Réguler les marchés? Bien. Mettre en oeuvre un programme anticapitaliste? Mieux!

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La taxe sur les transactions financières appelée aussi « taxe Tobin », revendication chère au mouvement altermondialiste, est aujourd’hui l’objet d’un regain d’intérêt. Ces derniers mois, des hommes politiques de tous bords, se sont en effet prononcés en sa faveur. Par ailleurs, les ministres européens des finances, au chevet de l’Euro, ont réaffirmé leur volonté de mieux réguler le système financier notamment par un recours à cet outil. Le FMI et la Commission européenne semblent plus sceptiques quant à son efficacité, proposant plutôt de taxer les banques. Si l’on peut se réjouir de voir émerger une politique soucieuse de réguler le marché, les crises auxquelles nous sommes confrontés imposent d’aller plus loin et de sortir de la logique destructrice du capitalisme financier.

« La taxe Tobin vaut le coup d’être examinée »

La taxe Tobin, du nom du Prix Nobel d’économie James Tobin, consiste à taxer les transactions monétaires internationales afin de dissuader les spéculations à court terme. Depuis longtemps plébiscitée par le milieu altermondaliste, elle semble aujourd’hui « faire recette » auprès des hommes politiques, quelle que soit leur couleur. Il faut dire qu’à l’heure où l’austérité budgétaire fait rage, cette taxe viendrait à point nommé, pour quelque peu booster les fonds publiques.

Le 10 mai dernier, à l’occasion du plan spectaculaire de relance de l’Euro, les ministres européens des finances ont réaffirmé leur volonté de mieux réguler le système financier, notamment au moyen de la création d’une taxe sur les transactions financières (TTF).

Il faut dire que ces derniers mois, la taxe Tobin a reçu les faveurs, tant des partis de gauche – la manifestation organisée par le groupe socialiste du Parlement européen sur la levée d’un impôt sur les transactions financières ou encore les déclarations du travailliste britannique Gordon Brown qui, en septembre dernier, affirmait que «la taxe Tobin valait le coup d’être examinée», pour autant que celle-ci soit établie au niveau mondial – que de droite à l’instar de Charles Michel désireux de promouvoir la taxe Tobin durant la présidence belge. La Belgique dispose déjà d’une taxe Tobin très symbolique il est vrai puisqu’elle n’entrerait en vigueur que «pour autant que tous les États membres de l’Union économique et monétaire aient prévu dans leur législation une taxe sur la conversion de devise ou qu’une directive ou un règlement européen ait été adopté». C’est moins que rien mais un peu facile néanmoins…

Des voix dissonantes

Alors que le monde politique, et même dans une certaine mesure le monde financier, se lèvent pour qu’une taxe sur les transactions financières voit le jour, le FMI et l’Europe se montrent beaucoup plus mitigés.

Le premier, mandaté par le G20 pour explorer les pistes de financements innovants dont l’instauration éventuelle d’une taxe Tobin, vient de rendre son verdict : «une TTF n’apparaît pas comme adéquate au regard des objectifs spécifiques fixés par les dirigeants du G20». La taxe Tobin n’apparait en effet pas comme la meilleure solution pour prévenir toute crise future. En outre, elle« pourrait frapper les consommateurs finaux au lieu de peser, comme souvent supposé, sur les gains du secteur financier».

De son côté, la Commission européenne n’est pas plus tendre à l’égard de la TTF, pointant le risque que celle-ci fasse peser la charge économique« à la fois sur les traders, sur les marchés financiers, sur les entreprises et les gouvernements (via des coûts du capital plus élevés) ou sur les consommateurs finaux via des prix plus élevés pour les services financiers».

C’est pourquoi les deux institutions plaident, non pas pour une taxe Tobin, mais pour une taxe sur les banques, au prorata du risque qu’elles présentent.

Néanmoins, la taxe sur les banques n’exclut pas tout à fait la mise en place d’une taxe sur les transactions financières internationales. Au contraire, elles sont complémentaires. En effet, comme le rappelle Gaspard Denis (CNCD-11.11.11) dans «Taxer les banques ou les transactions financières ?», «le principe d’une taxe sur les banques ne s’attaque qu’à un seul type d’effet levier : celui par endettement. Or, il existe d’autres types d’effet levier qui, en permettant aux opérateurs financiers de prendre des positions au-delà de leurs fonds propres, génèrent d’importants risques systémiques. C’est le cas notamment de l’effet de levier lié à l’organisation particulière des marchés de produits dérivés».

Aller plus loin : « Commencer à mettre en ½uvre un programme anticapitaliste »

On ne peut que se réjouir de l’engouement politique vis-à-vis de la taxe Tobin ou de tout autre instrument visant la régulation des systèmes financiers. C’est d’ailleurs d’autant plus nécessaire que les banques, leur (apparente) santé aujourd’hui retrouvée grâce aux plans d’aide massifs apportés par nos gouvernements, n’ont pas attendu bien longtemps pour renouer avec leurs démons passés, les bulles spéculatives. En outre, n’oublions pas que ces mêmes banques possèdent encore dans leurs tiroirs 2.300 milliards de ces « produits toxiques », à l’origine de la crise financière que nous venons de traverser.

Christian Arnsperger (Professeur à l’UCL, chercheur à la chaire Hoover d’Ethique économique et sociale) rappelait, dans une carte blanche intitulée «Hyper-crise et hypo-crise : les dessous d’un sauvetage», que cette taxe constitue « un signal qui peut aider, mais qui ne changera rien à terme si les citoyens que nous sommes ne se détournent pas résolument des valeurs de gain, de cupidité et de possessivité qui font le c½ur même du capitalisme».

Le président du CDATM Belgique (Comité pour l’annulation du tiers-monde), Eric Toussaint, abonde dans le même sens. Dans un récent article, «La religion du marché», Eric Toussaint appelle en effet à «créer une nouvelle discipline financière, exproprier le secteur financier et de le mettre sous contrôle social, taxer fortement les « zinzins » qui ont provoqué puis profité de la crise, auditer et annuler les dettes publiques, mettre en ½uvre une réforme fiscale redistributive, réduire radicalement le temps de travail afin d’engager massivement tout en garantissant le montant des salaires, … En deux mots, commencer à mettre en ½uvre un programme anticapitaliste

EN SAVOIR PLUS

 La religion du marché, Eric Toussaint (CDATM), mai 2010

 Refondation : c’est pour quand ?, Arnaud Zacharie (CNCD-11.11.11), mai 2010

 Taxer les banques ou les transactions financières ?, Gaspard Denis (CNCD-11.11.11)

 La taxe Tobin ne connait pas la crise !, Gaspard Denis (CNCD-11.11.11), mars 2009

 Hyper-crise et hypo-crise : les dessous d’un sauvetage, Christian Arnsperger (UCL), octobre 2008

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