Remobiliser pour le climat et la biodiversité…
Avec une opinion publique obnubilée par le pouvoir d’achat ou la sécurité et qui a relégué l’environnement au rang de priorité secondaire lors des élections qui viennent de se dérouler en Belgique, les activistes environnementaux de tous bords souhaitent remobiliser. Mais comment ?
Derrière ce RE-mobiliser, il y a l’idée de RE-faire 2019, avec dans la voix presque une nostalgie pour cette mobilisation citoyenne soudaine et qui a ravi plein de monde. Et qui, surtout, a réussi à mettre le green deal en haut de l’agenda politique européen (et belge). Mais, manifestement, il ne suffit pas de le vouloir.
S’inspirer de 2018
En aout 2018, l’étincelle est venue de Suède avec une étudiante, Greta Thunberg, quasi seule, qui décide de squatter le parlement suédois mais surtout de ne plus assister au cours pendant 10 jours, jusqu’aux élections suédoises. Une héroïne climatique est née. Et une première explication du succès, un récit fondateur puissant autour d’un individu, avec cette particularité qu’il s’agit 1) d’une jeune fille et 2) atteinte d’un syndrome d’asperger. Elle s’élève, minuscule avec son panneau ”fait maison” face à l’inertie politique… Les médias du monde entier, et à leur suite les opinions, vont adorer (boomers exceptés).
Parallèlement, et à priori sans lien organique, Rise for climate lance des manifestations partout dans le monde. En Belgique, un collectif citoyen hyper motivé répond à l’appel et le premier samedi se tient le 8 septembre. Voilà un deuxième élément de récit puissant, une vraie base de mobilisation citoyenne non institutionnalisée.
Après les marches de Rise for climate, la Coalition climat, c’est-à-dire la société civile « institutionalisée », met 70 milles personnes (selon la police) dans les rues de Bruxelles en décembre 2018.
Enfin, 3° acte : inspirées par Greta Thunberg, Anuna De Wever et Kyra Gantois côté flamand et Adélaide Charlier pour la partie francophone lancent les Friday for future qui mettent jusque 35.000 étudiants dans la rue le 25 janvier 2019 jusqu’aux vacances de Pâques au terme desquelles les étudiant·es sont partis en blocus. La mobilisation tiendra, avec moins d’intensité jusqu’à l’élection jusqu’à en faire le sujet de préoccupation numéro un des électeurs.
Il y a définitivement à s’inspirer de 2018. Une mobilisation grass roots autour d’un récit puissant… Nous avons besoin de faire corps autour d’une histoire qui nous rassemble.
Influer sur la dynamique médiatique
Nous pouvons par ailleurs constater que beaucoup des éléments de la dynamique de mobilisation qui s’est opérée en 2018 échappent au mouvement climatique. Notamment, les médias traditionnels (TV, radio) ont abondamment relayé les différents mouvements de 2018 en leur donnant indéniablement une caisse de résonance. Or, aujourd’hui, à l’inverse, ces mêmes médias ont largement oublié l’environnement particulièrement durant la campagne électorale, arguant, en se basant sur des sondages, que le sujet ne faisait pas partie des préoccupations des Belges. Un cercle vicieux était enclenché. On le voit, que ce soit dans une dynamique vertueuse (comme en 2018) ou négative (comme aujourd’hui) les médias traditionnels s’inscrivent donc dans une logique « suiveuse” plutôt que dans un rôle d’éducation et de responsabilité sociétale, ce qui est sans aucun doute regrettable.
D’autres dynamiques plus préoccupantes visent à retirer volontairement l’environnement des médias. Aussi certains journalistes nous ont fait part du fait que l’environnement était connoté politiquement (comme un truc d’ “écolo “) et, qu’à ce titre, ils ne pouvaient plus le relayer au nom d’une “neutralité journalistique”. Ce genre de raisonnement est réducteur, la question environnementale étant par essence une question supra politique affectant toute la population par delà ces groupes sociaux.
Est-ce une fatalité ? En France, une association comme Quota Climat tente de sensibiliser les journalistes et les médias à leur responsabilité d’éducation à l’environnement. Nous devons clairement développer ce travail avec les journalistes et les influenceurs.
Notons encore l’émergence dans la sphère médiatique traditionnelle ou sur les médias sociaux d’une veine anti-environnement (on a beaucoup parlé des vidéos climatosceptiques du raptor) à la fois nourrie par une volonté de polémique « putacliqueuse » et par des agendas politiques de l’ultra droite (notamment des groupes de presse français comme le groupe Bolloré, très présents dans la sphère médiatique belge). Le mouvement climat, ne peut pas laisser le champ libre à ces désinformations volontaires. Le travail de médias indépendants sensibles aux questions des dérèglements climatiques et de perte de la biodiversité est crucial et doit être soutenu…
Réinventer un récit plus vrai et collectif
Nous souhaitions nous inspirer de 2018 pour relancer une dynamique de mobilisation. Mais il y a sans doute aussi à apprendre des erreurs du passé.
Notamment, il nous semble qu’en 2018 nous avons adopté un discours trop généraliste sur le climat. « On est plus chaud que le climat » renvoyait à une bataille climatique vague et trop peu définie. Celle et ceux qui marchaient en 2019 avaient-ils·elles suffisamment conscience que derrière la bataille climatique se cachaient des changements concrets dans nos modes de vie. La future mobilisation ne pourrait-elle dire plutôt « je peux pas, je dois manger moins de viande industrielle « ou « je peux pas, je dois vivre dans un logement plus centralisé et oublier les 4 façades planétaires » (le slogan est moins accrocheur pour sûr 😉).
Cela amène à un deuxième constat sans doute moins évident et que nous soumettons à la réflexion : 2019 n’avait-elle pas trop mis en avant le JE quand on sait que la solution à la crise environnementale est avant tout collective. Greta Thunberg, en David contre Goliath et, à sa suite, beaucoup d’activistes climatiques se mettant en scène en héros climatique (les projections de soupe) n’est-il pas un récit trop ancré dans l’individualisme… De manière générale, nous devrons éloigner l’action climatique d’une logique de « individus contre le système » et insister sur le “mouvement” et sur l’action collective.
Partir de l’opinion telle qu’elle est
Enfin, le mouvement climatique doit sans doute (comme tous les mouvements) éviter de vivre dans une tour d’ivoire. Par exemple, il est indéniable que l’environnement international, notamment, a rendu les opinions publiques plus sensibles à des questions de sécurité ou de migration. Nous devons étendre notre base militante en faisant un effort d’empathie, en sortant de nos bulles respectives. Le message envoyé par les électeurs francophones dans les urnes n’est pas que le fruit d’une conjoncture temporaire. Il dénote (aussi) d’une tendance de fond qu’il nous faut assimiler et respecter.
Crédit image d’illustration : Adobe Stock
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