Le 26 janvier dernier, les parlementaires chargés par le Ministre Prévot d’établir un état des lieux du Plan HP conviaient la presse à Amay pour présenter les réalisations du COF, le Centre d’Orientation et de Formation, en termes d’habitations alternatives. L’occasion pour la Fédération Inter Environnement Wallonie de revenir sur un dossier qu’elle suit depuis quelques années et qui continue à l’intéresser fortement : l’habitat permanent.
Une piqure de rappel
Depuis plusieurs années, des députés (Savine Moucheron, Philippe Dodrimont et Pierre-Yves Dermagne (devenu entre-temps Ministre Wallon des Pouvoirs Locaux, du Logement et de la Ville), chargés par le Ministre de l’Action Sociale de suivre l’évolution du Plan HP, sillonnent la Wallonie pour rencontrer des citoyens et des élus concernés par l’habitat permanent. Pour rappelEn effet, plus de 10.000 personnes habitent de manière permanente dans des zones à vocation touristique en Wallonie. Adopté en 2002 par le Gouvernement Wallon, ce plan HP est un plan d’action pluriannuel dont l’objectif premier est de favoriser l’accès aux droits fondamentaux pour tous, notamment celui au logement. Même si ce plan prévoit de reconvertir quelques rares zones de loisir, en zone d’habitat (ces cas exceptionnels ne concernant que des zones non inondables, mais pas toutes), il entend reloger les personnes installées dans ces zones de loisir dans des logements décents, situés dans une zone prévue à cet effet. Socialement, cela pose bien entendu question lorsqu’on sait combien le marché locatif de biens financièrement accessibles croule sous la demande croissante. Par ailleurs, faut-il encore le rappeler, de nombreuses personnes ont fait le choix de vivre dans ces lieux hors normes, indépendamment de leur situation financière. Le cadre dans lequel ils sont installés depuis de si nombreuses années, la nature, les voisins, autant d’éléments qui sont maintenant devenus de réelles aménités, comme le soulignait déjà en 2015 Hélène Ancion dans sa nIEWs L’habitat permanent, des manières d’aménager son territoire et son avenir.
COFCUBE : l’habitat alternatif made in Wallonie
Mais outre ce suivi, les trois députés cités plus haut (Savine Moucheron ayant été remplacée en cours de route par Marie-Dominique Simonet) ont également l’intention de proposer au Ministre des ouvertures vers de nouvelles choses, du moins des choses qu’on ne voit pas encore beaucoup en Wallonie. C’est en tous cas ce qu’ils déclaraient en janvier dernier lors d’une Conférence de presse qu’ils organisaient au COF à Amay. Et quoi de plus évident que d’évoquer l’ouverture et l’innovation lorsque le groupe de suivi du Plan HP fait découvrir à la presse le travail de reconversion de containers maritimes réalisé depuis 2012 par un Centre d’Insertion Socio Professionnelle. Bureaux, salles de classe, abris de jardins, logements… telles sont les nouvelles vies de ces containers qui passent par le projet COFCUBE. Conformes aux normes de prévention incendie et à la réglementation wallonne sur les performances énergétiques des bâtiments, chaque container offre une surface habitable de 25 m² mais ils peuvent se grouper pour donner naissance à des « appartements » de 50 à 60 m² selon les besoins. Ce logement mobile est très efficient au niveau énergétique (inférieur ou égal à un K35) et peut être totalement autonome (réserve d’eau de 700 L, système de chauffage central allant du gaz, à la pompe à chaleur en passant par le poêle à bois ou à pellets, toilettes sèches, possibilité de raccordement à un groupe électrogène….). Ces avantages, le CPAS de Walcourt les a bien cernés puisqu’en 2014, il confie au COF la réalisation d’un module habitable dans le cadre d’un projet pilote « Housing first » afin de répondre à un manque criant de logements sociaux sur son territoire. Mais le COF n’en est pas à son coup d’essai : logement pour un fermier à Chassepierre, projet de conserverie mobile avec la Province de Liège, cafétéria d’un club de tennis à Bioul, projet de 11 logements sociaux sur trois étages sur un terrain appartenant au COF, à Amay…
D’un point de vue environnemental, la transformation de containers maritimes en logements semble être une bonne opération : robustes et durables, ils assurent une longévité et une pérennité beaucoup plus importante que des caravanes ou des chalets , et ils sont totalement recyclables en fin de vie (on entend donc ici, en fin de vie du logement). Mais d’où viennent-ils, ces containers ? Généralement, ils n’ont fait qu’un seul trajet depuis l’Asie. Cela permet au COF de travailler avec des containers en parfait état. Aïe, ça ne sent pas vraiment la fin de vie tout ça… Ceci étant dit, la vie d’un container n’est que de 6 à 7 trajets maximum.
