La mise à jour de la position de la Fédération Canopea sur la régulation de la publicité commerciale est finalisée. La précédente version datait de 2008. La nouvelle version a été rédigée en tenant compte dʼapports multiples, dont les réflexions des membres de Canopea rassemblés sur le sujet lors dʼun Conseil associatif organisé en mars 2023. Présentation.
Un nouveau contexte
Cette mise à jour est considérée comme nécessaire non parce qu’il y a eu en 15 ans une évolution significative de la régulation du secteur de la publicité – on peut considérer qu’il n’y en a pas eu – mais en raison d’une évolution de la réflexion sur l’avenir de notre société à la suite de diverses pressions qui se sont faites plus fortes : celles des dérèglements climatiques et celles de la perte générale de la biodiversité. Ces pressions ont notamment pris la forme d’épisodes climatiques inquiétants (inondations en 2021, canicules à répétitions, méga-feux…) et d’une crise sanitaire (Covid 19) qui interroge sur l’apparition de nouvelles maladies (zoonoses…) et sur leur propagation dans le cadre d’une mondialisation des échanges. La guerre en Ukraine a par ailleurs mis en exergue la fragilité des systèmes alimentaires et énergétiques face à des conflits armés. Notre système économique ainsi que nos modes de production et de consommation ont été ébranlés et des faiblesses clairement identifiées. Enfin, sur les 9 limites planétaires identifiées par le Stockhom Resilience Center, 6 sont aujourd’hui considérées comme dépassées (il y en avait 4 en 2019).
Ce contexte a favorisé l’émergence dans le débat public, mais aussi au sein du GIEC, de la notion de Sobriété choisie qui pourrait servir de guide dans la réflexion sur l’évolution nécessaire de la société pour prendre au sérieux les défis que l’on vient de pointer. La sobriété est une des 5 valeurs de la Fédération.
De ce point de vue, la publicité commerciale se trouve être une activité dont la régulation (y compris des interdictions) mérite d’être étudiée tant son objectif – pousser à la consommation non réfléchie, voire compulsive – entre en contradiction avec l’objectif sociétal d’éviter le développement d’une société de l’ébriété réservée à celles et ceux qui en ont les moyens et « servent de modèle à suivre ». Dès lors, la question des inégalités s’invite dans le débat : réguler la publicité est aussi une mesure sociale et éthique, qui sera dans la foulée bénéfique pour l’environnement.
(lire le développement de ce chapitre p.4 de la position finale)
De nouveaux appuis citoyens et institutionnels
Nombre d’acteurs de la société civile sont mobilisés sur le sujet de la régulation de la publicité depuis longtemps1 et souhaitent restreindre l’impact de la publicité qui met à mal toute tentative sérieuse de rendre nos modes de vie, de production et d’organisation sociale compatibles avec le maintien d’une planète habitable et de liens sociaux riches. Cette mobilisation a fait bouger les lignes, mais insuffisamment à ce jour. De nouveaux appuis sont venus renforcer la pertinence de cette mobilisation associative.
(lire le développement de ce chapitre p.6 de la position finale)
La publicité commerciale est efficace
La publicité commerciale est une branche de la communication d’influence qui mobilise des processus psychiques souvent inconscients (estime de soi, identification, projection…) et qui a pour objectif d’inciter à la consommation plus ou moins compulsive sur fond d’une insatisfaction qu’elle organise sciemment. Elle est consubtantielle à l’économie de marché croissanciste, à la consommation ostentatoire ou encore au Je consomme donc je suis.
Acter l’efficacité de la publicité commerciale est nécessaire face à une certaine forme de déni, très fréquente, qui consiste à dire qu’une fois qu’un individu est doté des capacités mentales de compréhension de ce qu’est une publicité, il est susceptible d’échapper à son influence et que donc, à ce titre, les publicités relèveraient davantage du registre de l’information que de celui de la persuasion/manipulation. Cet argument est un leitmotiv des annonceurs et est ressassé à longueur d’interventions médiatiques de représentants du secteur.
