Le contexte des prix actuel nous rappelle à quel point nous devons réduire nos besoins de chauffage. L’isolation est un levier fondamental bien sûr. Mais les auteurs soulignent la nécessité d’une politique qui vise à réduire la surface chauffée par habitant. (article paru en Carte Blanche dans La Libre, sous le titre : Au-delà de l’isolation, vers une politique sociale et climatique du logement; auteur·e·s : Arnaud Collignon et Aurélie Cauchie)
L’urgence de réduire nos consommations d’énergie
Comme nous l’observons aujourd’hui, le prix du gaz ou du mazout constitue un mur infranchissable pour beaucoup de ménages et la situation ne risque pas de s’améliorer de sitôt.
Bien malin qui pourra prédire quel sera le prix des énergies sur le long terme. Seules certitudes pour l’agence internationale de l’énergie : l’instabilité des prix et la multiplication de crises comme celle que nous connaissons.
Les mesures « tampon » de court terme comme les chèques « énergie » ou le tarif social, sont indispensables pour soulager la pression financière liée aux prix de l’énergie pour la population, et en particulier pour les personnes en difficulté. Aussi, il est essentiel de travailler à émanciper les populations – dont surtout les populations précarisées – de leur dépendance énergétique pour améliorer leur résilience.
Nous devons activer 3 leviers : L’isolation, la division, la mobilité résidentielle.
L’isolation, évidemment !
La priorité en matière de logement est d’améliorer l’isolation du parc immobilier. Les personnes en situation de pauvreté énergétique doivent être accompagnées financièrement pour isoler leur bien, avoir accès à des logements isolés etc. pour, à terme, quitter leur situation de sobriété subie et non choisie.
Cependant, il apparaît que l’isolation seule ne suffira pas, notamment à cause de l’effet rebond : les améliorations de notre efficacité technique ont tendance à être absorbées par l’émergence de nouveaux usages. Nous devons donc ajouter à la recherche de l’efficacité, des mesures de sobriété énergétique. Ces deux axes doivent être menés de front.
Diminuer la surface chauffée par habitant : le levier d’action oublié
Le paysage résidentiel belge se distingue par la grande taille de ses logements, comme le rappelle régulièrement eurostat. Or la taille des logements est en corrélation directe avec la consommation d’énergie en matière de chauffage. Ce constat doit nous pousser à réfléchir à une meilleure utilisation du parc de logements existant, à questionner sa taille notamment. L’administration fédérale a estimé que la moitié des réductions potentielles de gaz a effet de serre dans le logement se trouvait dans ces leviers de la sobriété : diminuer l’espace/la taille des logements ou régler la température. Mais jusqu’ici le politique n’a pas embrayé pour activer ces leviers…
Nous ne souhaitons pas que les logements deviennent des « cages à poule » invivables et inconfortables. Nous souhaitons que l’utilisation du parc de logements soit optimisée.
Envisager la division de logement… Et ne plus l’empêcher
Un certain nombre de maisons unifamiliales pourrait faire l’objet d’un réaménagement et d’une division du logement. Mais les freins à ce genre d’opération sont nombreux : lourdeurs administratives pour changer la destination cadastrale de l’immeuble, contraintes urbanistiques intenables, interdiction d’ajouter des entrées indépendantes, volonté des communes de maintenir tels quels des quartiers dits « familiaux » etc.
Par ailleurs, de nouvelles façons d’habiter émergent et doivent être soutenues par les autorités: colocation, habitat groupé, habitat kangourou, habitat intergénérationnel, etc. Il est essentiel que ces nouvelles formes de partage de l’habitat soient reconnues et soutenues par les autorités – notamment d’un point de vue fiscal grâce à l’individualisation des droits sociaux.
Sortir du “Un seul logement pour toute la vie”
Nos besoins (de logement) évoluent avec notre vie : les besoins d’une famille ne sont pas ceux d’un jeune couple, ceux des étudiant.e.s ne sont pas ceux de personnes âgées. La taille et la situation du logement devraient pouvoir évoluer en fonction de nos besoins.
Hélas, les systèmes fiscaux et bancaires nous poussent à rester dans « notre » maison familiale toute notre vie, qu’importent nos besoins. Les conséquences sont d’habiter dans des logements peu adaptés à la taille du ménage ou qui ne sont pas idéalement situés par rapport au lieux de travail.
Des adaptations du système pourraient permettre de soutenir l’épargne privée et l’accès à la propriété sans attacher les Belges à leur logement jusqu’à ce que mort s’en suive. Nous devons aussi réfléchir aux moyens d’accompagner et de faciliter la vie de celles et ceux, nombreux, qui voudraient bouger mais qui par peur du « chantier » que cela représente n’osent franchir le pas (notamment les personnes plus âgées). Il ne s’agit pas d’obliger qui que ce soit à déménager ! Mais simplement de ne plus l’en empêcher et de l’appuyer s’il le désire.
Au- delà de l’isolation, vers une politique du logement climatique et sociale
On le voit dans le logement, en alliant efficacité et sobriété, on peut s’attaquer durablement à la fois à la crise environnementale et à la crise sociale. Cela passe par l’isolation qui est un des défis majeurs de notre temps. Mais nous devons aussi entreprendre un exercice collectif plus profond sur nos manières d’habiter. La “brique dans le ventre”, le manque de mobilité résidentielle ou le modèle de logement “4 façades” doivent absolument être questionnés si nous voulons sérieusement diminuer nos trop grandes consommations énergétiques, que ce soit pour maîtriser nos factures de manière pérenne, pour le climat, l’Ukraine mais aussi pour faire du droit à se chauffer dignement un droit fondamental pour tous.
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