Bruxelles, le 17 novembre 2006 – Le président de la Commission « Energie 2030 », William d’Haeseleer, rend publiques ce vendredi les conclusions du rapport préliminaire de cette Commission sur le futur énergétique de la Belgique. Inter-Environnement Wallonie, Greenpeace et le Bond Beter Leefmilieu se félicitent de la mise en exergue de la nécessité d’accorder la priorité aux économies d’énergie. Les associations environnementales s’étonnent par contre fortement de l’importance démesurée accordée dans cette étude au nucléaire alors qu’il représente moins de 10% de la consommation finale d’énergie dans notre pays ; elles émettent également de sérieux doutes quant à la pertinence de nombreuses hypothèses considérées. Les coûts du nucléaire apparaissent ainsi très largement sous-estimés. Au vu du profil de la majorité des membres de la Commission, acquis de longue date à la cause nucléaire, les associations redoutent que ces considérations favorables à l’atome aient fait l’objet de choix délibérés visant à avantager cette technologie.
En sous-estimant systématiquement les coûts du nucléaire et en posant de nombreuses hypothèses pour le moins discutables, la Commission D’Haeseleer arrive à la conclusion que la décision actuelle de sortie de la Belgique du nucléaire (actée par une loi de 2003) doit être reconsidérée afin de limiter la hausse des coûts de production de l’électricité.
Les scénarios permettant d’aboutir à cette conclusion apparaissent toutefois totalement déconnectés de la réalité.
Ainsi, en partant du principe d’un prolongement de la durée de vie des centrales, la Commission reporte après 2030 (l’horizon de l’étude) l’un des principaux coût de la filière nucléaire, à savoir le démantèlement des réacteurs.
De même, la Commission estime curieusement qu’aucun investissement supplémentaire ne devra être réalisé pour l’entretien des réacteurs actuels. Une telle hypothèse est non seulement irréaliste pour des réacteurs qui devraient être exploités soixante ans alors que leur durée de vie initialement prévue était de trois décennies, mais elle est de plus inquiétante sur le plan de la sécurité.
Enfin, si la Commission tient compte de l’augmentation des prix des combustibles fossiles, elle «oublie» de considérer l’évolution des prix de l’uranium. L’OCDE estime pourtant qu’un doublement du prix de ce combustible induit une augmentation du coût de production d’électricité nucléaire de 10%. Or, on les prix de l’uranium ont été multipliés par huit en six ans…
Par ailleurs, la Commission D’Haeseleer envisage la construction d’un nouveau réacteur et en évalue le coût à 3 milliards d’Euros. Cette estimation apparaît pour le moins optimiste si l’on sait qu’un projet similaire développé actuellement en Finlande, et confronté à d’ailleurs confronté à de nombreux problèmes, devrait se solder par une facture de 5,2 milliards… (Il est à noter au passage que la Commission se montre nettement moins optimiste lorsqu’il s’agit des coûts de production d’électricité renouvelable qu’elle surévalue systématique, conduisant ainsi à une sous-estimation de leur potentiel de développement.) On peut en outre s’interroger sur l’emplacement de cette nouvelle centrale, compte tenu des besoins en eau et des distances de sécurité impliqués par une telle installation.
La Commission motive son option pro-nucléaire par le fait que le contexte a fortement évolué depuis la loi de sortie du nucléaire de 2003, particulièrement en ce qui concerne la hausse des prix pétroliers et la prise de conscience croissante en matière de changements climatiques. Rien n’est moins vrai. [[Il n’y a en effet rien de nouveau. La Convention des Nations Unies sur le climat fut adoptée en 1992 et l’on savait déjà que des réduction drastiques d’émissions seraient nécessaires à terme. Les premiers rapports faisant état de préoccupations concernant le caractère limité des ressources fossiles ont eux aussi été publié il y a très longtemps déjà. Il est donc fallacieux de rouvrir le débat sur la sortie du nucléaire en Belgique sur base d’un changement de contexte concernant ces deux problématiques.]]
Il est d’autre part étonnant de constater que la Commission reste muette au sujet des nouveaux investissements récemment réalisés en Belgique dans les installations de production d’électricité non-nucléaire. De nombreux projets ont en effet été mis en ½uvre ou sont aujourd’hui en construction. En 2010, soit cinq ans avant la date prévue pour la fermeture des trois premiers réacteurs, la production d’électricité de ces nouvelles installations permettra de compenser ces premières mises à l’arrêt. Et les fermetures suivantes n’interviendront pas avant 2022, soit dans un laps de temps suffisant pour mettre en place les politiques énergétiques nécessaires. Du point de vue de la sécurité d’approvisionnement, revenir sur la décision de sortie du nucléaire ne se justifie donc pas non plus.
Pour les associations environnementales, un débat sur l’avenir de l’approvisionnement énergétique de la Belgique est absolument indispensable. Il doit être mené sur base d’informations et d’arguments rationnels. Force est de constater que le rapport de la Commission D’Haeseleer, visiblement partiale et n’ayant laissé qu’une liberté de travail restreinte au Bureau fédéral du Plan, ne répond pas à cette condition essentielle.
Ce constat est d’ailleurs conforté à la lecture des conclusions d’autres études en la matière, comme par exemple celle commandée par le Ministre fédéral de l’ Environnement Bruno Tobback au Bureau fédéral du Plan et récemment rendue publique ou encore le scénario énergétique réalisé par le centre allemand d’Aérospatiale à la demande de Greenpeace.
[Annexe : une analyse du rapport préliminaire de la Commission E2030
>doc233]
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