Réglementation des pesticides : une chance pour l’agriculture !

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Les députés européens ont voté fin octobre sur la prochaine législation appelée à réguler la mise sur le marché et l’utilisation « durable » des pesticides au sein de l’Union. L’orientation donnée par les eurodéputés va dans le bon sens et constitue une avancée dont il faut se féliciter. En effet, à côté de mesures essentiellement prophylactiques, elle initie – bien que de manière insuffisante – la réduction de l’usage des pesticides. Il s’agit là d’un premier pas capital car l’inscription dans la législation d’objectifs quantitatifs de réduction constitue de fait la seule voie permettant de limiter au maximum les effets néfastes des pesticides sur la santé et l’environnement. Et par-delà sa portée sanitaire, cette voie conduira à l’émergence d’une agriculture à la fois soutenable et pérenne.

Les dangers des pesticides pour la santé sont aujourd’hui connus des scientifiques. Leur toxicité à la fois aiguë et chronique affecte non seulement leurs utilisateurs mais également la population environnante et les groupes à risques (enfants, personnes âgées et hypersensibles…). Les pesticides portent par ailleurs une lourde responsabilité dans la dégradation constante de la qualité des sols et dans l’érosion de la biodiversité qui se poursuit inexorablement – le dernier rapport sur l’état de l’environnement wallon dressant sur ce point un constat particulièrement alarmant. Inscrire une réduction du recours à ces produits dans la réglementation n’a donc rien d’une lubie d’écologistes ; il s’agit d’un impératif environnemental mais aussi et surtout d’une nécessité de santé publique.

Un changement des comportements est nécessaire

Les enquêtes sur l’utilisation des pesticides montrent que « malgré la connaissance du risque qu’il encourt lors du traitement phytosanitaire de ses cultures, l’agriculteur (50 % des agriculteurs « grandes cultures ») ne prend pas les mesures nécessaires pour se protéger »[[Voir les résultats de l’enquête menée en fruiticulture, maraîchage et grandes cultures en 2002-2003 par le SPF-Politique scientifique, Universiteit Gent, UCL, Cerva/Coda]]. Autrement dit, la plupart des agriculteurs interrogés connaissent les risques pour leur santé et l’environnement mais peu mettent en pratique les conseils préconisés en terme de protection. L’homme est ce qu’il est et, comme beaucoup d’autres travailleurs, l’agriculteur pose ses actes sous une multitude de contraintes plus ou moins légitimes, notamment la rapidité et la facilité. Dans un contexte où l’usage des pesticides est banalisé par la publicité, ces contraintes priment d’autant plus facilement sur des considérations sanitaires ou environnementales… Pour inverser la tendance, il convient donc de passer du stade des conseils préventifs et des engagements volontaires à celui des règlements contraignants.

Une question sociétale

La diminution du « bruit de fond » des pesticides dans l’environnement répond par ailleurs à des enjeux agricoles et sociétaux. Elle doit permettre l’émergence de modes de production plus conformes à un développement durable. L’Institut national de la recherche agronomique (INRA)[[« Réduire l’utilisation des pesticides et en limiter les impacts environnementaux », Une expertise scientifique collective menée par l’Inra et le Cemagref, 12/12/2005.]] a dressé de ce point de vue un constat sans équivoque : «Les systèmes de production sont trop souvent conçus pour maximiser le potentiel de rendement, en considérant que les problèmes phytosanitaires seront ensuite réglés par l’utilisation, facile à mettre en ½uvre, de pesticides. Cette logique a conduit au développement de systèmes de culture spécialisés et intensifs, qui favorisent justement le développement des bio-agresseurs.» Les chercheurs mettent ainsi clairement en évidence la nécessité de changer de cap si on veut éviter l’impasse. Et pour ce faire, ils proposent non pas une solution mais un ensemble de solutions basées sur une approche plus systémique de la production agricole.

Répondre à la demande mondiale

Le récent rapport de la FAO sur la sécurité alimentaire mondiale encourage lui aussi à agir en ce sens. Il démontre que l’agriculture biologique peut produire assez pour nourrir la population de la planète et, surtout, qu’elle est mieux à même de répondre à l’insécurité alimentaire, une insécurité croissante avec les modifications climatiques. La FAO relève que l’agriculture biologique a le potentiel de satisfaire la demande alimentaire mondiale, tout comme l’agriculture conventionnelle d’aujourd’hui mais avec un impact mineur sur l’environnement. Ce rapport invite dès lors les gouvernements à « allouer des ressources à l’agriculture biologique et à intégrer ses objectifs et ses actions dans leurs stratégies nationales de développement agricole et de réduction de la pauvreté, en mettant l’accent sur les besoins des groupes vulnérables ».

Vers une agriculture intégrée

L’agriculture européenne se trouve aujourd’hui à un tournant. La nécessité de limiter son addiction aux pesticides peut – et doit ! – constituer une chance de se redéployer sur de nouvelles bases, conformes aux principes du développement durable. Cette addiction aux pesticides étant liée à une gestion simplifiée des systèmes de production quasiment devenue la norme, il importe de définir au plus vite les politiques qui permettront de passer de ces systèmes simplifiés à des systèmes plus complexes mais aussi plus stables. Des impératifs quantifiés de réduction de l’usage de pesticides constituent un préalable incontournable. L’intégration dans la conditionnalité des aides agricoles de critères qualitatifs en terme de système de production devrait être une seconde étape permettant ce nécessaire changement de cap.

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