En juin de cette année, nous nous offusquions de l’organisation du « Rally of Bertrix ». Manifestement, les rallyes et autres courses d’engins motorisés, funestes anachronismes, scandalisent bien au-delà des rangs de Canopea. Ainsi, en 2018, un médecin namurois nous adressait un texte pour manifester son indignation face au rallye de Wallonie. Parmi les personnes qui nous ont contactés à ce sujet ces derniers mois, un citoyen (qui a préféré garder l’anonymat) nous a transmis une lettre ouverte aux Ministres concernés. Tout à fait en phase avec notre propre analyse, il nous a semblé utile de la publier.
À Madame Valérie De Bue, Ministre wallonne de la Sécurité routière
À Monsieur Philippe Henry, Ministre wallon du Climat, de l’Énergie, de la Mobilité et des Infrastructures
À Monsieur Georges Gilkinet, Ministre fédéral de la Mobilité
Je vous contacte ce jour pour vous faire part de mon étonnement : en 2023, la Wallonie et ses collectivités locales autorisent encore des évènements tels que des rallyes automobiles sur leurs territoires et les voiries publiques.
J’ai tenté de mettre en parallèle les bienfaits et les méfaits de l’organisation d’un tel évènement pour la collectivité. Au vu de la balance, je n’arrive pas à comprendre comment il est possible d’encore les autoriser.
Pour les bienfaits :
- du divertissement pour les spectateurs, soit une minorité de populations locales et supra-locales ;
- de l’animation dans quelques villes et/ou villages avec des liens sociaux qui se créent autour d’un tel évènement (association villageoise, comité des fêtes…) ;
- quelques retombées économiques locales, notamment pour ces associations mais aussi pour les vendeurs de saucisses et de bières (à voir si cela profite plus aux supermarchés ou aux petits commerces locaux).
La liste des méfaits est malheureusement bien plus longue :
- coûts de l’organisation pour la collectivité (effectifs de police, matériel de sécurisation…) ;
- risques en matière de sécurité pour les pilotes et les spectateurs ;
- dégradation des routes et voiries publiques, dégradation des bas-côtés…et donc coûts pour la collectivité : après les coûts d’organisation, les coûts de réparation ;
- apologie de la vitesse sur la route alors que les objectifs sociétaux sont tout le contraire (objectifs de réduction du nombre de victimes sur les routes) ;
- bruit, pollution (rejet de polluants atmosphériques, abrasion de pneus, atteintes à la biodiversité) ;
- apologie des voitures thermiques alors que les objectifs sociétaux visent à se passer de ces moteurs dans un avenir proche, pour des raisons environnementales mais aussi pour des raisons d’utilisation parcimonieuse des ressources énergétiques non renouvelables et de plus en plus chères ;
- apologie d’un mode de transport pour lequel les objectifs sociétaux visent à faire baisser l’utilisation de 82 à 60% en Wallonie (voir vision FAST 2030) ;
- divertissement largement masculin (équipages mais aussi spectateurs) alors que les objectifs sociétaux sont de renforcer l’inclusivité, surtout d’évènements prenant place dans l’espace public.
Vous conviendrez que la balance entre le pour et le contre au regard des objectifs sociétaux penche largement contre ce type d’événements. D’autant que les arguments qui leur sont favorables seraient les mêmes pour d’autres événements plus en phase avec la transition énergétique et environnementale et la réduction des impacts négatifs sur nos biens communs.
Je comprends bien qu’une telle décision, pour une région ou une commune, nécessite un certain courage politique car on touche à une activité qui jouit d’une certaine popularité auprès d’un public fan de courses automobiles. C’est pourquoi il est sans aucun doute nécessaire de faire preuve d’une grande pédagogie lors de la régulation de ces évènements : bien expliquer pourquoi on fait cela et faire comprendre les enjeux de la transition énergétique et environnementale à toutes et tous.
Une interdiction de ce type d’évènement peut apparaitre symbolique au regard de ses impacts directs. Mais pour apporter de la cohérence à une ligne politique ambitieuse au niveau énergétique et environnemental, il est absolument nécessaire de pouvoir remettre en cause ces comportements problématiques (notamment l’apologie de la vitesse et de la « consommation de km »), socialement valorisés, qui ne sont plus compatibles avec les crises que nous vivons.
Pour être cohérent, le message doit aussi être en phase avec une vision plus large de la transition à l’échelle fédérale, régionale et communale. On ne régule pas uniquement le rallye bien entendu mais on agit de manière plus large sur toute une série de pratiques encore en décalage avec les objectifs sociétaux en matière de transition énergétique et environnementale et on communique sur cette vision. Ce n’est pas aux ménages les plus précaires de faire les plus gros efforts mais bien aux ménages les plus pollueurs qui ont les moyens de changer de modes de vie. Si l’on veut que ce type de mesures soit accepté par la société, il est donc nécessaire d’agir également et en parallèle sur d’autres types d’organisations, en contraignant en priorité les consommations énergétiques insoutenables des classes sociales les plus riches : jets privés, vacances en avion, grosses voitures… et en limitant le développement d’activités économiques insoutenables telles l’e-commerce basé sur le transport aérien. Il en va de la cohérence de la politique de transition.
Sur les rallyes, certaines communes ont osé faire le pas, comme Profondeville : https://www.lalibre.be/debats/ripostes/2022/11/09/faut-il-continuer-a-organiser-des-rallyes-dans-les-villages-MQMWG3TNW5C5DHGE5EQHF23I6M/
On compte sur vous pour en encourager d’autres à suivre cette voie et à les soutenir par des mesures fédérales et régionales. Vous avez une responsabilité sociétale importante. Merci de faire ce qu’il faut pour rendre notre Terre plus vivable et faire comprendre aux Wallonnes et Wallons les enjeux de la transition.
Bien cordialement,
J.C., citoyen wallon
Crédit photo d’illustration : d_e_r_i_c sur Adobe Stock
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