Les containers maritimes, une aubaine pour les habitants du Plan HP ?
Première interrogation : quel est le coût d’un tel logement ? Le prix varie en fonction de la superficie : plus il est grand, plus le prix au mètre carré diminue. Il dépend également du degré de finition du container et des matériaux choisis. Pour donner une fourchette, le directeur du COF, Etienne Leroy, annonce un prix allant de 950 à 1.300 € le m². Nous sommes donc entre 30.000 et 35.000 € htva pour un logement de 25 m² totalement fini. Est-ce réellement un prix abordable pour des personnes vivant en-dessous du seuil de pauvreté comme on peut en rencontrer dans les espaces concernés par le plan HP ?
Et quand bien même des aides seraient octroyées aux citoyens concernés par le Plan HP pour acquérir ce type de logement, où pourraient-ils les installer ? L’expérience du COF a montré que, si l’accueil par les fonctionnaires délégués de cet habitat revisité était très mitigé au départ, la situation avait très favorablement évolué. En bref, rien de plus légal qu’un container transformé en logement avec permis et installé dans une zone pouvant accueillir… du logement. Quid donc de ce type d’installations dans les zones de loisir pour permettre de reloger les habitants dans des logements décents ? Pour autant qu’il ne s’agisse pas d’une zone inondable, cela ne devrait pas poser de problème puisque qu’il semble que l’accès à un logement décent soit LA priorité du Plan HP. Nous attendons donc avec impatience la remise du rapport de nos trois députés au ministre compétent, ainsi que l’accueil que celui-ci réservera aux propositions « ouvertes et innovantes » présentées dans le rapport.
Enfin, cette conférence de presse dédiée à un type d’habitat peu commun n’est pas sans nous rappeler l’épineuse question de l’habitat léger et de son acceptation face aux normes en vigueur dans le Code du Logement et celles du CoDT. Pierre-Yves Dermagne, fraîchement nommé Ministre wallon du Logement, défendra-t-il un assouplissement des critères concernant les surfaces minimum habitables afin de voir émerger d’autres alternatives (notamment moins chères) en toute légalité ? Plaidera-t-il pour une vision plus transversale (Logement, Aménagement du Territoire, Action Sociale) de la manière d’aborder l’habitat alternatif, en coordonnant, un minimum, des outils comme le Code du Logement, le CoDT ou encore le Plan Habitat Permanent ?
Nous ne manquerons pas de revenir très vite sur ce sujet dans une prochaine nIEWs. Ce sera aussi l’occasion de vous faire un retour du Mardi Tabou consacré aux Tiny logements en novembre dernier en présence de Jacques Teller et Nicolas Bernard.
Pour en savoir plus
- NIEWs d’Hélène Ancion : L’atlas des containers nous met en boîte
- NIEWs d’Hélène Ancion : Le plan Habitat Permanent jette le bébé avec l’eau du bain
Photos
- Projet de 11 logements sociaux à Amay initié par le COF. Le permis est en cours d’instruction. Crédit : www.cofcube.be
- Camping situé sur sa commune d’Erezée, concernée par le plan HP. Crédit : http://www.erezee.be/en-pratique/plan-habitat-permanent-plan-hp/
- Aménagement intérieur d’un container converti en logement par les soins du COF. Crédit : www.cofcube.be
- Les containers maritimes prendront-ils un jour la place des caravanes dans nos campings ? Crédit : http://www.espritsciencemetaphysiques.com/avec-1600-euros-vous-pouvez-transformer-un-conteneur-maritime.html