La reconnaissance de cette influence généralisée, certes à des degrés divers, est importante car elle est aussi la reconnaissance d’un déni, lui aussi généralisé, qui voudrait que les publicités soient inoffensives. Il est essentiel de lever ce déni pour rendre à la publicité son pouvoir de nuisance réel sur nos (modes de) vies. Qu’est-ce à dire ?
(lire le développement de ce chapitre p.7 de la position finale)
La face réelle des publicités commerciales
La publicité commerciale est :
- Génératrice d’externalités négatives affectant la qualité de vie et le bien-être collectif
- Rétrograde et aliénante
- Invasive et antidémocratique2
- Inégalitaire et discriminatoire
- Lénifiante
- Dangereuse pour la santé
- La pub nuit au bien-être
(lire le développement de ce chapitre p.8 de la position finale)
Une invasion progressive, mais massive
La publicité est depuis très longtemps présentée comme une des clés de la prospérité économique3. Et pendant des décennies, elle s’est développée en quasi symbiose avec l’activité économique, en s’immisçant dans tous les domaines de la vie des citoyens consommateurs, domaines tant privés que publics. Bien peu sont celles et ceux qui s’inquiétaient de cette immixtion généralisée d’une communication d’influence financée par des sociétés commerciales privées. Elle était même fréquemment accueillie sans réserve vu sa légèreté apparente, sa créativité réelle et surtout les possibilités financières qu’elle offrait.
Dans la foulée, elle offrait également aux autorités publiques une alternative à un financement public devenu d’autant plus difficile que les caisses des Etats étaient de plus en plus mises sous pression, notamment par une contestation grandissante du recours à la fiscalité pour financer les services collectifs.
Une série de plus en plus importante de médias et d’activités associatives, culturelles et sportives, au lieu d’être soutenues par de l’argent public issu d’une politique fiscale gérée démocratiquement, allait être financée par de l’argent privé quasi sans la moindre possibilité d’intervention sur les conditions assorties. L’arrivée des médias sociaux tels que Facebook, Twitter, Instagram, TikTok ou LinkedIn a décuplé cette mainmise du privé. Cette (con)cession progressive est probablement la raison principale de l’importante difficulté que représente aujourd’hui toute remise en question fondamentale du secteur de la publicité qui tient les autorités publiques par… les cordons de la bourse.
(lire le développement de ce chapitre p.12 de la position finale)
Le piège (et l’impasse) de l’auto-régulation
Il est vrai qu’une prise de conscience progressive (et relativement lente et très partielle) des caractéristiques négatives (décrites plus haut) de cette activité a obligé le secteur à s’adapter. S’appuyant fermement sur son infiltration à la fois massive et fine dans la société et le poids économique qu’il prétend représenter, et aidé par ces commanditaires industriels regroupés en fédérations, il a réussi à imposer ses propres solutions pour garder la maîtrise : l’auto-régulation à l’aide de codes divers et variés et l’auto-contrôle via des organes auto-institués qui rendent des avis non-contraignants.
Cette stratégie de prendre les devants et de proposer l’auto-régulation est payante pour le secteur.
Cela fait maintenant au moins un quart de siècle que de nombreuses associations de la société civile investies dans des domaines très divers (consommation, environnement, santé, droits humains, féminisme, lutte contre le racisme…) démontrent et dénoncent la faiblesse de l’intervention publique dans la régulation de la publicité commerciale. Nous souhaitons, dans cette position de la fédération, faire des propositions constructives pour entamer des changements dans ce système à ce point organisé qu’il est parfois difficile d’imaginer qu’il puisse changer.
(lire le développement de ce chapitre p.13 de la position finale)
Vous trouverez les revendications et les pistes pour encadrer la publicité commerciale dans de la page 15 à la page 19 de la position finale.
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- résumé de cette mobilisation ici : https://www.canopea.be/la-pub-mal-necessaire-ou-necessairement-mal/
- Pour en savoir plus sur le caractère démocratique (ou pas) de la publicité, lire par exemple : La publicité est-elle démocratique ? Une question datée : 1860 – 1940.
- Charles Kettering, vice-président de General Motors déclarait en 1920 : « La clé de la prospérité économique, c’est la création d’une insatisfaction organisée ».