Les substances chimiques se retrouvent un peu partout : dans nos aliments, nos vêtements, l’air que nous respirons, notre organisme, mais aussi dans l’eau. La directive cadre eau, adoptée en 2000, établit le cadre légal pour protéger et restaurer la qualité des eaux européennes, ainsi que leur utilisation à long terme. Son annexe X, qui identifie les substances chimiques les plus problématiques, devait être mise à jour. La Commission vient de publier sa proposition.
Il est évident à l’heure actuelle que les maigres progrès accomplis en terme de qualité des eaux européennes sont menacés par les nouveaux polluants chimiques. Parmi les 2000 substances identifiées comme étant à risque (sur base des niveaux rencontrés dans les eaux, leur dangerosité, leur production et leur utilisation), la Commission en a retenu 15[[dans les produits phytosanitaires : l’aclonifen, le bifenox, la cypermethrine, le dicofol, l’heptachlor, le quinoxyfen ; dans les biocides : la cybutryne, le dichlorvos, la terbutryne ; dans les substances chimiques industrielles le PFOS, le HBCDD ; dans les résidus de combustion les dioxines et dioxines like PCBs ; dans les substances pharmaceutiques le 17 alpha-ethinylestradiol et le 17 beta-estradiol (résidu des contraceptifs oraux oestroprogestatifs), le diclofenac]] devant être ajoutées à la liste des 33 substances déjà suivies et contrôlées dans les eaux de surface européennes.
Il s’agit tant de substances utilisées comme biocides, produits phytosanitaires ou dans des médicaments. Plus concrètement, cette « mise à jour » se concrétisera par la révision de la directive 2008/105/CE établissant des normes de qualité environnementale dans le domaine de l’eau. La Commission propose aussi d’améliorer le monitoring et le rapportage des polluants chimiques dans les eaux, ainsi que les mécanismes permettant d’obtenir une meilleure information des niveaux de contamination par d’autres polluants qui pourraient nécessiter d’être contrôlés dans le futur au niveau européen.
Mais cette publication ne satisfait pas les associations de protection de l’environnement, qui manifestent leur mécontentement par les voix du Bureau européen de l’environnement (BEE), de Greenpeace et du WWF. Pour le BEE, cette révision est bien trop restrictive et ne permet pas de prévenir la pollution des eaux de surface par les substances chimiques dangereuses : 15 substances sélectionnées sur 2000 identifiées comme étant « à risque » est loin d’être un bon exemple d’application du principe de précaution. Par ailleurs, trop peu de garanties sont disponibles quant à la prise de mesures globales et contraignantes visant à éliminer l’émission dans l’environnement des substances chimiques dangereuses. Le BEE accueille néanmoins positivement l’introduction dans la liste de plusieurs substances utilisées dans des médicaments- reconnaissance formelle de la Commission des conséquences désastreuses de ces substances sur l’environnement et la nécessité de les gérer efficacement.
Même son de cloche de la part de Greenpeace, qui considère que cette révision de la législation autorise pour la décade a venir la pollution des lacs et rivières européens par des substances liées à des maladies humaines sérieuses – et que la Commission européenne ne fait pas face à ses responsabilités en ne définissant pas de timing clair pour éliminer les substances dangereuses, malgré les obligations légalement requises dans la Directive Cadre Eau, adoptée il y déjà 12 ans !
Enfin, le WWF ajoute le manque de vision transversale de la Commission qui s’abstient de préciser comment et quand les législations européennes existantes, comme REACH ou la législation sur les pesticides, seront utilisées pour contrôler la pollution générées par ces substances chimiques. Les substances émergentes, identifiées par l’Agence européenne de l’environnement, sont par ailleurs insuffisamment prises en compte dans l’approche actuelle.
Le Parlement Européen et les ministres européens se devront de renforcer la proposition de la Commission pour rendre les eaux européennes sures et saines…rapidement !