Carte blanche – Par un collectif de signataires nommés en fin d’article
En Wallonie, la réglementation concernant l’aménagement du territoire et l’urbanisme, ou Code de développement territorial (CoDT), est en cours de réforme. La société civile y voit une opportunité pour protéger plus efficacement les terres nourricières et les espaces naturels. Si, aujourd’hui, il est possible de demander une modification du plan de secteur pour bétonner des espaces non urbanisables, l’inverse n’est pas prévu par la législation. Pour de nombreuses associations et collectifs citoyens, demander que des espaces soient protégés de l’urbanisation est un droit légitime pour aider à la protection de la nature et de l’agriculture familiale wallonne.
La réforme du CoDT s’inscrit dans un contexte de pression croissante sur nos ressources naturelles.
En Wallonie, chaque jour, l’équivalent de 3 terrains de foot disparaît sous le béton, soit en moyenne 1.560 hectares par an. La Belgique se place en deuxième position du classement européen de l’étalement urbain1.
Les plans de secteur déterminant les différentes affectations du sol (zone agricole, zone d’habitat…) ont été adoptés il y a plus de 40 ans. Ils ont favorisé cet étalement urbain, principalement aux dépens des terres agricoles. De nombreuses ressources naturelles se situent en zone constructible et sont donc directement menacées par l’urbanisation.
Nos terres, pourtant essentielles à la recherche de souveraineté alimentaire et à la poursuite du modèle d’agriculture familiale wallon, sont en danger. Près de 50.000 hectares utilisés par nos agriculteurs et agricultrices, mais constructibles selon ces plans, pourraient disparaître demain si rien n’est fait pour les protéger2.
Des écarts qui font la part belle au béton
Ce plan de secteur n’est pourtant pas immuable, et si l’on en croit les chiffres de ces dernières années, il semble toujours bouger dans une même direction : celle du béton. Entre 2005 et 2016, 1.589 ha de terres agricoles ont été convertis par la Wallonie ou les intercommunales en zones urbanisables, principalement pour créer de nouvelles zones d’activités économiques (zonings). Malgré les promesses de compensation, seuls 352 ha ont été réattribués à l’activité agricole. Ils sont souvent d’une qualité moindre que la terre initiale3.
En creusant cette réalité, on découvre un fait étonnant : si le CoDT permet à une personne physique ou morale, privée ou publique de faire une demande de révision du plan de secteur, ce n’est actuellement possible que pour créer de nouvelles zones à bétonner. Pour ceux et celles qui voudraient protéger les terres nourricières de l’urbanisation, l’opportunité de créer de nouvelles zones non urbanisables n’existe tout simplement pas.
Ouvrir un droit légitime pour la société civile
Ce déséquilibre révèle un manque de prise en compte des enjeux de préservation de nos biens communs. Nous insistons sur l’urgence d’inverser cette tendance dans la réforme à venir.
Différents chemins sont possibles, notamment celui d’ouvrir ce droit, simple et légitime, pour la société civile et les citoyen·nes de demander une modification du plan de secteur au motif de protection, et non de destruction de nos ressources naturelles. Permettons qu’au nom des enjeux de préservation du modèle d’agriculture familiale wallonne, de souveraineté alimentaire, de préservation de la biodiversité, on puisse protéger les terres de l’urbanisation.
Pour que le territoire wallon soit le territoire de toutes et tous et non de quelques-un·es, il est essentiel de permettre à la société civile, aux citoyens et citoyennes d’être une force de proposition dans l’aménagement du territoire et de ne pas les cantonner à un rôle défensif chaque fois qu’un projet nuisible se présente.
Cette mesure représenterait un premier pas démocratique pour permettre à la population wallonne d’activement s’impliquer dans la gestion de son territoire. Évidemment, des initiatives bien plus ambitieuses seront nécessaires pour protéger les terres de l’artificialisation. Cela demandera à nos gouvernements successifs de cesser de considérer nos terres comme des marchandises pour enfin les reconnaître comme des biens communs, devant être gérés et protégés comme tels.
Signataires : Agroecology in Action, Association Rî des Moulins, FIAN Belgique, Terre-En-Vue, Canopea, Occupons le terrain, Réseau des GASAP, Comité Villageois de Sart-Bernard, Collectif 5C, Biodiversité asbl, Vert-et-Vie asbl, Ardenne et Gaume, N931, Quinoa asbl, Touches pas à mes Vennes, ASBL Le Bois d’à côté, Cercles des Naturalistes de Belgique asbl, Objectif Résilience Alimentaire asbl, Heusy Grandeur Nature asbl, Autre Terre asbl, Non aux Eoliennes en forêt – SOS Bois de Herbaimont, Coopérative Paysans-Artisans, Collectif « Non aux routes Pairi Daiza », Entraide et Fraternité, CLAP – Comité Liège Air Propre, POUR ATTAC Bruxelles 2, CPVH (Collectif pour la Préservation du Village de Hondelange), Les Ami.e.s du champ des Cailles, Stop Alibaba &co, Les Amis de la Terre – Belgique asbl, SCI-Projets Internationaux ASBL, Le Début des Haricots ASBL, CNCD-11.11.11, Attaque la ZACC – Herve, Fabriek Paysanne, Vert Prairie (Horion-Hozémont), Braine Autrement, Groupement CHB, Humundi, Sauvons le bois d’Avroy, Greenpeace Belgium, Réseau de Collectifs en Recherche de Résilience, Tuiniers Forum des Jardiniers, Pascale Vanderlinden.
Crédit photo d’illustration : Adobe Stock
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- Iweps (2022), « État de l’environnement wallon : Artificialisation du territoire ».
- Grandjean, M., (2016), « Le foncier agricole face à l’artificialisation des terres en Wallonie : Analyse croisée des données issues du cadastre et des données relatives à la superficie agricole utile ». Note de recherche CPDT, n°66.
- Defourny, A., (2023). « La zone agricole, espèce menacée en voie d’extinction ? ». Canopea.