aires de stationnement et abandon du « Just-in-Time » pour le PTB). 

Quels leviers les partis privilégient-ils ? 

En matière de fret, Écolo se distingue particulièrement des autres partis en ce qui concerne la mobilisation des leviers de réduction des gaz à effet de serre (GES), n’ayant intégré dans son programme que des mesures ayant un impact positif pour l’environnement (et donc aucune mesure neutre ou à impact négatif ; voir Figure 7). 

Figure 7 : Pourcentage de mesures par parti et par impact climatique (mobilité des marchandises consolidée)

En ce qui concerne cet impact négatif, seuls les Engagés et le PS possèdent une mesure « régressive » : l’expérimentation de véhicules plus longs et plus lourds (VLL, aussi appelés éco-combis) qui, s’ils ont un impact direct positif sur les émissions de GES (plus de marchandises transportées), s’opposent au principe de report modal (du fait notamment d’une réduction des coûts d’un transport routier déjà peu cher grâce à des avantages fiscaux tels le diesel professionnel). Le MR quant à lui pâti ici de ses mesures en faveur de l’infrastructure routière et du trafic aérien. 

Figure 8 : Pourcentages de mesures par parti et par levier (mobilité des marchandises consolidée) 

Comme pour le transport de personnes, la plupart des mesures liées au transport de marchandises portent sur le report modal (vers la voie d’eau et le rail). 

Seuls trois partis considèrent des mesures de modification de la demande de transport de marchandises : DéFI, Écolo et les Engagés. Ces mesures sont fortement (voire exclusivement pour DéFI) liées au trafic aérien, complémentées par quelques mesures d’aménagement du territoire. À noter chez les Engagés la volonté d’ « encadrer strictement les retours e-commerce », phénomène induisant de nombreux trajets évitables. 

Le parti mobilisant le plus de mesures influençant le taux de remplissage est le PTB. Cette relative importance est toutefois liée au faible nombre de mesures fret du PTB, celui-ci ayant en absolu autant de mesures prônant le taux de remplissage que les Engagés ou le PS. Le MR, DéFI et Écolo, quant à eux, ne mobilisent pas ce levier. 

Les mesures d’efficacité énergétique ne sont prônées que par le PS, Écolo et les Engagés. Toutefois, aucune des mesures du PS et d’Écolo jouant sur ce levier ne sont des mesures spécifiques au transport de marchandises, seuls les Engagés proposant une mesure (technologique) liée au transport aérien. 

Enfin, c’est au MR que l’on trouve le plus de mesures liées à l’intensité carbone, avec de nombreuses mesures soutenant l’adoption de carburants « neutre en carbone ». 

CONCLUSION 

La présente analyse confirme les tendances identifiées lors de l’analyse publiée par le mouvement environnemental en mars dernier, soulignant un soutien plus poussé aux mesures environnementales chez les partis de la gauche et du centre. Elle nuance toutefois également ces tendances aux regards des enjeux spécifiques à la mobilité. 

On remarque en particulier un consensus large sur la volonté de stimuler un report modal vers les modes actifs et (encore plus) les transports en commun. Néanmoins, certains partis (notamment le MR et le PTB) promeuvent des alternatives sans dissuader l’usage des modes de transports les plus émetteurs de gaz à effet de serre, voire en en promouvant (indirectement) l’usage. Or, on peut légitimement se demander si des mesures de promotion suffiront à elles seules à enclencher un réel report modal. En effet, une récente méta-analyse effectuée par des chercheurs de l’Université de Cambridge7 a souligné qu’en matière de report modal, des mesures incitant l’usage de modes alternatifs ne suffisent généralement pas et doivent être complémentées par des mesures dissuadant l’usage de la voiture individuelle. 

Au niveau des autres leviers, on note (particulièrement chez Écolo) une poussée (encore insuffisante) pour des mesures de modification de la demande en transport, poussée qui, chez certains partis (notamment les Engagés), semble une conséquence directe de la crise sanitaire de 2020. On remarque également un léger intérêt pour les mesures d’efficacité énergétique, mais avec un clivage assez fort entre mesures de sobriété (portées principalement par Écolo) et mesures technologiques (portées principalement par le MR), les autres partis se situant soit à l’interface entre ces deux approches (en particulier les Engagés), soit en dehors de ce levier (le PTB et DéFI). En ce qui concerne les mesures de taux de remplissage, on remarque un intérêt relativement homogène des différents partis en ce qui concerne le transport de personnes (covoiturage et autopartage notamment), avec un intérêt légèrement accru du côté des Engagés ; pour ce qui est du transport de marchandises l’intérêt est en revanche plus clivant, certains partis (MR, DéFI et Écolo) ne mobilisant pas ce levier tandis que les autres (PTB, PS, Engagés) y accordent une importance significative. Enfin, les mesures d’intensité carbone (et en particulier d’électrification) font l’objet de davantage d’intérêt à droite et au centre de l’échiquier politique, les partis de gauche couvrant toutefois également ce levier. 

Crédit image d’illustration : Adobe Stock

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  1. Service public fédéral Mobilité et Transports. (2019). Enquête Monitor sur la mobilité des Belges
  2. Données pour l’année 2022. Transport routier : Statbel – Transport fluvial : Eurostat (Transport by type of good (from 2007 onwards with NST2007) [iww_go_atygo]) – Transport ferroviaire : Infrabel
  3. Ces modes sont ceux présents dans les différents programmes. Les modes non recensés (comme le cheval/les attelages ou le transport par tube/canalisation par exemple) n’ont pas été inclus.
  4. Ces leviers sont basés sur ceux utilisés pas le chercheur français Aurélien Bigo [voir encadré ci-dessous]
  5. Bigo, A. (2020). Les transports face au défi de la transition énergétique. Explorations entre passé et avenir, technologie et sobriété, accélération et ralentissement. Thèse de doctorat de l’Institut Polytechnique de Paris préparée à l’École Polytechnique.
  6. Principe qui hiérarchise les modes de déplacement en fonction de leur coût externe. Pour plus d’information sur ce principe, voir notre vidéo « Les usagers ont tous la même valeur, pas les modes ! »
  7. Xiao, c. et al. (2022). Shifting towards healthier transport: carrots or sticks? Systematic review and meta-analysis of population-level interventions. Lancet Planet Health, 6, pp. 858-869