Critiqué par les uns pour mobiliser les faibles budgets dévolus au vélo en Région wallonne, attendu par les autres dans un souci de mobilité mais aussi de développement touristique, l’extension du Réseau Autonome des Voies Lentes se fait également au détriment de la biodiversité.
Le réseau se base, en effet, pour une grande partie sur des lignes désaffectées de la SNCB ou d’anciennes lignes vicinales abandonnées depuis 20, voire 30-40 ans. Très rapidement la nature a repris ses droits dans ces milieux artificiels, où le ballast et l’exposition en plein soleil ont favorisé le développement d’espèces xérophiles de notre faune et de notre flore. Plus tardivement, la structure en réseau, le développement de taillis et des alignement d’arbres ont constitué un refuge pour des espèces victimes d’agriculture s’intensifiant et du démantèlement des éléments paysagers comme les haies, talus,… Faisant partie intégrante du réseau écologique, ces lignes inexploitées constituent, avec les cours d’eau, une trame du réseau écologique que la Wallonie tarde à développer pour arrêter l’érosion de sa biodiversité.
A plusieurs reprises, des associations ou notre fédération ont interpelé le MET afin que le RAVeL puisse prendre en compte ces aspects plus spécifiques et assurer une réelle cohabitation entre mobilité douce et biodiversité. Une cohabitation que nos voisins de Flandre ont réussie si on en juge à la fois par l’importance de leur réseau de voies lentes et par son adéquation avec les enjeux de biodiversité. La largeur et le revêtement du réseau y est liée aux spécificités des habitats naturels qui l’environnent, le revêtement est perméable dans certaines zones, la largeur de l’assiette ne dépasse pas le mètre dans certains cas. Des options difficilement envisageables pour nos aménageurs des voiries lentes wallonnes, où la référence semble plus s’apparenter à l’autoroute cyclable qu’à un véritable itinéraire cyclable.
La semaine prochaine, le Ministre Daerden et nos édiles communaux iront en grande pompe inaugurer une nouvelle section du RAVeL, sur l’ancienne ligne 126, Ciney – Modave, appelée « la Traversine », une section qui devra sous peu se prolonger jusqu’à Huy pour rejoindre le réseau existant. Une inauguration qui cache cependant l’incapacité du MET à concilier l’extension du RAVeL avec les enjeux de biodiversité.
Initialement, le projet de réaffectation cherchait à concilier mobilité douce et découverte de la nature par l’installation d’un revêtement perméable et une adaptation du parcours et des aménagements respectueuse de la biodiversité. Sur cette section, la SNCB est restée propriétaire de l’assiette qui a été peu usurpée par les riverains. La nature s’y est donc développée largement. Le tracé héberge ainsi la population de lézards vivipares la plus importante du Condroz et des batraciens. Son intérêt repose également sur le fait qu’elle offre un refuge à une multitude d’espèces au beau milieu des plaines agricoles intensives du Condroz.
Mais cette optique ne convenait manifestement pas au MET et à sa vision « autoroutière » du RAVeL.
S’en sont suivies une multitude d’infractions et d’irrégularités :
Infrabel procède au déferrage de la voie en 2007, sans permis ni dérogation à la législation sur la protection des espèces (en l’occurrence ici la population de lézard vivipare). Une étude préalable, réalisée à la demande de la DNF et de la DGTALP, relevait pourtant clairement l’importance de cette ligne pour la biodiversité et suggérait de maintenir, sur certains tronçons, les rails et traverses.
Infrabel, gestionnaire du réseau ferré belge, autorise également des coupes de bois sur tout le tracé, sans introduire de permis d’urbanisme. Infrabel applique donc la politique de la terre brulée avant de céder pour 30 ans la gestion de ces terrains aux communes,…
En février 2008, le MET introduit une demande de dérogation à la Loi sur la conservation de la nature, dérogation indispensable pour entreprendre l’aménagement de la ligne pour lequel une étude d’incidences a été réalisée et un permis octroyé. Le CSWCN remet son avis en mars 2008, et la dérogation est octroyée par la DNF le 13 juin 2008. Cette dérogation arrive donc quand les travaux sont réalisés pour leurs plus grandes parts… Le permis octroyé par les communes n’intégrait pas la dimension « nature » du projet. De nombreuses conditions portaient sur les aménagements de sécurité à réaliser aux croisement avec les routes, un chantier resté lettre morte à l’heure de l’inauguration de ce RAVeL…
Les infractions sont importantes puisque la dérogation prévoyait des aménagements indispensables et peu coûteux à mettre en ½uvre, comme le déplacement de l’assiette de la voirie sur certains tronçons, selon les recommandations de l’étude d’incidence, afin d’éviter la destruction des population de lézards vivipares. Elle prévoyait également le respect de la propriété publique usurpée en certains endroits par les agriculteurs riverains, le respect des diverses recommandations du bureau d’étude, le tout dans une formulation particulièrement floue que l’on s’étonne de retrouver dans une dérogation…
La dérogation prévoit aussi que des mesures nécessaires au maintien et au développement de la faune et de la flore seront intégrée dans les convention de gestion signées avec les communes gestionnaires du RAVeL.
Belle intention qui risque de rester lettre morte pour des espèces menacées de disparition au profit d’un peu plus de tarmac….